Tout d’abord, il convient de s’interroger sur les raisons qui ont soudain poussé le gouvernement à publier voilà deux jours un rapport rédigé en mai 2022 par l’Inspection Générale des Finances, soit plus de 2 ans après. Au Sénat, le sénateur guadeloupéen Victorin Lurel a relancé par deux fois le gouvernement. À l'Assemblée nationale, ce sont les députés guyanais Jean-Victor Castor et Davy Rimane qui ont fait pression pour obtenir la publication de ce rapport. Ils l'obtiendront finalement par la Cada (Commission d'accès aux documents administratifs). Hasard du calendrier ou pas, d’aucuns pourraient y voir un début de réponse à la problématique de la vie chère aux Antilles et singulièrement à la Martinique. Puisque l’essentiel des 44 pages du rapport concerne la SARA et son avenir.
Le fonctionnement de la SARA décortiqué
Les auteurs de ce rapport de 44 pages rappellent que la SARA détient un triple monopole, à savoir l’importation des produits pétroliers, bruts, finis ou semi-finis, le stockage et le raffinage sur les Antilles et la Guyane. Ces activités lui assurent une rémunération garantie de 23 millions d’euros chaque année, et ce depuis 2014.
Les inspecteurs des finances déplorent que les services de l’Etat, et singulièrement les Préfectures, ne soient plus en mesure de contrôler la grille de fixation des prix proposée chaque mois par la SARA. Ils demandent que cette compétence soit transférée à la CRE, la commission de régulation de l’Energie.
Le raffinage, principal facteur du surcoût
De fait, la plus petite raffinerie au monde coûte cher aux automobilistes antillo-guyanais. L’outil de production est ancien et sous-dimensionné, à tel point que la SARA importe aujourd’hui davantage qu’elle ne produit. Les rapporteurs soulignent que la suppression du raffinage permettrait de diminuer le prix du litre de sans-plomb de 14 à 18 centimes. Mais il faudrait alors licencier ou requalifier 112 emplois sur les 336 que compte la SARA.
Or ce qui n’est qu’une hypothèse dans ce rapport pourrait devenir réalité d’ici à quelques années. En 2035, la vente de véhicules à moteur thermique sera interdite en Europe. Conséquence, tous les acteurs de la filière vont être contraints d’évoluer sous peine de disparaître.
Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe a réagi à la publication du rapport.
Il confirme en premier lieu le bienfondé et l’efficacité des décrets et arrêtés de méthode que j’avais publié contre vents et marées en 2013 et 2014 pour renforcer la transparence des prix, restreindre les marges, contrôler l’activité du secteur et lutter contre l’exorbitance des prix des carburants outre-mer. Une série de textes réglementaires qui aura permis de contenir la flambée des prix, objectiver leur montant et réduire de 10 millions d’euros chaque année les marges de la raffinerie SARA.
Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe
Compte tenu de l’importance de cette problématique pour le quotidien des populations antillo-guyanaises, le sénateur a d'ailleurs sollicité, auprès du préfet de Guadeloupe, l’organisation d’une réunion de travail pour évoquer les suites qui seront données à ces propositions.
Je retiens de nombreuses propositions – formulées personnellement de longue date – pour, d’une part, améliorer le contrôle de l’application des textes et, d’autre part, parfaire les dispositifs visant à favoriser l’entrée de nouveaux acteurs, à renforcer la transparence sur les comptes et donc les marges, à transférer la régulation de la SARA à la Commission de Régulation de l’Energie et à clarifier les grilles de fixation des prix.
Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe
Sollicités, les services de l'Etat n'ont pas souhaité s'exprimer pour l'instant sur ce dossier.