Mardi 5 avril 2022, l’AFP (Agence France Presse) a dévoilé d’après des sources proches du dossier, que les juges d’instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont acté le 25 mars dernier, "la fin des investigations sans mise en cause, dans l’enquête sur l’empoisonnement des Antilles au chlordécone".
La presse nationale en fait écho, tandis que les associations et collectifs mobilisés depuis plusieurs années en Guadeloupe et en Martinique, s’en émeuvent.
Il y a des morts, il y a un crime, il y a des gens qui sont malades et personne n’est responsable !? Je ne comprends pas ! En tout cas, nous allons continuer la lutte. Nous irons d’abord vers les tribunaux français pour entendre tout ce qu’ils disent comme le préconise la loi, puis nous irons vers les tribunaux internationaux.
Pascal Tourbillon, membre de la commission juridique de l’ASSAUPAMAR sur Martinique 1ère télé
"Le Peuple martiniquais est empoisonné à 92 % et 95 % pour les guadeloupéens. Malgré ces chiffres élevés, le refus de condamner les responsables reste la seule réponse comme mépris" réagit Lyannaj Pou Dépolyé Matinik sur sa page Facebook.
Nous ne sommes pas surpris, nous savons que seule la mobilisation populaire paie ! Et d’ailleurs Lyannaj Pou Dépolyé Matinik avait déjà anticipé, en adressant une lettre ouverte aux candidat-e-s à la présidentielles. Plusieurs ont évoqué dans leur propagande « le crime colonial d’Etat » que constituait l’empoisonnement de la Martinique et de la Guadeloupe au Chlordécone. Nous attendons leurs réponses.
Marie-Josèphe Sellaye Hardy-Dessources - Membre de Lyannaj Pou Dépoyé Matinik
"Le combat n’est pas terminé"
D’abord sur le plan judiciaire, formellement la fin de la procédure nous renvoie dans 3 mois. Ensuite nous sommes convaincu-e-s de la force du mouvement social et citoyen que nous appelons d’ores et déjà à se tenir prêt !
Marie-Josèphe Sellaye Hardy-Dessources
La possible prescription de l'action publique qui pourrait donc déboucher sur un non-lieu, suscite également l’indignation dans la classe politique. "Cette probable décision serait aussi incompréhensible qu’inacceptable par les populations locales, durablement atteintes par les conséquences de ce drame" s’agace Serge Letchimy dans son communique du 5 avril 2022.
"La vérité triomphera"
Lorsqu’il était encore député, le Président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique a présidé une commission parlementaire d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricole en Guadeloupe et en Martinique, mais aussi sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation, et évaluant "la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et des territoires concernés".
L’irresponsabilité aggrave la faute. Il s’agit d’un drame systémique, sociétal, économique et sanitaire. Le nier serait un manque de respect envers nous, Martiniquais et Guadeloupéens. La transcendance de la vérité fonde la puissance et la force de la justice. C’est pour cela qu’il faut continuer à espérer qu’un jour, une réelle politique de réparation puisse voir le jour. La vérité triomphera.
Serge Letchimy - PCE de la CTM
Les avocats Corinne Boulogne Yang-Ting, Raphaël Constant, Ernest Daninthe et Louis Boutrin craignent eux aussi un non-lieu.
Après quinze ans d'instruction et en l'état actuel du droit en vigueur, aucune mise en examen n'a été prononcée ce qui laisse à craindre une forte probabilité d'une décision de non-lieu.
Les avocats
"Réparation", le seul mot d’ordre des plaignants
Dans ce dossier, outre la lenteur de l’institution judiciaire, des archives qui pourraient prouver que l’Etat avait connaissance de la toxicité de la chlordécone auraient disparu. En outre, une absence de compte rendu a été constaté entre février 1972 et juin 1989, ce qui aurait conduit le tribunal à reconnaitre près de 15 ans après, "la prescription des faits" et "l'obstacle à la manifestation de la vérité". Mais le non-lieu n’est pas encore prononcé rappelle Me Harry Durimel.
Un avis de fin d’information ne met pas fin à l’information. Ça ouvre d’autres champs. Nous pouvons faire des demandes d’actes. Si le juge refuse on peut faire appel. Le procureur pendra son réquisitoire après cet avis de fin d’information. Si le juge prend une ordonnance de non-lieu, nous ferons appel. Si la cour d’appel confirme le non-lieu, nous irons en cassation et peut-être au niveau de la cour européenne des droits de l’homme ou de la cour européenne de justice.
L'avocat Harry Durimel sur Guadeloupe 1ère
Dans ce scandale, les plaignants espèrent une seule issue et n'ont qu'un seul mot d'ordre : "réparation".