La fiction de l’autrice guyanaise Françoise James Ousénie « Pénuries de graines » pourrait-elle préfigurer une situation de manque comme celle qui prévaut dans le secteur de l’agroalimentaire avec une forte diminution de la fructification du palmier wassaï, la résultante d’une année de sécheresse record ?
Une sécheresse qui touche durement le secteur agroalimentaire du wassaï
Le constat pour l’heure est quand raison du manque d’eau les palmiers qui donnent les drupes de wassaï n’ont pas produit autant que d’habitude. S’agit-il d’une situation conjoncturelle due à un phénomène météo provisoire ou d’un événement durable ? Il n’y a pas encore de réponse précise mais le premier résultat observé est une baisse significative d’au moins 40% de la production annuelle de wassaï en 2023.
Depuis un an les transformateurs artisanaux de la fameuse graine de wassaï ont pratiquement tous augmenté d’un euro le prix du litre de pulpe de wassaï très apprécié et présent dans l’alimentation des Guyanais. Le consommateur paie désormais de 6 à 8 euros le litre dans l’île de Cayenne, 5 euros à Saint-Georges dans l’Est ainsi que dans l’Ouest à Saint-Laurent-du-Maroni.
Pour l’agro transformateur Dave Drelin, le PDG de Yana Wassaï, la diminution de la ressource eau a eu une incidence non négligeable en Guyane:
« Nous subissons toujours les effets de la très forte sécheresse de 2023 avec une raréfaction de la ressource en eau. Les agriculteurs ont même sollicité les services de l’Etat et un plan calamité est train de se mettre en place. La baisse de la productivité des agriculteurs serait de 40 à 60%. Concernant le wassaï, nous sommes en début de saison et à ce moment-là, il est habituel que les prix fluctuent au Brésil qui exporte vers la Guyane, mais le phénomène climatique se surajoute. Les prix se stabilisent à la pleine saison qui va intervenir en avril. »
Concernant les résultats de l’usine Yana Wassaï, l’agro transformateur a subi comme tout le monde les effets délétères de la sécheresse :
« Nous accusons le coup au niveau l’usine. Sur l’année 2023 cela représente 50% de moins que ce que nous espérions faire. Comme nous sommes en tout début d’activité, nous ne sommes pas encore suffisamment étoffés pour absorber ce déficit et nous nous intégrons dans le plan calamité qui est prévu pour essayer de compenser les pertes. Heureusement, nous avons beaucoup transformé le wassaï en poudre pour laquelle la valeur ajoutée est plus forte. Cela nous permet d’absorber un petit peu le manque à gagner mais cela n’est pas suffisant ».
La mise en place d’un plan calamité agricole demandée par la chambre d’Agriculture
Les usines de wassaï du Brésil n’ont pas encore augmenté fortement leurs prix à l’export car les transformateurs se rattrapent sur le volume de marchandises vendu. Mais selon Dave Drelin la vraie répercussion sur le prix de la pulpe de wassaï sera effective dans six mois.
Le chef d’entreprise souligne aussi la nécessité pour les planteurs de wassaï guyanais de se faire accompagner techniquement. « On a constaté que les zones naturelles humides de wassaï ont beaucoup moins souffert. Pour la filière de plantations, il faut donc, en amont, prévoir les systèmes d’irrigation, de captage d’eau ou s’implanter sur des sols propices à cette activité agroalimentaire. »
Jean-Yves Tarcy, le vice-président de la Chambre d’Agriculture a apporté des précisions sur la reconnaissance de calamité agricole :
« La chambre d’agriculture suite à la sécheresse a procédé à un recensement des pertes auprès des agriculteurs pour le montage d’un dossier d’aide présenté au préfet afin qu’il lance la procédure de reconnaissance de calamité agricole. Cela a été suivi d’une mission d’enquête dont les résultats sont connus depuis trois semaines et se trouvent désormais au ministère de l’agriculture. Il ajoute : J’ai moi-même planté du wassaï, j’ai eu des pertes et je confirme que ceux qui ont résisté sont les plants qui ont été mis en zone plus humide. J’ai racheté des plants et commencé à replanter sur des sols plus adaptés. »
En Amapa le prix de l’açaï atteint des sommets
Dans le nord du Brésil la transformation de l’açaï (wassaï ou pinot en Guyane) est une industrie forte qui fait vivre toute une population qui pratique l’extractivisme. La collecte de l’açaï s’effectue dans la forêt en bordure de fleuve où se trouvent les pinotières le plus souvent. Il y a également de nombreuses plantations du fameux palmier. La forte sécheresse a réduit le volume de production et a fait grimper les prix des graines acheminées au prix fort à Macapa, la capitale de l’Amapa. En ce moment, le litre d'açaï est généralement de 30 reais soit plus 4,5 euros ce qui est très élevé pour le Brésil où le salaire de base est de 900 reais soit à peine 140 euros.
L’activité des « dépulpeurs » ou transformateurs artisanaux s’est donc drastiquement réduite certains ont même cessé leur activité, les clients n’étant plus au rendez-vous.