Le Collectif Lyannaj pou Déployé Matinik qui regroupe 36 organisations, syndicats et associations, n’a pas encore dit son dernier mot dans le dossier de l’empoisonnement à la chlordécone. D’ailleurs, depuis le mois d’octobre, le collectif appelle la population martiniquaise à se porter partie civile. 400 signatures ont déjà été obtenues. Les élus aussi sont sollicités.
On continue cette mobilisation en interpellant les municipalités, celles qui étaient déjà parties prenantes de notre combat et ces municipalités avec leurs conseils municipaux se sont constituées partie civile. C’est le cas du Lamentin, du Gros-Morne et ça sera le cas de plein d’autres aussi. Nous avons une rencontre avec la municipalité de Sainte-Marie samedi prochain. Après, ce sera le François et on va continuer d'amplifier la mobilisation internationale et nous avons eu autour de nous des parlementaires. Je pense à la Guyane avec des problèmes du mercure. Nous travaillons à la tenue en Martinique d’un tribunal citoyen international. Les pollueurs seront invités à venir aussi défendre leurs positions. C'est un vrai tribunal, avec de vrais magistrats. Nous ne sommes pas les premiers. Ça s'est déjà fait pour Monsanto.
Marie-Jo Sellaye Hardy Dessources, membre du Lyannaj pou Déployé Matinik
On devrait connaître la date de l’audience à la cour d’appel au cours du second trimestre 2024. Mais le collectif Lyannaj pou Dépolyé Matinik envisage déjà d’autres recours.
Il est évident que si on perd devant la chambre de la cour d’appel, on ira en cassation. Après la cassation, on ira au niveau européen. Mais au niveau européen, on ne pourra obtenir qu’une chose, c’est de dire que la France, l’État français, n’a pas rempli ses obligations vis-à-vis des victimes. On ne pourra plus mettre en cause les responsables devant la Cour européenne.
Maître Raphaël Constant, avocat à la Cour
L'association Écologie urbaine plus réservée
Louis Boutin, avocat de l’association Écologie Urbaine qui a porté plainte dès 2007 dans ce dossier, est beaucoup moins optimiste.
Nous sommes en très mauvaise posture et il faut dire aux Martiniquais la vérité. Ce non-lieu a été décrété à l’issue d’une plainte que nous avions déposée et le procureur de Paris de l’époque, Monsieur Rémy HEITZ qui est le Premier président de la Cour de Cassation nommé en 2023 par le Président de la République à la fonction de procureur général de la Cour de cassation. Ce qui veut dire que Monsieur Rémy Heitz qui est le chef du ministère public à la fois en cour d’appel, en cour d’assises et en cour de cassation. Donc nous aurons toutes les difficultés pour que la procédure pénale qui aurait dû être instruite correctement, aucun juge n’a jamais mis les pieds en Martinique, aucune mise en examen, et ils ont pourtant décrété qu’il y aurait un non-lieu dans cette affaire. J’ai posé cette situation en faisant la proposition qu’on puisse saisir une juridiction internationale comme la Cour de Justice internationale qui est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations unies. Un an après, nous n’avons toujours rien reçu de la cour d’appel de Paris.
Selon l'avocat, il n'y a pas eu assez de mobilisation en Martinique et à cela, s'ajoutent les spécificités du système judiciaire français.
Il n'y a pas séparation des pouvoirs en France. La France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’homme parce qu'il n'y a pas de séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif et législatif et l'autorité judiciaire. C'est une singularité. Deuxième raison, aucun tribunal ne s'est encore prononcé à ce jour, sur cette question parce que s'il y avait une mobilisation des principales organisations politiques à l'époque en Martinique dans les années 2007, 2008, 2009, il y avait d'autres préoccupations que le chlordécone. L'État français, constatant la faible mobilisation politique, a décidé de passer en force et d'opter pour le déni de justice.
Le Lyannaj pou Dépolyé Matinik souhaite également mettre en place un tribunal citoyen international pour le dossier de la chlordécone. Cela s’est déjà produit dans l’affaire Monsanto entre 2016 et 2017. Le collectif espère que cela fera jurisprudence pour la chlordécone. En avril prochain, ces membres sont invités en Argentine à participer au rassemblement des mouvements populaires pour la santé afin d’interpeller l’opinion internationale.