"Une révision constitutionnelle fera qu’il ne sera plus possible de devenir français à Mayotte si on n’est pas né de parents français". C'est l'annonce faite par Gérald Darmanin lors d'un déplacement sur l'île le 11 février dernier. Les réactions n'ont pas tardé au national, mais aussi en Guyane.
"Ça précariserait la situation de personnes étrangères"
"On s'y oppose mais on n'est pas vraiment surpris", indique Mathieu Tetrel, président du groupe local de la CIMADE en Guyane, une association défend les droits des migrants, des réfugiés et des étrangers. Il poursuit : "ça faisait partie du projet de loi immigration, ça a été retoqué et là on va encore plus loin, c'est-à-dire qu'on refuserait à toute personne d'origine étrangère que ses enfants puissent avoir accès à la nationalité française, ce qui est un principe fondamental de la République française."
Le président de la CIMADE craint, dans le cas où la mesure serait appliquée à Mayotte, qu'elle ne s'étende en Guyane. "Ce serait une très mauvaise chose car ça précariserait la situation de personnes étrangères qui résident sur le territoire", ajoute-t-il.
"Ce ne sont que des demi-mesures"
Pour Jérôme Harbourg, délégué départemental adjoint du Rassemblement National en Guyane, "ce ne sont que des demi-mesures". Il estime que ce projet de suppression ne répond pas suffisamment aux besoins du territoire et que d'autres actions devraient l'accompagner.
Le parti a notamment demandé récemment "à ce qu'il y ait une obligation de cinq ans de présence sur le territoire avant de bénéficier de quoi que ce soit". Selon Jérôme Harbourg, l'afflux d'immigration illégal s'explique "par l'attractivité d'un territoire par rapport aux mesures sociales dont nous pouvons bénéficier".
Le parti souhaite par ailleurs que la mesure d'interdiction de droit du sol soit appliquée sur l'ensemble du territoire français.
Une mesure "qui ne brillera aucunement par son efficacité"
Autre réaction au niveau local, celle de Davy Rimane, député de Guyane. "Il s’agit là d’une mesure d’annonce qui ne brillera que par le nombre de brèves, d’éditos et de communiqués de presse qu’elle suscitera, mais aucunement par son efficacité", a-t-il dit.
L’avantage d’une telle annonce tapageuse, qui contribue encore une fois à faire la courte-échelle aux idées racistes et xénophobes de la droite extrême et de l’extrême droite, réside dans ses coûts-bénéfices : un coût financier inexistant pour un bénéfice médiatique très élevé. L’État cherche ainsi, assez lâchement il faut le dire, à faire peser sur les épaules des migrants la responsabilité de ses propres échecs : pénurie d’eau, insécurité, services publics en berne. Le cheminement de Mayotte vers le droit commun de la République s’enlise depuis de nombreuses années, et la lenteur indubitable de mise en œuvre des droits sociaux suffirait à elle seule à le démontrer.
Extrait du communiqué de Davy Rimane
"La réforme de la Constitution aura beau changer le droit, elle n’aura aucun impact sur la réalité migratoire de personnes fuyant une situation de misère intenable", a aussi déclaré le député.
Il conclut : "Elle est aussi prémonitoire de ce qui pourrait advenir à l’échelle de la France dans un futur pas si lointain. Car les singularités applicables outre-mer ont bien souvent servi de banc d’essai pour des reculs des droits sur l’ensemble du territoire français."