40 millions d'euros collectés pour venir en aide à Mayotte, dévastée par le cyclone Chido : c'est un record pour la Fondation de France. Les associations peuvent lui soumettre des projets pour bénéficier de ces fonds, les demandes sont examinées chaque semaine par un comité d'experts bénévoles. Karine Meaux, la responsable des urgences à la fondation, fait le point pour Mayotte la 1ère sur l'utilisation de cette cagnotte.
Où en est-on de l'utilisation de ces fonds ? Combien d'associations ont pu en bénéficier et pour quel montant ?
Karine Meaux : Le dernier comité s'est tenu hier soir, on est actuellement à 4,1 millions d'euros engagés pour 31 associations. La plupart de ces projets concernent encore des besoins essentiels, en eau, en alimentation, mais aussi sur des problématiques sanitaires. Depuis quelques semaines, on voit émerger de plus en plus de demandes liées à la scolarisation, à la réhabilitation des habitats et progressivement également aux problématiques de santé mentale.
Je n'ai jamais vu une telle mobilisation associative, on a reçu 300 demandes de financement. Ce sont parfois des très petites organisations, à l'échelle d'un quartier ou d'un village, jusqu'à de plus grandes organisations comme Médecins du Monde, Solidarités Internationale, ou encore Mlezi Maore qui a une forte surface à Mayotte. On essaye de prioriser celles qui pourront être les plus efficaces auprès des communautés immédiatement.
Vous vous êtes rendues justement à nouveau la semaine dernière à Mayotte pour rencontrer les acteurs locaux, qu'en avez-vous retiré ?
K.M. : On est venu avec les Compagnons bâtisseurs avec un objectif bien précis : de mieux comprendre les écosystèmes liés à deux problématiques, le relogement et l'environnement, pour mieux voir un peu qui a envisagé de faire quoi et comment se coordonner. À ce stade de notre côté, on ne parle pas encore de reconstruction, puisque sur cette question il y a des enjeux de foncier que l'État devra trancher afin qu'on puisse s'y pencher. Ceci dit, il y a tout un travail de réparation et de mise à l'abri qu'il est possible de faire avant de se lancer dans des plus gros chantiers.
Sur l'environnement, ça m'avait beaucoup marqué la relation entre l'homme et la nature à Mayotte et le niveau de destruction, on nous citait 75% des ressources naturelles détruites par le cyclone Chido. Naturellement, on a reçu beaucoup de projets de reboisement. Aujourd'hui, la réflexion collective amène à prioriser la problématique du nettoyage, celui des rivières et des forêts, la lutte contre les espèces invasives et la sensibilisation sur les questions environnementales.
Seulement 10% des fonds collectés ont été alloués en six semaines, comment expliquer ce que certains dénoncent comme une lenteur ?
K.M. : Ce sont des fonds qu'on collecte à la fois pour la phase d'urgence, mais aussi pour les phases de relèvement qui arrivent quelques mois après. La reconstruction ne se fait pas immédiatement après les catastrophes, parce qu'il y a besoin de poser un certain nombre de règles, notamment par rapport aux questions foncières. On pourrait mettre les 40 millions d'euros sur de la distribution alimentaire aujourd'hui, mais on est un acteur qui intervient aussi deux, trois ans après les catastrophes ou les conflits.
Ces projets vont petit à petit nous amener à construire un écosystème assez important d'associations sur tous les secteurs, et avec le temps regarder quelles sont les complémentarités qui peuvent se faire. L'idée c'est aussi de travailler à ce que si un cyclone comme Chida venait à repasser, les acteurs du territoire soient aussi mieux en capacité d'y répondre. Donc c'est bien de répondre vite, mais il faut aussi essayer de répondre intelligemment, en regardant dans la durée. Je rappelle quand même aussi que nous ne sommes pas les seuls financeurs en ces temps d'urgence, il y a des complémentarités avec d'autres acteurs comme la Croix-Rouge française.