Où étaient Serge Letchimy, Jean-Philippe Nilor ou encore Marcelin Nadeau pour le premier bilan du CIOM ? Pas là. Jeudi 23 novembre, leur siège est resté vide au premier point d'étape sur l'avancée des 72 mesures du Comité interministériel des Outre-mer, organisé par le ministre délégué Philippe Vigier.
Les uns après les autres, les élus de chaque territoire sont attendus entre jeudi et vendredi au ministère des Outre-mer pour voir où en sont les mesures et évoquer les problématiques ultramarines avec le ministre. Le 23 novembre, c'est la Martinique qui a ouvert le bal, à 8 h 30, heure de Paris. Parlementaires, représentants des maires de l'île, président de la Collectivité territoriale et préfet étaient conviés.
"Toute la politique ultramarine ne se limite pas au CIOM", a rappelé Philippe Vigier en guise d'introduction, sachant pertinemment qu'il allait être attendu sur la question de l'évolution institutionnelle des territoires d'Outre-mer. Aucune des 72 mesures ne concerne en effet ce point précis.
Dans un des salons du ministère des Outre-mer, la sénatrice Catherine Conconne, le sénateur Frédéric Buval, le député Johnny Hajjar, le maire du Lorrain Justin Pamphile ont ainsi pris place autour du ministre et de son équipe, tout comme le préfet de Martinique Jean-Christophe Bouvier. Mais derrière l'écriteau "Serge Letchimy", le siège est resté libre (il était représenté par son directeur général des services, Jordan Eustache). Pareil pour les députés Jean-Philippe Nilor et Marcelin Nadeau, qui n'ont pas expliqué les raisons de leur absence.
"Méthode infantilisante"
Pourtant en déplacement dans la capitale, le président de la Collectivité territoriale de Martinique a volontairement séché le rendez-vous. "Je refuse d'être un exécutant des décisions préalablement décidées par le gouvernement", a-t-il écrit dans un communiqué cinglant, dénonçant la "méthode infantilisante" du nouveau ministre des Outre-mer. Comme lui, d'autres chefs d'exécutifs locaux, comme Gabriel Serville pour la Guyane ou Guy Losbar et Ary Chalus pour la Guadeloupe, ont signé une lettre dénonçant la méthode adoptée par le ministre.
À la sortie de la réunion avec les élus martiniquais, un peu après 10 h 30, Philippe Vigier a dit regretter l'attitude de Serge Letchimy. "Ce n'est pas une méthode infantilisante que de proposer à un président de collectivité de faire de la coconstruction", s'est défendu le ministre des Outre-mer.
C'est donc sans le Martiniquais que Philippe Vigier a expliqué où en étaient les 72 mesures du CIOM. Selon lui, dix d'entre elles sont déjà opérationnelles : l'aide de 10 millions d'euros aux agriculteurs ultramarins pour faire face à la hausse des coûts des intrants ; l'augmentation de l'aide à la rénovation de logement de l'ANAH pour les propriétaires les plus modestes ; l'augmentation de 30 € des bourses pour les étudiants d'Outre-mer... D'autres, au nombre de quinze, sont en cours de finalisation.
"Je suis très satisfait de la réunion de ce matin, a salué le sénateur Frédéric Buval (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, groupe parlementaire présidentiel) après les deux heures de réunion. Quand on nous dit que les bourses des étudiants seront revalorisées, que l'aide aux agriculteurs sera accélérée (...), l'État a rempli sa mission."
"La méthode a changé"
Mais plus que l'avancée des mesures, c'est surtout l'absence de Serge Letchimy qui a fait réagir jeudi matin. Catherine Conconne, ancienne camarade du président de la CTM au sein du Parti progressiste martiniquais a jugé qu'"il fallait être là".
La méthode a changé. Avant, vous alliez recevoir un document du ministère qui allait vous dire : "voici le CIOM". Là, maintenant, on en parle tout le temps et on règle au fur et à mesure. C'est peut-être pas l'idéal, mais c'est loin d'être le pire.
Catherine Conconne, sénatrice (Socialiste, Ecologiste et Républicain) de Martinique
Son collègue député Johnny Hajjar (Parti socialiste) est plus sévère avec le gouvernement. "70 mesures en deux heures : impossible" de tout parcourir, pointe-t-il. Pour lui, des mesures urgentes pour les Ultramarins manquent à l'appel, comme le blocage des prix des produits de première nécessité. "Aujourd'hui, c'est une urgence en termes de précarité, en termes d'extrême pauvreté dans nos territoires. Il y a un article (...) qui donne au préfet le pouvoir de bloquer les prix sur les produits de première nécessité. Non pris en compte", regrette-t-il. Il soutient la décision de Serge Letchimy de ne pas se rendre à la réunion du ministère.
"Je ne suis pas un faire-valoir, sinon je ne serai pas venu ici ce matin", assure de son côté Justin Pamphile, maire du Lorrain et président de l'Association des maires de Martinique. "Je pense qu'à partir du moment où on est autour d'une table, qu'on a un délai de travail, et qu'on peut efficacement travailler, elle est plutôt bonne la méthode."
Concertation sur la réforme de l'octroi
Porte-parole des édiles martiniquais, il a pu évoquer la question de la réforme de l'octroi de mer avec Philippe Vigier, sujet qui préoccupe fortement les élus ultramarins. Cette taxe sur les produits importés est accusée de contribuer à la vie chère dans les départements et régions d'Outre-mer. Or, rappelle-t-il, elle est avant tout une recette fiscale pour les collectivités locales.
Sur ce point, le ministère des Outre-mer indique qu'"une période de concertation s'ouvre". "Un courrier sera remis aux élus afin de présenter les objectifs et la méthode de cette concertation." Justin Pamphile prévient néanmoins qu'il sera attentif à ce que les élus et acteurs économiques ultramarins soient bien consultés pour cette réforme. "Le temps nous dira si véritablement on est dans la ligne droite de ce que nous avons discuté ce matin", a conclu le maire du Lorrain.