Lever les "verrous" de Saint-Louis… C'était d'abord une requête déposée par des représentants coutumiers de la tribu, qui a été rejetée il y a environ un mois par le tribunal administratif. Une autre a suivi, le 16 septembre, portée cette fois par la Ligue nationale des droits de l'Homme.
La LDH a voulu dénoncer une "atteinte à la liberté fondamentale d'aller et venir, à la liberté personnelle de se déplacer avec un moyen motorisé, à la liberté du travail, à l'égal accès à l'instruction, au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, à la liberté de la presse [et] au respect de la vie".
Un dispositif qui doit être maintenu, dit la justice
Ce mercredi 25 septembre, cinq jours après une audience de référé liberté, la réponse de la justice administrative est à nouveau tombée. Le juge a rejeté la requête. "Les nécessités de l'ordre public et la protection des populations, fait-il notamment valoir, y compris celles qui font l'objet de ces mesures contraignantes, imposent que le dispositif (…) soit maintenu jusqu'à ce que l'ordre soit rétabli entièrement. Et que les habitants du Mont-Dore sud, qui ont également droit à la sécurité, à se soigner et à travailler, puissent, aussi, circuler librement et reprendre une vie normale sans risque."
La Ligue citait en effet le fait que les Mondoriens soient empêchés de passer. À noter que les verrous concernent tout autant les gens de Yaté.
Chaque tentative par les forces de l’ordre de rétablir une circulation moins contrainte s’est soldée par des tirs d’armes à feu de gros calibre qui ne permettent pas une levée du dispositif dans l’immédiat.
Ordonnance du tribunal administratif, le 25 septembre 2024
"Urgence"
Dans sa requête, la LDH soutenait pourtant qu'il y avait urgence à lever ce dispositif. Ses arguments ?
- La circulation entravée par les forces de l'ordre.
- L'interdiction de se déplacer autrement qu'à pied pour entrer ou sortir de Saint-Louis.
- Que "les habitants qui souhaitent se déplacer hors de la tribu font l’objet de fouilles et de contrôles d’identité, ce qui les empêche de pourvoir à leurs besoins essentiels".
- Ou encore que "l'ensemble des habitants de la tribu est obligé de rester au contact des individus les plus dangereux".
Le juge des référés considère pour sa part que la condition d'urgence n'est pas remplie.
Il y a au contraire urgence à maintenir le dispositif tant que les auteurs des exactions, dont l'assassinat d'un gendarme, n'auront pas été appréhendés, soit à la suite d’une opération de police soit par reddition volontaire.
Ordonnance du tribunal administratif, le 25 septembre 2024
Sans la ligue locale
La Ligue des droits de l'Homme et du citoyen de Nouvelle-Calédonie a été sollicitée pour se joindre à cette requête. Elle a décliné. "Il y a eu un arrêté du haut-commissaire et cet arrêté n'est pas entaché d'irrégularité ni d'illégalité", explique son président, Gérard Sarda. "Il est pris par une autorité qui a la compétence, dans un contexte où il y a au énormément de violences au niveau de la tribu de Saint-Louis. On pense qu'il y a à peu près une quarantaine de personnes qui se livrent à des méfaits, extrêmement importants."
Lettre commune au Premier ministre
Si la Ligue des droits de l'Homme de Nouvelle-Calédonie n'a pas suivi cette fois la ligue nationale, dont elle n'est plus une section depuis 1999, elle a pour habitude de collaborer avec elle. Encore récemment, une lettre commune a été envoyée au nouveau Premier ministre, Michel Barnier, afin qu'il reprenne le dossier calédonien. Cette collaboration s'affiche également dans le dernier numéro de la revue Droits et libertés, émise par la Ligue des droits de l'Homme nationale. Une analyse du contexte calédonien y est signée… Élie Poigoune.
Les explications de Martin Charmasson et Gaël Detcheverry :
Un collectif d'habitants réagit
Pendant ce temps, il a été créé "un collectif de défense des intérêts des habitants de la tribu de Saint-Louis". Il a réagi à cette nouvelle décision de justice, dans un communiqué diffusé le lendemain. Disant sa gratitude à la LDH, "le collectif observe avec satisfaction que des voix continuent de s'élever pour dénoncer ces actes. Des actes qui, selon nous, appartiennent à une époque révolue, marquée par un manque de considération pour les droits et la dignité des peuples autochtones."
Il "se réserve le droit de poursuivre les démarches judiciaires nécessaires, notamment en ce qui concerne la légalité de l’arrêté du 19 septembre", qui a encadré le dispositif de verrou… deux mois après sa mise en œuvre. Et qui "a été pris sans consulter le conseil coutumier Drubea-Kapumë". Le communiqué est signé par Eugène Decoiré et Yohann Wamytan.