Ces scrutins qui se sont déroulés sans les indépendantistes

Alors que les indépendantistes ont annoncé leur non-participation au référendum du 12 décembre prochain, retour sur ces élections boycottées, parfois de manière violente, par le passé.

En 1984, 1987, et 1988, les indépendantistes avaient marqué leur désaccord en ne participant pas à des élections. Des boycotts, actifs ou passifs, qui ont marqué l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.

 

1984, le refus du statut Lemoine

En application de la déclaration de Nainville-les-Roches de 1983, qui prévoit d’élaborer un statut d’autonomie transitoire, Georges Lemoine rédige la même année un texte proposant « une autonomie jamais atteinte jusqu’alors », comme indiqué dans le projet de loi.


Ce « statut Lemoine » est décrié aussi bien par les loyalistes que par les indépendantistes. Pour ces derniers, c’est la non-restriction du corps électoral pour les scrutins locaux qui est dans la ligne de mire. Selon eux, le système électoral avantage les anti-indépendantistes.


En avril 1984, l’assemblée calédonienne rejette à l’unanimité le statut Lemoine et, malgré les vifs débats qu’il suscite, il est adopté le 31 juillet 1984 par l’assemblée nationale. Le gouvernement socialiste campant sur ses positions, les indépendantistes annoncent en juillet 1984 le boycott actif des élections territoriales nécessaires à l’application du nouveau statut.

Le mot d’ordre de boycott actif est suivi et les élections territoriales du 18 novembre 1984 sont marquées par des incidents gênant leur bon déroulement et un taux d’abstention de 50,4 %.

Une photo devient le symbole de cette révolte kanak : celle d’Eloi Machoro, le secrétaire général de l’Union calédonienne (UC), détruisant à la hache l’urne de Canala.


Le refus d’une grande partie des sympathisants du FLNKS de participer au scrutin permet de mesurer l’ampleur du sentiment indépendantiste, mais favorise le RPCR qui obtient 70,87 % des suffrages.

 

A relire : https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/2014/11/18/il-y-30-ans-une-urne-etait-brisee-207694.html

 


1987, un référendum contesté

Tout commence en 1986, avec le retour de la droite au pouvoir, Bernard Pons annonce en juillet la tenue d’un référendum pour septembre 1987. Dès le début, les indépendantistes du FLNKS annoncent qu’ils le boycotteront. Là encore, c’est le corps électoral, ouvert à tous les résidents justifiant de trois ans de présence, qui pose problème.


« Le 15 septembre au soir, certains vont sabler le champagne. Le lendemain, nous serons là pour dire 'merde' et pour dire que nous sommes là et que nous sommes toujours là et que chaque Kanak naissant naîtra encore avec le droit à l’indépendance et ce droit-là, aucun référendum de Pons ou d’autres ministres ne le remettra en cause », lançait alors Jean-Marie Tjibaou.

« S’il y a des gens qui préfèrent s’abstenir, qui veulent donner un mot d’ordre d’abstention, c’est leur droit dans tout régime démocratique. Mais par contre, si au nom de cette volonté d’abstention, ils souhaitaient perturber le scrutin et s’opposer à la liberté, à la sécurité, et à la sincérité du vote, alors ce serait inacceptable et je ne l’accepterai pas », déclarait en écho Bernard Pons.

Un dialogue de sourds s’installe, la priorité du gouvernement est de faire respecter l’ordre. 6 000 militaires, CRS ou mobiles, sont déployés sur toute la Calédonie.

Certains militants du FLNKS entament même une grève de la faim contre ce scrutin. Leur mobilisation à Nouméa sous le mot d’ordre « 15 jours pour Kanaky » va leur permettre de gagner la bataille des images. Le 22 août 1987, sous l’œil des caméras étrangères, leur sit-in pacifique mais interdit se termine par une charge de police faisant une dizaine de blessés légers parmi les manifestants.

Le 13 septembre, bien que boycotté par le FLNKS, le vote se tient dans une ambiance très calme.

98,3 % des votants se prononcent en faveur du maintien dans la République, mais le taux d’abstention s’élève à 40,89 %.

Revoir l'émission "Nos patrimoines", d'Antoine Le Tenneur et Joakim Arlaud consacré à ce référendum. 

 

1988, les territoriales boycottées, les tensions cristallisées

Après l'annonce des résultats du référendum, le Premier ministre Jacques Chirac fait une nouvelle visite sur le Territoire le 15 septembre 1987. Il annonce sa volonté d'établir une autonomie, et un nouveau découpage en 4 régions. Ce sera le « statut Pons II », du 22 janvier 1988.

Un nouveau scrutin, destiné à élire les conseils territoriaux des 4 provinces est prévu pour le 24 avril 1988, soit le même jour que le premier tour de l'élection présidentielle. Le 15 mars 1988, Jacques Lafleur estime la revendication indépendantiste close depuis le référendum d'autodétermination de septembre 1987, et demande la dissolution du FLNKS. Celui-ci décide, comme il l'avait fait aux élections territoriales de novembre 1984, le boycott actif du premier tour de l'élection présidentielle et des élections régionales du 24 avril. Deux jours avant le scrutin, le 22 avril, l'occupation de la gendarmerie d'Ouvéa en protestation contre l'élection vire au drame, 4 gendarmes sont tués, 26 sont pris en otage.


Le jour de l'élection, comme prévu les indépendantistes ne sont pas au rendez-vous. L’abstention atteint 40% et les non-indépendantistes remportent 46 des 48 sièges. A Ouvéa, le drame est en train de se nouer, il se terminera par la mort de 21 personnes, le 5 mai 1988.

A relire : https://la1ere.francetvinfo.fr/pourquoi-prise-otages-gendarmes-22-avril-1988-ouvea-grand-format-572167.html