Yaël Braun-Pivet préfère le perchoir aux Outre-mer, des députés dénoncent "une attitude brutale"

Yaël Braun-Pivet, nouvelle ministre des Outre-mer
La candidature de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée nationale passe mal auprès de nombreux députés ultramarins qui siègent dans l'opposition. Si elle est élue le 28 juin prochain, l'actuelle ministre des Outre-mer quittera la rue Oudinot à peine un mois après sa nomination.

Le ministère des Outre-mer serait-il "un lot de consolation" ? C'est en tout cas ce que pense Karine Lebon, députée de la deuxième circonscription de La Réunion. L'élue du groupe communiste (GDR) à l'Assemblée nationale l'avait fait savoir dans un communiqué publié après la nomination le 20 mai de Yaël Braun-Pivet rue Oudinot. Car dès 2018, Yaël Braun-Pivet s'était montrée intéressée par le perchoir, avant de se retirer et de finalement soutenir Richard Ferrand. Ce dernier n'ayant pas été réélu dimanche dans sa circonscription finistérienne, la voie est désormais grande ouverte pour la députée des Yvelines qui choisit donc de renoncer au ministère des Outre-mer où elle a été nommée le 20 mai.

"Pas très représentative des Outre-mer"

Karine Lebon et Frédéric Maillot à l'Assemblée nationale.

Ce mercredi, alors qu'elle fait sa rentrée au Palais Bourbon, Karine Lebon persiste : "J'étais outrée que ce soit quelqu’un qui ne connaisse rien aux territoires qui soit nommé ministre des Outre-mer, mais je savais – et je n’étais pas la seule, je l’ai appris par voie de presse – qu’elle briguait la présidence de l’Assemblée nationale face à Richard Ferrand qui n’a pas été réélu – donc la voie se dégage." Karine Lebon regrette que "le ministère des Outre-mer soit vu comme un lot de consolation." 

Une autre Réunionnaise du GDR, Emeline K/Bidi - la nouvelle députée de la sixième circonscription de l'île Bourbon - y voit une opportunité : "je trouve qu’elle [Yaël Braun-Pivet] n’est pas très représentative des Outre-mer, et nous avons au sein des différents Outre-mer des personnes qui sont tout à fait compétentes et représentatives pour occuper ce poste." Alors qu'il découvrait à leurs côtés l'Assemblée nationale, leur collègue réunionnais, Frédéric Maillot, rappelle quant à lui que les territoires d'Outre-mer avaient pourtant "envoyé un message très très clair au gouvernement d'Emmanuel Macron."

Un événement anecdotique

Premiers pas des tout nouveaux députés réunionnais

"Ce que j'espère c'est que la personne qui viendra après elle appellera les députés ultramarins pour travailler avec eux", a réagi Jiovanny William, le nouveau député de la première circonscription de Martinique, à l'AFP. "Peut-être qu'elle ne voulait pas vraiment ce ministère-là, que c'est un petit cadeau qui lui a été fait pour la remercier de sa fidélité. Mais quelle que soit la personne qui sera là, on fera avec", a déclaré mercredi Davy Rimane, élu samedi député de la 2nde circonscription de Guyane avec le soutien de La France insoumise.

"Ce potentiel changement à la tête du ministère des Outre-mer est un événement anecdotique, de la politique politicienne", a pour sa part commenté à l'AFP l'autonomiste guyanais Jean-Victor Castor, élu samedi député de la 1ère circonscription de Guyane. "On doit avoir un agenda guyanais. On ne va pas faire fi de l'agenda de l'Assemblée mais on doit avoir notre propre agenda pour bâtir ce rassemblement, cette réconciliation nécessaire au rapport de force dont on a besoin ici en Guyane."

"Déception"

Ainsi, à la Présidentielle, la grande majorité des territoires ultramarins avait penché pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour, puis Marine Le Pen au second. Et les deux tiers des députés élus dimanche siègeront dans la partie gauche de l'Hémicycle. Dans ces circonstances, la décision de Yaël Braun-Pivet de briguer la présidence de l'Assemblée nationale - plutôt que de servir le ministère des Outre-mer - est prise, par certains, comme un camouflet du parti présidentiel.

C'est une "profonde déception" pour Élie Califer, député de la 4e circonscription de Guadeloupe : "une fois de plus ce gouvernement fait peu de cas de nos Outre-mer, écrit-il dans un communiqué. Sans oser parler de mépris, je dirais simplement qu’au-delà de belles paroles entendues il y a peu, de la nouvelle considération gouvernementale affichée après le cri de colère exprimé dans les urnes par nos populations, ce gouvernement conserve bel et bien la même attitude brutale, distante voire indifférente à l’égard de nos territoires."

"Une excellente ministre"

Dans la même veine, le patron du Parti socialiste s'est fendu d'un tweet pour mettre en cause le gouvernement : "Ce sauve-qui-peut est aussi insultant pour madame Borne que ses ministres fuient, que pour nos concitoyens ultramarins qui découvrent que le ministère des Outre-mer n’est finalement pas « le plus beau portefeuille qui soit."

Certains députés, plus proches de Renaissance - le nouveau nom de LREM - félicitent la ministre des Outre-mer. C'est le cas par exemple du Calédonien Nicolas Metzdorf, élu dans la deuxième circonscription de la Nouvelle-Calédonie : "Les Outre-mer perdront une excellente ministre, écrit-il sur Twitter. Son 1er déplacement était pour la NC. On peut nous dire merci quand même."  La ministre a en effet annulé une visite en Nouvelle-Calédonie. Elle devait assister à l'inauguration hautement symbolique de la place de la Paix ce dimanche à Nouméa qui va accueillir la statue de la poignée de main échangée, en 1988, entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.