Hélios Latchoumanaya a toujours eu l'esprit ouvert. Curieux. S'il pratique le judo depuis l'âge de 7 ans, il s'est aussi essayé à d'autres disciplines. "Le foot m'a vite déplu. Tout comme le BMX. Le basket et l'athlétisme, en revanche, m'ont bien accroché. Mais avec ma vision réduite, le basket devenait compliqué. Et j'ai dû arrêter l'athlétisme lorsque j'ai quitté Tarbes pour intégrer un pôle espoir de judo." Progressivement, le para judo devient donc son unique amour. Comme une évidence. "C'est là où j'étais le plus fort. Même si le passage de bon judoka à membre du cercle des meilleurs a nécessité beaucoup, beaucoup de travail. Et c'est toujours le cas aujourd'hui."
Premiers Jeux, première médaille
2018 : Hélios Latchoumanaya intègre le pôle France judo à l'INSEP. Première consécration. Trois ans plus tard, il dispute les Jeux Paralympiques. À Tokyo. Médaille de bronze. Deuxième consécration. "J'en conserve pourtant un souvenir mitigé. D'un côté, il y a ma première médaille et la grande joie qui en découle. De l'autre, il y a ce petit brin d'amertume d'avoir perdu en demi-finale. Même si je n'avais que 21 ans, j'étais parti au Japon pour monter sur la plus haute marche du podium."
Le Guadeloupéen est comme tous les champions : il n'aime pas perdre. Sauf que chez Hélios, c'est carrément viscéral. "Je déteste perdre ! Je ne supporte pas cette sensation. Résultat : je suis obligé de gagner." Les rares fois où Hélios s'incline, les heures qui suivent, virent au cauchemar. "La dernière fois que j'ai perdu sur le circuit pro, je me suis mis à bouder. Il ne fallait plus me parler. J'étais tellement déçu d'avoir laissé passer ma finale sur de petits détails. Tellement frustré. Sur l'instant, c'est très compliqué à vivre pour moi."
Paris pour de l'or
Depuis Tokyo, Hélios a enchaîné les victoires. Et notamment deux titres mondiaux. Le voilà numéro un dans sa catégorie des moins de 90 kilos. De quoi aborder les prochains Jeux à Paris avec une certaine pression. "Se présenter sur le tatami avec l'étiquette de favori apporte un peu de stress, c'est certain. Mais quelle que soit la compétition, je veux la gagner. Pas question de perdre, vous vous souvenez ?" Paris 2024 ne semble donc pas stresser le Guadeloupéen outre mesure. C'est officiel : la nuit, il dort... très bien.
Dans l'entourage du champion, les regards sont admiratifs. Christophe Gagliano, l'un de ses entraîneurs, définit même Hélios comme l'homme à abattre, la référence chez les moins de 90 kilos. "C'est certainement celui qui a le plus progressé dans sa catégorie, ces deux dernières années." Attention cependant, prévient le spécialiste. Tout le monde est perfectible. Même Latchoumanaya. "Il doit encore progresser dans le domaine de la concentration. Être plus constant dans ses combats. Ne pas laisser son adversaire s'exprimer. En judo, ça peut aller très vite. Si le combat ne doit durer que trente secondes, qu'il ne dure que trente secondes !"
Quand Hélios dévoile Latchoumanaya
Lors des Jeux Paralympiques de Paris, le Guadeloupéen aura 24 ans. Un judoka redouté. Aux atouts multiples. Et sans défauts connus. "Euh… si, quand même. J'adore manger. Si vous m'aviez vu à mon retour des vacances de Noël, vous auriez noté que j'avais de bonnes joues. Je devais peser bien plus de 90 kilos." Certes, mais ça, c'était avant. Avant le retour aux affaires. "C'est vrai. En période de compétition, je fais très attention. Même si j'ai un fâcheux penchant pour les bonbons…"
Les bonbons et l'information. Hélios Latchoumanaya suit le cursus de Sportcom, la structure diplômante de l'INSEP qui forme les sportifs de haut-niveau au métier de journaliste. Hélios rêve de faire de la radio. Alors voici un exercice pratique : le samedi 7 septembre 2024, quelle unique question le journaliste Latchoumanaya poserait au judoka guadeloupéen ? L'étudiant réfléchit quelques secondes, puis lâche dans un sourire : "Alors Hélios, quel goût a cette victoire ?"