La problématique de l’indivision, au cœur de l’affaire Pinto en Martinique

Terrain abandonné (image d'illustration).
Après 2 nuits de tensions à Fort-de-France à la suite de l’incarcération provisoire de l’activiste Hervé Pinto, la population martiniquaise condamne majoritairement les violences et les méfaits perpétrés. Mais au-delà de ces agitations, la sortie de l’indivision et la "prescription trentenaire" restent le nœud du problème dans ce dossier, comme pour beaucoup de familles dans l’île.

Les habitants du quartier Sainte-Thérèse à Fort-de-France ont assisté impuissants dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 mars 2024, à des dégradations, des incendies, des vols et des affrontements entre les forces de l’ordre et des individus cagoulés, "prétextant l’interpellation et l’incarcération d’Hervé Pinto" selon la préfecture, comme la nuit précédente au centre-ville. L’activiste a été placé en détention provisoire depuis dimanche dernier (10 mars 2024) "pour violation de son contrôle judiciaire".

À Chateaubœuf toujours en périphérie foyalaise durant la même nuit, c’est une station-service qui a été attaquée à l’aide d’une pelle mécanique, tandis qu’à quelques kilomètres à Acajou au Lamentin, 12 véhicules ont été incendiés dans une concession automobile.

Sur la forme

La population martiniquaise dénonce très majoritairement cette escalade de la violence, à commencer par les riverains de Sainte-Thérèse.

À 3h, 4h du matin, je ne dormais toujours pas encore. J’avais peur, parce que ce sont des problèmes que j’ai connus en Haïti lesquels semblent s’exporter ici [en Martinique]. Cela n’a pas de sens, d’autant qu’il y a des gens malades comme moi qui souffre du cœur. Et ce sont nous les contribuables qui payons les réparations après.

Une habitante d’origine haïtienne

J’ai surtout peur de recevoir une balle perdue...

Un riverain

Bonne cause ou pas, cela impacte tout le monde. Il faut trouver une autre façon de manifester pour dire qu’on n’est pas d’accord.

Une autre habitante

C’est la justice qui sait ce qu’il faut faire, mais il faut que cela s’arrête !

Un témoin de l’avenue Maurice Bishop

  • (Des interviews réalisées au micro Martinique 1ère de Manuel Larade)
L'avenue Maurice Bishop à Sainte-Thérèse à Fort-de-France, au lendemain de tensions entre individus cagoulés et les forces de l'ordre, en marge de l'affaire Pinto.

Sur le fond

La situation est diversement appréciée et commentée par certains élus, selon la sensibilité politique des uns et des autres. Mais sur le fond, tous s’accordent à dire que c’est le problème de l’indivision qui est cœur de cette affaire, comme dans beaucoup d’autres familles de l’île.

Elles [des organisations patriotiques] demandent à toutes les instances politiques de prendre leurs responsabilités et de proposer en urgence les dispositions nécessaires pour régler l’affaire de la famille GRAT et traiter, d’une manière plus générale, la question des terres volées en Martinique.

Francis Carole

(Post Facebook du conseiller territorial de l’opposition indépendantiste, représentant du PALIMA - Parti pour la Libération de la Martinique)

Je souhaite que cette affaire qui découle d'une problématique de succession familiale complexe, ne soit pas l'occasion de trop de raccourcis sur les mécanismes structurels défavorables au peuple martiniquais. Plus largement, je suis favorable à une vraie prise en compte des problématiques d'accès à la terre, à la propriété immobilière, par nous martiniquais.es.

Didier Laguerre

(maire de Fort-de-France, du PPM- Parti Progressiste Martiniquais)

Pour une sortie par le haut de cette affaire qui n’a que trop duré, nous demandons instamment aux autorités compétentes, judiciaires, préfectorales (…), la mise en place, avec le concours d’élu-e-s martiniquais-e-s, d’un espace de médiation entre Monsieur PINTO et les martiniquais-e-s qui ont acquis de bonne foi des parcelles situées au domaine dit de "La Pagerie" dans la commune des Trois-Ilets.

Marcelin Nadeau,

(député martiniquais du mouvement souverainiste "Péyi-A")

Le dossier porté par Monsieur Pinto est d'ordre familial et privé, c'est un problème de succession. Néanmoins, plus globalement il interpelle sur la question de la gestion du foncier, une problématique majeure et un défi à relever structurellement point.

Le député PPM, Johnny Hajjar

(Communiqué du 12 mars 2024, dans lequel il en "appelle au calme et à la raison")

Le président du Conseil Exécutif de la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) a lui aussi réagi dès le lendemain de la première nuit de violences, d’autant qu’il connaît bien la problématique de l’indivision. L’ex parlementaire martiniquais est en effet depuis 2018, l’auteur d’une loi sur les successions foncières en Outre-mer.

Dans le respect absolu de la séparation des pouvoirs et sans vouloir interférer dans les affaires familiales et privées, ni dans les décisions de justice, Serge Letchimy, Président du Conseil Exécutif, exprime sa préoccupation quant à la sécurité de tous et au respect de chacun. Il lance un appel à l'apaisement. À cette fin, il demande de rechercher des réponses adaptées à cette situation complexe par le biais du dialogue, de trouver des modes alternatifs de résolution de ce conflit, compte tenu de la réalité foncière locale conduisant à des situations controversées [et] de privilégier le respect des droits de tous, sans exclusion.

Communiqué de la Collectivité Territoriale de Martinique

Distributeur automatique de billets saccagé aux Terres Sainville à Fort-de-France (dans la nuit du dimanche 10 mars au lundi 11)..

Face aux défis auxquels la Martinique est confrontée parmi lesquels la question foncière ne peut être éludée, force doit rester à la raison et à l’identification de solutions politiques négociées, acceptées de tous. De nombreux responsables politiques martiniquais appellent à la recherche de ces solutions dans le cadre de nos institutions républicaines. J’en appelle à notre intelligence collective pour que nous conservions le chemin du dialogue démocratique.

Jean-Christophe Bouvier

(préfet du territoire)

Interdiction de vente de produits combustibles et pétroliers

Ce mardi 12 mars 2024, en début de soirée, Jean-Christophe Bouvier a annoncé dans un communiqué, la mise en place d’un arrêté d’"interdiction de vente au détail aux particuliers, de combustibles domestiques et de produits pétroliers, ainsi que leur transport dans des récipients".

Cet arrêté est en vigueur du 12 au 25 mars 2024 inclus, sur les communes de Fort-de-France, du Lamentin, de Ducos et de Schoelcher.

Les détaillants, gérants et exploitants des stations-service prendront les dispositions nécessaires pour observer cette interdiction qui ne s’applique pas aux fins d’un usage professionnel justifié. Les forces de sécurité procéderont à des contrôles afin de veiller au respect de cette mesure.

Préfecture de Martinique