Comme ses homologues de la Guadeloupe et de la Guyane, la sélection de Martinique peut participer à la Gold Cup en tant que membre de la CONCACAF (Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes). Une compétition internationale pour laquelle ces territoires forment une sélection propre composée de leurs meilleurs joueurs.
Mais pour leurs deux matchs (Canada le dimanche 11 et États-Unis le jeudi 15 juillet 2021), au moment des hymnes, les Martiniquais ont gardé le silence.
Selon Samuel Pereau, le président de la Ligue de Football de la Martinique, il s'agit avant tout d'une question d'"identité martiniquaise".
On connaît les difficultés de nos pays français d'Amérique en termes d'identité. Il y a ce petit malaise en termes de reconnaissance de l'identité martiniquaise et c'est pour cela que c'est un sujet qui a souvent été mis sur la table.
Le sujet est sensible. C'est une vraie question. En Gold Cup, la Martinique affiche un drapeau qui avait été mis en place par nos responsables politiques. Pour la Guadeloupe et la Guyane, pour l'instant ce n'est pas le cas. Et pour les trois, c'est la Marseillaise qui est jouée.
Demain, ou après demain, au sens figuré, il est possible qu'on puisse avoir à la fois une musique et des couleurs (un drapeau) qui représentent l'identité martiniquaise. Je crois que c'est le souhait de la plupart des sportifs. Ce souhait avait été exprimé en Martinique de manière assez forte.
Après, il faut qu'il y ait un consensus pour que les sportifs et la population se reconnaissent au travers de couleurs et d'une musique ou d'un hymne qui puisse représenter l'identité martiniquaise.
Même constat pour le sociologue Moïse Udino qui va plus loin dans la réflexion et mets en avant plusieurs arguments.
Il y a un problème lié à la connaissance de la chanson. Les gens n'ont pas l'habitude de chanter la Marseillaise. Ce n'est pas une pratique sociale, ce n'est pas dans la culture martiniquaise de chanter l'hymne national français. Surtout au vu de la situation des Antilles et le rapport avec la France.
Et puis ça renvoie à la question de l'identité qui est centrale. La question de l'identité est liée à l'histoire de France et de celle de la Martinique.
Un drapeau et un hymne pour la Martinique
Pour régler définitivement le problème, depuis le 10 mai 2019, la Martinique a un drapeau et un hymne validés par l'ancienne mandature de la Collectivité Territoriale de Martinique à l'issue d'un vote en ligne.
Mais plus de deux ans plus tard, les choses semblent n'avoir que peu évolué. Pour la Gold Cup par exemple, sur le site internet officiel de la compétition de football, c'est bien le drapeau "Ipséité" (strombe bleu et vert) qui est utilisé pour la Martinique alors qu'une recherche google met en avant le drapeau tricolore.
En Martinique également, la population semble avoir du mal à s'approprier ce drapeau.
C'est tout un travail pédagogique à faire. Il y a des fractures, par des schismes toujours dans le manque de connaissance, parce qu'on n'est pas au même niveau d'information.
Et puis la manière dont ça a été fait. Ça ne correspond pas à une histoire. Qu'on l'aime ou pas, le drapeau Rouge-Vert-Noir a une histoire. La symbolique des couleurs, des formes triangulaires veulent dire quelque chose.
Les gens ne peuvent pas s'approprier ce drapeau au lambis. Se retrouver représenté comme un lambis alors qu'on le mange, on le bat, je te bats comme un lambis. Il est représenté comme le sexe d'une femme.
Alors certes, c'est un outil de communication, mais de la mort.
Il est aussi utilisé pour le magico-religieux. Donc c'est compliqué de s'approprier un tel symbole.
Le drapeau "Ipséité" et l'hymne "Lorizon" sont malgré tout les créations de deux Martiniquais. À la demande de nos politiques, ils souhaitaient donner des emblèmes pour "les déplacements culturels et sportifs de la Martinique à l’international"....mais nous constatons que ce n'est pas suffisamment partagé.