Les élus territoriaux martiniquais préparent une proposition de loi pour tourner la page du scandale chlordécone

Les élus de l'Assemblée de Martinique.
Le gouvernement et le Parlement seront bientôt destinataires d’un texte émanant de la Collectivité Territoriale de Martinique pour la préfiguration d’une loi visant à tourner la page de l’ère du chlordécone.

Unanimité ! La totalité des conseillers à l’Assemblée de Martinique présents ce jeudi 23 mars 2023 (41 sur 51) a adopté la démarche consistant à fournir au gouvernement la matrice d’un futur projet de loi d’orientation et de programmation.

L’objectif de ce texte est "la sortie de la Martinique du scandale sanitaire de la chlordécone et la mise en oeuvre d’actes de réparation" selon les termes du communiqué officiel.

Il est revenu au conseiller exécutif David Zobda de présenter ce projet. Le président du conseil exécutif, Serge Letchimy, a reçu mandat pour travailler de concert avec les parlementaires martiniquais pour engager au plus vite les négociations avec l’État. Objectif : donner vie aux demandes formulées par l’Assemblée.

Le conseiller exécutif David Zobda.

Le communiqué de la CTM précise que le dispositif prévoit la mise en place de 55 mesures visant à :

  • Instaurer une co-construction pour l’élaboration et l’exécution du prochain Plan Chlordécone.
  • Restaurer la confiance entre les populations, l’Etat et les collectivités territoriales.
  • Protéger les populations des risques sanitaires par la communication et la prévention.
  • Préserver et pérenniser la filière agricole et la pêche antillaise.
  • Ériger la recherche en priorité nationale stratégique.
  • Engager un processus de réparations des préjudices causés. 

Une démarche hautement politique

"Ce vote constitue un pas historique vers l’auto-institution des responsabilités" précise la présidence de la CTM. D’où le nom souhaité de "loi Mawon". Une référence aux souhaits de nos élus de se poser en forces de propositions face à l’État.

Le débat, consensuel et bref, a permis à Louis Boutrin (groupe du Gran sanblé pou Matinik, GSPM) d’en appeler à la fin de "la dépendance morale" des responsables politiques pour la résolution de nos problématiques. Lanceur d’alerte de la première heure sur ce scandale, dès 2007 avec Raphaël Confiant, il se dit sceptique quant à la volonté du gouvernement de sortir par le haut de ce scandale.

Il propose de s’inspirer des préconisations du rapport de novembre 2019 de la commission d’enquête parlementaire présidée par le député Serge Letchimy. Parmi celles-ci, l’élaboration conjointe d’un plan avec les acteurs de terrain et la population.

Les élus de l'Assemblé de Martinique.

Une loi contraignante en vue

La sénatrice Catherine Conconne (groupe de La Martinique ensemble) est favorable à la démarche visant à proposer un projet de loi. "La loi contraint et oblige et elle ne peut être défaite que par une autre loi, contrairement aux déclarations ponctuelles" plaide-t-elle. Une référence au discours du président Macron au Morne-Rouge en septembre 2018 quand il reconnaissait la responsabilité partielle de l’État dans la survenue de ce scandale sanitaire, environnemental et politique.

Ancien député, Philippe Edmond-Mariette (GSPM) estime qu’il faut "renforcer notre position" avec un texte à la fois contraignant, ambitieux et précis. Ce qui a été le cas dans au moins pour l’indemnisation des victimes des scandales de l’hépatite, du sida et des essais nucléaires en Polynésie.

"Je suis prêt à prendre ma part du travail mais le compte n’y est pas" déclare-t-il pour montrer que la démarche volontariste ne suffit pas. Il parle en orfèvre, ayant été le rapporteur de la mission d’information parlementaire sur l’utilisation du chlordécone en juin 2006.

Les élus du groupe Ansanm pou péyi nou (A2PN) n’ont pas participé aux débats. Ils ont manifesté par leur absence leur désapprobation de la tenue de la réunion plénière alors que se déroule la neuvième journée d’action intersyndicale contre la réforme des retraites.

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