Faut-il s'attendre à un afflux massif vers Mayotte d'opposants au président comorien, Azali Assoumani? Trois d'entre eux, se disant menacés aux Comores et s'étant réfugiés à Mayotte, ont accepté de témoigner sur la situation là-bas et sur ce qu'ils disent avoir vécu.
Arthur Eryeh-Fort et Emmanuel Tusevo-Diasamvu•
Ils sont trois, trois partisans de l’ancien président assigné à résidence, Ahmed Abdallah Sambi, ayant fui leur pays pour Mayotte à accepter de témoigner sur ce qui les a poussés à partir. Ils naviguent tous les trois entre la trentaine et la quarantaine d’années. Ibrahim Said Abdel Majid est le plus discret et le plus frêle d’entre eux dans sa chemise blanche à pois parfaitement repassée. Les mains constamment sur les jambes, il hésite à parler et a besoin d’être poussé pour s'exprimer suffisamment fort pour être compris. Pourtant c’est contre lui que les accusations de Moroni sont les plus fortes. Ce cadre du parti Juwa, parti de l’ancien président Sambi opposé à la tournure de la présidence d’Azali Assoumani, est accusé d’avoir fourni l’arme de l’attentat présumé commis contre le vice-président Abdou Moustoidrane dans la nuit du 21 au 22 juillet. Un attentat et une accusation montée de toutes pièces selon lui. « Je suis un partisan des premières heures de Sambi, explique celui qui était DRH du port de Mutsamudu. Le gouvernement central le sait. Même le président Azali me connaît. C’est moi qui représentait mon parti auprès du pouvoir actuel. C’est nous qui sommes les premiers visés à chaque fois qu’il y a un problème. »
Dans les jours qui ont suivi l’attentat, alors qu’il jouait aux cartes avec des amis dans la rue, la gendarmerie est venue pour l’arrêter. « Ils ne savaient pas exactement à quoi je ressemblais donc j’ai pu m’enfuir mais ils ont arrêté tous les jeunes qui jouaient avec moi. Deux sont encore à la gendarmerie à l’heure où l’on se parle. » C’est suite à ça qu’il décide de fuir rapidement à Mayotte. « Je me suis caché chez des gens jusqu’à 4h du matin et c’est de là que j’ai préparé mon voyage en kwassa kwassa pour Mayotte. » Sa famille a aussi subi les conséquences de cette répression selon lui. « Ils sont venus chez moi à 5h du matin le 1er août alors que j’étais déjà à Mayotte et ils ont fouillé sans rien trouver de compromettant. Ils ont arrêté ma femme et l’ont gardé 13h de temps. »
Pour ces trois hommes, l’arrivée à Mayotte d’opposants à Azali réprimés ne va pas s’arrêter. « Pas plus tard qu’hier quelqu’un qui a pris la parole au gouvernorat d’Anjouan contre le gouvernement et pour soutenir Sambi est arrivé sain et sauf à Mayotte alors qu’on avait débarqué chez lui à Ouani », raconte Ibrahim Said Abdel Majid. « Les flux vers Mayotte ne vont pas s’arrêter, juge aussi Idalo Said Ali. La répression continue et tous les jours il y a des arrestations. J’ai été contacté par des amis là-bas qui veulent venir et qui m’ont posé des questions sur comment je suis arrivé. »