Le couvre-feu des mineurs mis en œuvre pour un mois, à compter du 22 avril 2024, dans plusieurs quartiers des Abymes et de Pointe-à-Pitre, a été reconduit jusqu’au 22 juin prochain, par arrêté préfectoral. Dès l’annonce de cette mesure de lutte contre la délinquance galopante localement, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait évoqué l’idée de cette reconduction ; c’était lors de sa visite officielle en Guadeloupe, mi-avril.
Une mesure que l’Etat justifie
L’état veut ainsi garantir la sécurité de la population, dans les secteurs visés, considérant que, sur le territoire de la Guadeloupe, "la délinquance est à un niveau très élevé et structurellement croissant".
Plus particulièrement, on dénombre 14 homicides du 1er janvier au 12 mai 2024 contre 9 durant la même période en 2023, soit une augmentation de 56%, 51 tentatives d’homicide du 1er janvier au 12 mai 2024 contre 38 durant la même période en 2023, soit une augmentation de 34% (...) les atteintes aux biens sont, par ailleurs, en augmentation de 19% entre ces deux périodes et les atteintes à l’intégrité physique des personnes sont en augmentation de 13%.
Extrait de l’arrêté préfectoral du 21 mai 2024
Un phénomène qui s’accentue suivant sensiblement les mêmes proportions sur la zone de responsabilité de la direction territoriale de la police nationale, où l’implication des mineurs dans la délinquance va aussi crescendo : 5% en 2022, 6% en 2023 et 10% au premier trimestre 2024. Le nombre de jeunes de moins de 18 ans auteurs de méfaits est aussi en augmentation.
La préfecture dit vouloir "contribuer à la protection des mineurs contre les dangers auxquels ils sont particulièrement exposés, qui tiennent tant au risque d’être personnellement victimes d’actes de violence, qu’à celui d’être mêlés, incités ou accoutumés à des tels actes".
Pour rappel, le couvre-feu des mineurs a fait l’objet de procédures en référé, à l’initiative du collectif Lakou LKP ; des requêtes rejetées par le tribunal administratif de la Guadeloupe et le Conseil d’Etat.
Cette mesure a aussi été contestée par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), en vain.
Bilan d’un mois de couvre-feu
Le directeur territorial de la police nationale a produit un rapport, le 16 mai dernier, sur l’évolution de la délinquance à Pointe-à-Pitre, sur les trois premières semaines d’application de l’arrêté, à savoir du 22 avril eu 12 mai 2024.
Il en ressort que la part des mineurs dans la délinquance s’établit à 6,8% ; un pourcentage en diminution par rapport à celui de 10% constaté durant les trois premiers mois de 2024.
À Pointe-à-Pitre, aucun fait de délinquance commis par des mineurs n’a été constaté. Aux Abymes, au contraire, son nombre va croissant : 10,5%, contre 9,2% entre janvier et avril 2024.
Dans les deux villes partiellement couvertes par le couvre-feu, le nombre de délinquants de moins de 18 ans a baissé, depuis le 22 avril dernier.
Sur le plan qualitatif (...), aucun fait délictuel ou criminel n’a été commis par des mineurs dans les lieux et durant les créneaux horaires visés par l’arrêté (...). Les effectifs de police font état de nuit plus calme, depuis son entrée en vigueur, confirmant l’effet positif de la mesure et son adaptation à l’objectif d’ordre public poursuivi.
Extrait de l’arrêté préfectoral du 21 mai 2024
La préfecture y voit des éléments démontrant "un effet quantifiable" de cette réponse à l’insécurité.
Adaptation de la mesure
Jusqu’ici, le quartier de Lauricisque n’était pas concerné par le couvre-feu. C’est désormais le cas, puisque l’extension du périmètre a été prévue par l’arrêté préfectoral portant "reconduction et adaptation" de celui publié le 20 avril dernier. Cela se justifie, selon la préfecture, "par le constat, par les forces de police, d’une circulation nocturne de mineurs causant des troubles à la tranquillité publique".
En revanche, le centre-ville de Pointe-à-Pitre n’est plus inclus dans la zone d’application du couvre-feu, du fait du "constat, par les forces de police, d’une présence familiale de mineurs accompagnés, ne causant aucun trouble à l’ordre public", complète la préfecture.