L'étude de l'Isee sur l’insécurité dans la société calédonienne en 8 points

Le sentiment d'insécurité dans la population calédonienne selon les provinces (%).
Les Calédoniens se sentent deux fois plus en insécurité que les Métropolitains. C’est le constat dressé par l’Institut de la statistique et des études économiques, qui a publié mardi son enquête sur les conditions de vie et de sécurité en Nouvelle-Calédonie. Un sentiment alimenté notamment par des problématiques de délinquance et d’addiction.

Dresser un état des lieux des violences vécues par les Calédoniens dans leur quotidien, aussi bien en terme d’atteintes aux biens qu’aux personnes : c’est le but de l’étude « Cadre de vie et sécurité ». Elle a été réalisée par l’Isee sur un échantillon de 6 000 foyers, répartis sur l’ensemble du territoire, entre février et septembre 2021. Les ménages ont été interrogés sur des actes s’étalant sur la période 2019-2020. "Il s'agissait avant tout de produire une base de référence, c'est-à-dire de mettre des statistiques sur des faits de société, le point zéro" , explique Olivier Fagnot, directeur de l’Isee. "L'idée c'est de la reproduire, avec une périodicité qui reste à définir, pour permettre au fil du temps d'établir l'impact des politiques publiques sur ces sujets".

1Un sentiment différent en fonction des provinces

En 2021, 45 000 Calédoniens âgés de 14 ans ou plus ont déclaré se sentir "souvent"  ou "de temps en temps" en insécurité dans leur quartier, leur village ou leur tribu, soit 21 % de la population. Ils sont également 38 000 à ressentir de l’insécurité à leur domicile, soit 18 % de la population. A contrario, 17 % disent renoncer "souvent"  ou "parfois" à sortir de chez eux.

Mais les différences sont particulièrement marquées entre les provinces. Dans le Sud, une personne sur quatre se sent en insécurité dans son quartier (24 %), contre 12 % en province Nord et 7 % dans la province des Îles.

2Les femmes et les vieux plus touchés par l’insécurité

Un sentiment qui est très variable en fonction du genre, mais également de l’âge. En effet, les femmes se sentent davantage en insécurité que les hommes (27 % contre 15 %). Un ressenti qui croît aussi avec l’âge, puisque les personnes âgées renoncent davantage à sortir de chez elles et se sentent moins en sécurité à leur domicile que les plus jeunes.

A noter que le niveau d’insécurité éprouvé par les non Kanak (24 %) est plus importante que celui affiché par les membres de la communauté kanak (16 %).

Une différence qui se fait également ressentir en fonction de l’environnement dans lequel on vit, puisque ceux qui habitent en milieu urbain se sentent moins en sécurité (26 %) que ceux qui sont en milieu rural (11 %).

3Délinquance et addictions : principales préoccupations des Calédoniens

Quel que soit son âge ou son sexe, un Calédonien sur quatre désigne la délinquance comme le problème le plus prégnant dans la société actuelle. Viennent ensuite les addictions à l’alcool, la drogue ou le tabac (19 %), la santé (15 %) puis l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie (14 %).

La délinquance figure également loin en tête du classement des problèmes les plus importants rencontrés dans l’environnement immédiat des ménages, suivie des dangers de la circulation, du bruit et de la pollution (air, eau et sol).

4Le fléau des cambriolages

Ce sont 9 % des ménages calédoniens qui se déclarent victimes d’au moins une atteinte à leur logement (cambriolage ou tentative de cambriolage, vol sans effraction ou acte de destruction). Et en moyenne chaque année, près de 3 600 ménages subissent un cambriolage, soit 4 % des foyers locaux. Une proportion bien plus élevée qu’en Métropole (1,1 %). Un taux de victimisation beaucoup plus important en ville où se concentrent 86 % des cambriolages.

5Des insultes, des menaces et des violences physiques plus importantes qu’en Métropole

Parmi les comportements portant atteinte à l’intégrité de la personne, les insultes, les menaces ou les violences physiques tiennent une place notable en Nouvelle-Calédonie. 12,3 % de la population a déjà subi des insultes (contre 7,9 % en Métropole) - parmi les types d’insultes recensés, celles à caractère raciste ou xénophobe arrivent en tête (58 %), suivies des insultes sexistes (10 %). Et 4,5 %, des actes d’intimidation (2,9 % en France métropolitaine).

Pour les violences physiques, les Calédoniens sont quatre fois plus touchés que les Métropolitains (2,8 % de la population, contre 0,8 %). Des agressions qui se déroulent le plus souvent dans la rue ou sur le lieu de travail, et dont la gravité augmente souvent avec la consommation de drogue et/ou d’alcool.

6Discriminations inégales

En moyenne, 9 600 personnes par an se déclarent victimes de comportements discriminatoires en raison de leur couleur de peau, leur origine, leur religion, leur orientation sexuelle ou leur sexe, soit 4,5 % de la population de plus de 14 ans. Parmi ces victimes : 52 % sont des femmes, 34 % appartiennent à la communauté kanak et 35 % sont âgées de moins de 30 ans.

Les premiers domaines de discrimination sont le milieu professionnel pour les non-Kanak et l’accès à un lieu accueillant du public (restaurants, boîtes de nuit, magasins) pour les Kanak. Ces derniers se retrouvent par ailleurs discriminés dans une plus grande variété de situations : travail, recherche d’emploi, démarches administratives, contrôle de police.

Interrogés sur les raisons susceptibles d’être à l’origine de cette discrimination, 54 % des victimes pointent du doigt leur origine, 43 % leur couleur de peau et 11 % leur apparence physique ou leur tenue vestimentaire.

7Les violences "sensibles" : un phénomène d’ampleur

Par violences dites "sensibles", on parle des agressions destinées à marquer psychologiquement, physiquement et/ou sexuellement la victime. Elles ne sont recensées que pour les personnes âgées de 18 à 75 ans. Et en Nouvelle-Calédonie, 11 % des personnes déclarent subir de telles violences, dont une majorité de femmes.

Au sein des ménages, on estime qu’un adulte sur huit, dont principalement des femmes, ont subi des violences "sensibles", ce qui représente 22 200 personnes. Et dans 90 % des cas, l'auteur est un homme. Pour les viols, on estime en moyenne à 1 300 individus par an le nombre de victimes (soit 0,7 % de la population âgée de 18 à 75 ans, contre 0,3 % en France métropolitaine).

Présentée en avant-première mardi après-midi à l'occasion du troisième comité de suivi du Grenelle sur les violences conjugales, une étude plus approfondie sur les violences intrafamiliales devrait être publiée ce vendredi sur le site internet de l'Isee. En attendant, retrouvez notre article sur le sujet ici.

8Le taux de plainte, une base imprécise

Jusqu’à présent, seuls les délits enregistrés par la police et la gendarmerie permettaient de mesurer le niveau de délinquance en Nouvelle-Calédonie. Mais ces données statistiques ne couvrent qu’une partie de la réalité, puisque de nombreux incidents ne font pas l’objet d’une déclaration auprès des autorités. Lorsqu’on compare les résultats de l’enquête aux plaintes déposées, on se rend compte que les atteintes restent faiblement rapportées aux forces de l’ordre. Selon les interrogés, les deux principales raisons sont que "le déplacement n’en valait pas la peine car l’atteinte n’est pas suffisamment grave" et que "cela n’aurait servi à rien".

A noter que les faits d’une certaine gravité, tels que les violences sexuelles, restent faiblement rapportés (10 % des victimes en dehors du ménage déclarent avoir déposé plainte en 2019 et 2020).