Y a-t-il des leviers pour lutter contre la vie chère ? La question persiste, et malgré les dispositifs en place, les prix demeurent élevés en Martinique, observable lors de nos courses. Le coût des denrées alimentaires y est 40% supérieur à celui en Hexagone, selon l'Insee.
Le séminaire de près de 3 heures sur la vie chère n'a pas abouti à des solutions concrètes pour améliorer le pouvoir d'achat des Martiniquais. Il a toutefois permis de coordonner et définir des axes de travail visant à réduire les prix sur le territoire.
Une application de l'octroi de mer beaucoup plus ciblée
Là encore l'idée n'est pas nouvelle, "mais n'a pas encore été mise en œuvre". Les acteurs de la grande distribution, souvent critiqués, soulignent que les prix des denrées ne dépendent pas uniquement de leurs marges, mais aussi des coûts de transport, des grossistes, et de la fiscalité. Ils proposent une fiscalité plus ciblée sur les produits importés. L'octroi de mer est appliqué, selon eux, sans tenir compte de la nécessité d'un produit.
Un paquet de pâte en Martinique est 40% plus chère que dans l'hexagone et un téléphone Iphone a sensiblement le même prix qu'à Paris...une modification des taux d'octroi de mer pour annihiler ou réduire le taux sur certains produits, c'est quelque chose qui peut être fait à court terme.
Christophe Bermont, syndicat de la grande distribution
L'application plus ciblée de la fiscalité sur les produits rentrants permettrait selon le représentant de la grande distribution d'élargir considérablement le nombre de produits du Bouclier Qualité Prix (BQP). Aujourd'hui il concerne 134 produits. "Avec l'application des mesures proposées, le BQP pourrait concerner 400 produits pour les plus petites enseignes et jusqu’à 2700 pour les plus importantes".
Particulièrement sensible à la conjoncture économique, l’octroi de mer est en hausse de 11,4 % sur un an. Il représente entre 30 et 40 % des recettes de fonctionnement des collectivités en Martinique. C'est un apport de 42 millions d'euros pour la seule ville de Fort-de-France (IEDOM rapport 2022).
La réforme de l'octroi de mer a été plusieurs fois évoquée par l’État. Elle sera intégrée au projet de loi finance en fin 2024.
D'autres propositions issues des ateliers incluent la valorisation de la production locale, dont 50% n'est pas déclarée et ne bénéficie d'aucune aide.
Le Grand Port Maritime de Martinique sera agrandi pour favoriser les échanges avec la Caraïbe et l'Europe. Avec son nouvel agrément il sera possible de faire venir de nouvelles matières premières de les transformer et les exporter vers l'Europe.
Les conclusions de ce séminaire seront rendues publiques.
Quid du gel des prix des produits de première nécessité ?
Hasard du calendrier, quelques heures avant le point presse du représentant de l'État sur le séminaire sur la vie chère, l'exécutif de la CTM, réitérait "fermement" sa demande à l'État de bloquer les prix des produits de première nécessité et de consommation courante. Insistant sur le fait "qu'il s'agit d'une action pour les consommateurs martiniquais". La demande n'a pas changé, depuis les échanges tendus entre Philippe Vigier le ministre délégué aux Outre-Mer et Serge Letchimy. Elle n'a "absolument pas été abordée durant le séminaire, le ministre délégué aux Outre-Mer a fait part de son intérêt pour examiner sa faisabilité" précise le préfet Jean-Christophe Bouvier et il conclu :
Les conditions posées pour bloquer les prix en Martinique aux niveaux législatifs et réglementaires ne sont pas remplies. Je ne veux pas laisser croire aux consommateurs martiniquais que les prix peuvent être aux mêmes niveaux que ceux pratiqués dans l'Hexagone. C'est se mentir et mentir aux consommateurs.
Jean-Christophe Bouvier, préfet de Martinique
Voilà qui devrait alimenter les débats de la Collectivité Territorile de Martinique. Le gel du blocage des prix de première nécessité est examiné lors de la prochaine plénière du 21 et du 22 décembre, avec une saisine de l'État.