Maladie du manioc : quelle suite pour les agriculteurs guyanais ?

Champ de manioc à Trois Sauts
Une conférence sur les perspectives pour la filière était organisée hier soir, vendredi 9 août, à la Maison des cultures et des mémoires à Rémire-Montjoly. La maladie étant identifiée, les services de la CTG, de l’Etat et les acteurs de la filière planchent sur des solutions.

La maladie du manioc, touchant les plantations guyanaises depuis deux ans, a finalement été identifiée, sous le nom de Ceratobasidium. Sous cette appellation un peu barbare se cache un champignon, ayant causé d'immenses dégâts sur le territoire. Il a été détecté par le Centre international d'agronomie tropicale (CIAT) en mai dernier et confirmé officiellement par le ministère de l'Agriculture début juillet.

Ce champignon était inconnu du territoire sud-américain jusqu'alors. En revanche, il essaime en Asie du Sud-Est depuis 2009, malgré une détection tardive en 2023. Pour l'heure, les scientifiques ne savent pas comment ce champignon a pu traverser les continents et se développer en Guyane. Il est seulement possible de dater son apparition. Des premiers dégâts ont été constatés dès 2022 sur le Maroni.

Conséquences pour les agriculteurs

Les producteurs ont été touchés de plein fouet par cette maladie. Des parcelles entières ont pu être infectées, mettant à mal la sécurité alimentaire de nombreuses familles. Therese Aulaguea, représentant des organisations autochtones au sein du Grand Conseil Coutumier, témoigne des conséquences financières de cette crise pour les peuples de l'est guyanais :

Cette maladie affecte l'équilibre de nos familles. En dehors des minimas sociaux, c'est grâce à cette culture vivrière que nos survivons. Ce n'est pas qu'un produit qui disparaît, c'est un pare-feu réel à nos problèmes économiques.

Therese Aulaguea, représentant des organisations autochtones au sein du Grand Conseil Coutumier

Loin des supermarchés, les populations autochtones risquent de souffrir d'insécurité alimentaire, alerte Therese Aulaguea. À l'occasion de cette conférence, organisée dans le cadre des Journées des peuples autochtones, le jeune représentant amérindien a eu l'occasion d'interpeller les représentants de l'Etat et de la CTG pour obtenir des livraisons alimentaires, à l'instar des populations voisines, installées en Amapa, où l'Etat d'urgence phytosanitaire a été mis en place depuis le 21 juillet.

"Les maires doivent remonter les besoins alimentaires de la population à la préfecture. Nous les approvisionnerons sur la base de ces demandes", assure Patrice Poncet, directeur de l'environnement, de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Côté CTG, Roger Aron, le vice-président délégué à l'agriculture, souhaite "renforcer les liaisons aériennes" sur Camopi et Trois-Sauts pour livrer des denrées alimentaires, sans pour autant préciser de date possible.

Quelle suite ?

En attendant, les services concernés travaillent sur des projets de sensibilisation aux bonnes pratiques. Exemple avec le plan SANIMANIOC, contracté entre la collectivité de Guyane et la Cirad*, en janvier 2024. Il s'agit de favoriser la production de boutures saines sur le territoire par plusieurs biais ; la création d'un réseau de producteurs, la formation, la mise en place d'ateliers participatifs et la diffusion d'un guide de bonnes pratiques.

Au cœur de ce projet : la construction avec les populations de "chambres thermiques" dans six communes guyanaises (Kourou, Iracoubo, Saint-Georges, Saint-Laurent, Maripasoula et Camopi). Il s'agit de serres servant à reproduire des plants sains de manioc et permettant de détecter en amont l'apparition de la maladie. Elles doivent servir de modèle pour inspirer les agriculteurs et enseigner des bonnes pratiques.

L'État quant à lui va mettre en place un plan régional d'action et élaborer une stratégie phytosanitaire. "L'approche envisagée serait de soutenir la recherche appliquée en travaillant par exemple sur la mise en place de tests rapides pour identifier les boutures infectées", précise Patrice Poncet. Ce plan devrait voir le jour d'ici la fin d'année 2024.

En attendant, les agriculteurs s'organisent, bien souvent par eux-mêmes, en privilégiant certaines variétés de manioc et en s'échangeant quelques conseils, pour limiter les dégâts.

GUIDE DES BONNES PRATIQUES

  • Ouvrir de nouveaux abattis loin de ceux contaminés, dans la mesure du possible
  • Bouturer le milieu des plants sains
  • Désinfecter son matériel
  • Vérifier la couleur du bois des bâtons avant de planter
  • Détruire les plantes malades par le feu

*Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement