Pour illustrer la problématique de la remise en service des infrastructures de production et de distribution de l'eau à Mayotte, le Premier ministre François Bayrou et cinq ministres se sont rendus ce lundi 30 décembre à l'usine de dessalement. Le site, qui alimente l'île de Petite-Terre, a été endommagé par le passage du cyclone Chido le samedi 14 décembre, mais a pu être en partie remis en service deux jours plus tard. L'usine fonctionne à 90% de ses capacités, mais devrait revenir à 100% ce lundi.
Sur place, quelques dégâts matériels sont encore visibles comme des portes arrachées, on ne tenant que sur une seule charnière. Actuellement, les Mahorais sont toujours soumis à des tours d'eau resserrés, à raison de 10 à 12h de distribution deux jours sur trois, alors que certains villages n'ont toujours pas accès à l'eau courante. La SMAE est en capacité de produire 31.000 mètres cubes d'eau par jour contre 40.000 habituellement, une production qui était déjà insuffisante par rapport aux 46.000 mètres cubes d'eau par jour consommée quotidiennement dans le département.
Les points en hauteur plus alimentés en eau faute de pression
Sur place, plusieurs cartes affichent un état des lieux de la situation, dont les sites déjà réalimentés en électricité. EDM indiquait ce samedi soir que 70 des 77 sites identifiés comme prioritaires pour la production et la distribution de l'eau ont été réalimentés. Sept pompes restent notamment à alimenter. "Qu'est ce qui est crédible pour le rétablissement de l'eau ? Fin janvier, est-ce crédible ?", interroge le Premier ministre François Bayrou. "On réalimente tout le réseau actuellement, tous les secteurs", répond Françoise Fournial, la directrice de la SMAE. "Simplement, quand vous avez de l'eau qui sort d'un réservoir, elle descend d'abord sur les points bas, puis elle remonte sur les points hauts. Quand les gens tirent sur les points bas, en plus il y a des fuites, il faut beaucoup de temps pour que ça remonte. Comme on fait des tours d'eau courts, ceux en haut n'avaient pas d'eau, c'est pour cela qu'on rallonge progressivement les tours d'eau pour que de plus en plus de gens aient de l'eau."
"Elles sont passées où ces cuves ?"
La députée Estelle Youssouffa insiste sur "le cercle vicieux" des tours d'eau : "plus on coupe, plus ça détériore", insistant sur la nécessité d'augmenter la production d'eau en plus de remettre le réseau en service. "Je voudrais insister sur le fait que ces points hauts, sont des points connus de longue date", ajoute Ibrahim Aboubacar, le directeur du syndicat des Eaux de Mayotte. "Nous avons une urbanisation qui ne cesse de grimper sur les hauteurs, et qui est aujourd'hui au-dessus de la côte de nos réservoirs. Structurellement, on ne sait pas comment les alimenter. On a connu cela durant la crise de l'eau en 2023 et aujourd'hui on ignore l'impact des fuites et donc l'impact de la chute de pression des zones ordinairement alimentées et qui ne le seront plus." Le DSG demande "des citernes supplémentaires" car "c'est la seule solution", demandée par "tous les maires du territoire."
Dans le cadre du contrat de délégation entre le syndicat et la SMAE, l'entreprise dispose de six citernes de 8 mètres cubes, "ça ne suffit absolument pas", martèle le directeur. Entre 15 à 20 citernes ont été déployées durant la crise de l'eau, "il faut absolument les faire revenir", ajoute Ibrahim Aboubacar. "Et où sont-elles ?" interroge le Premier ministre. "Elles sont reparties, on ne sait pas où elles sont", répond la directrice de la SMAE. "C'est l'État qui les avait fait venir."
Pour compenser, des distributions de bouteille d'eau à la population sont organisées : en 16 jours, près d'un million de litres d'eau ont été distribuées, soit environ trois litres par habitant. Des cuves ont été installées dans certains villages. Le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville rappelle que, comme durant la crise de l'eau, la sécurité civile assure une partie de la production grâce à des unités de potabilisation.
"Je vous demande de réanimer le dossier bateau d'usine d'eau de 2019 qui a été abandonné suite à la crise du Covid", réclame la députée Anchya Bamana. "J'ai envoyé le dossier à tous les ministres, il faut que ce dossier soit réanimé." Interrogée par le Premier ministre, la directrice de la SMAE concède: "Ça nous parait compliqué car il faut renvoyer l'eau ensuite depuis le bateau dans les réservoirs." Aux côtés du Premier ministre, le ministre des Outre-mer Manuel Valls commente la situation ainsi qu'Elisabeth Borne, actuelle ministre de l'Education nationale et ancienne Première ministre. À son tour, le directeur du syndicat des Eaux rappelle la nécessité de ne pas oublier les problèmes structurels du réseau : "on a 3.000 mètres cubes par jour de besoin en plus tous les ans."