Avenir institutionnel. Les élections provinciales doivent-elles être maintenues au plus tard le 15 décembre ?

Urne - Image d'archives.
Les élections provinciales devraient-elles être maintenues ou reportées ? Une question qui s'est à nouveau posée, ce week-end, à différents partis politiques : Construire Autrement, le Palika et Calédonie ensemble. Que dit la loi, dans le contexte insurrectionnel calédonien et une scène politique nationale sans majorité forte ?

Fin janvier 2024, Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement, annonçait la décision de l'éxécutif d’un report des élections provinciales de mai au 15 décembre 2024.

Un premier report des provinciales acté

C'est le premier report des élections provinciales calédoniennes acté par les parlementaires :

Des doutes exprimés sur la tenue de ce calendrier

Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, des sénateurs avaient émis des doutes quant à la tenue des provinciales à la date du 15 décembre. La sénatrice socialiste Corinne Narassiguin jugeait "le mois de décembre bien trop proche et avait proposé de repousser les provinciales, au plus tard, au 30 novembre 2025. Un an de plus, afin de laisser le plus de temps possible à la recherche d'un consensus entre les politiques calédoniens et l'Etat." 

Ce serait une prouesse de réussir à organiser les provinciales pour le 15 décembre.

Philippe Bas (LR), président de la commission des lois du Sénat

La crise insurectionnelle calédonienne

Les émeutes du 13 mai dernier et les conséquences catastrophiques sur le plan social, sanitaire et économique ont bouleversé les priorités des Calédoniens. A l'insurrection contre le dégel du corps électoral, s'est superposé le séisme politique national avec la dissolution de l'Assemblée nationale du 9 juin et les législatives anticipées.

Résultat : un gouvernement central aux affaires courantes, sans majorité à quelques jours des Jeux Olympiques de Paris 2024, qui inaugureraient "une trêve politique" souhaitée par le président de la République. Le dossier calédonien semble bien loin des préoccupations nationales. 

Comment ces événements rebattent-ils les cartes du jeu politique ? Quel est le positionnement des partis calédoniens ?

  • Construire Autrement. Ce 19 juillet, lors d'une causerie à la librairie Calédo livres, le président du mouvement Joël Kasarhérou a plaidé pour le maintien des provinciales. Il est accablé par la situation catastrophique de la Nouvelle-Calédonie. Il appelle les élus politiques à "une prise de conscience rapide, via une politique budgétaire, et aussi du côté de Paris, via une politique monétaire pour répondre à l'urgence alimentaire, sanitaire et économique."

Il y a une fenêtre de tir jusqu'au 15 décembre pendant laquelle on peut organiser les [élections] provinciales. Faisons un gouvernement très resserré, avec un mandat de moins de deux ans, où il aura cent jours pour réformer de manière structurelle. 

Joël Kasarhérou

A lire aussi : “On est face à une urgence alimentaire, pratiquement une urgence humanitaire”

  • Palika. Ce 20 juillet, se tenait l'assemblée générale extraordinaire du Palika à La Foa. Le porte-parole Judickaël Selefen a déclaré que le parti est pragmatique et souhaite le respect du calendrier pour organiser ces élections.  Ce scrutin se fera vraisemblablement sur la base d’un corps électoral provincial qui n’aura pas bougé, puisque celui-ci n’a pas été modifié à ce jour.

Le report des élections a été voté. Et il s’impose à nous aujourd’hui. Au plus tard au 15 décembre, s’il n’y a pas d’autres décisions contraires, il y aura des élections provinciales.

Judickaël Selefen

A lire aussi : Le Palika opte pour le maintien des provinciales d’ici décembre avec un corps électoral gelé

  • Calédonie ensemble. Ce 21 juillet, invité dans le cadre de l'interview politique du dimanche au journal télévisé, Phiippe Gomès, co-fondateur du parti, est atterré par l'urgence sociale actuelle et l'impact catastrophique dans le quotidien des Calédoniens.

Le sujet n'est pas les prochaines provinciales! Lorsque l'on parle de partition ou des provinciales, on ne se rend pas compte du tsunami social qui nous attend et qui va nous ensevelir. La Nouvelle-Calédonie coule. Les familles n'auront plus de quoi manger!

Philippe Gomès

A lire aussi : Philippe Gomès de Calédonie ensemble : "Faisons une task force institutionnelle" pour répondre à l'urgence sociale

 

Que dit la Constitution ?

A défaut de tenir ce calendrier, il faudra revoter en urgence une loi, dans quelques mois, pour repousser à nouveau les provinciales. Un cas envisagé par la Constitution.

Le report des élections doit faire l’objet d’une loi organique nationale qui, elle-même, doit être soumise au conseil constitutionnel. Les exemples et jurisprudences sont nombreux tant en Nouvelle-Calédonie que dans l’Hexagone.

Sans être monnaie courante, les reports d’élections sont globalement admis dès lors qu’ils ne méconnaissent pas des principes constitutionnels et sont appropriés avec l’objectif poursuivi.

Zérah Brémond - Maître de conférences en droit public ( Université de Pau)

Une élection dans quelles conditions ?

Dans un contexte politique brouillé au niveau national et local, la Nouvelle-Calédonie est un pays sous couvre-feu, au budget exsangue, immergé dans un marasme économique critique :

  • cette situation peut elle entrainer un nouveau report des provinciales ?
  • l’absence de discussions avec un gouvernement central limité aux affaires courantes peut-elle peser dans la balance ?
  • et surtout, la non tenue du congrès de Versailles qui devait se prononcer sur la réforme constitutionnelle actant le dégel du corps électoral, adoptée par le Sénat puis par l’Assemblée nationale, est-elle de nature à entraîner une seconde modification du calendrier provincial ?

La loi organique du 15 avril 2024 a été jugée conforme par le conseil constitutionnel. Il précise tout de même que le report limité à 7 mois avait un caractère exceptionnel et transitoire.

La composition de la nouvelle Assemblée nationale et l’attente d’un nouveau gouvernement, dont on ne connait toujours pas la future couleur politique rajoutent encore à l’incertitude… Le gouvernement de Gabriel Attal expédie les affaires courantes et gère l’urgence. Il n’est probablement pas en mesure de proposer un nouveau report.