Alors que la vente de l'usine du Sud concentre depuis des mois l'attention et les tensions en Nouvelle-Calédonie, sortie de crise annoncée. Les différents acteurs politiques et sociétaux de ce dossier brûlant ont présenté le cadre d'un accord «historique».
Ce jeudi après-midi, dans la grande salle des commissions du Congrès, le président de l'institution Roch Wamytan accueille la dirigeante de la province Sud Sonia Backès, les représentants des instances coutumières et du collectif «usine pays», mais aussi les responsables du FLNKS et des Loyalistes. Tous signent devant la presse un nouveau modèle minier pour l’usine du Sud. Un rachat par un consortium calédonien, avec une majorité (51%) d’intérêts du pays non diluables.
C'est un accord historique.
Trois principes avancés
«Au-delà d’une simple sortie de crise, cet accord politique donne naissance à un nouveau modèle minier du Sud calédonien qui crée les conditions d’une vision durable acceptée de tous», formule au nom de tous Roch Wamytan, facilitateur des négociations menées ces derniers jours. Un accord qui entend respecter trois principes : la maîtrise de la richesse, la valorisation de la ressource et le respect de l'environnement.
Synthèse, par Martin Charmasson et Nicolas Fasquel :
Ecoutez par ailleurs le compte-rendu de Cédrick Wakahugnème :
Signature de l'accord politique sur l'usine du Sud
Nouveau montage
Le nouveau montage prévoit quatre entités au capital du consortium de rachat des parts de Vale NC, à savoir Prony Resources :
- à hauteur de 30 %, la SPMSC - Société de participation minière du Sud calédonien, qui représente les trois provinces au capital de Vale NC;
- à 30 % également, la compagnie financière de Prony (dans laquelle ne figure plus Antonin Beurrier);
- à 21 %, les salariés et la population;
- à 19 %, le géant suisse du négoce Trafigura (et non plus 25 %).
L'État réagit
Réagissant à l’annonce de cet accord, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, a déclaré : «Je me félicite de cet accord qui ouvre la voie au sauvetage de ce site industriel, sauvetage financé très largement par la solidarité nationale. C’est avant tout une bonne nouvelle pour les […] salariés de l’usine du Sud et leurs familles. C’est aussi une bonne nouvelle pour l’environnement, avec des garanties renforcées. Il faut désormais que reprenne le dialogue sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, sur les conséquences du "Oui" et du "Non". J’aurai l’occasion de prendre une initiative politique en ce sens dans les prochains jours. »
Dans le communiqué, l’État indique qu'il continuera à accompagner les discussions entre l’ensemble des parties prenantes, en vue de finaliser l’ensemble des procédures permettant d’obtenir un accord de cession dans les plus brefs délais pour garantir la pérennité du site.
Tesla entre en scène
Le géant américain Tesla sera en charge de la valorisation de la ressource. Il aura un rôle de conseiller technique pour le développement et l'amélioration du procédé industriel, dans le cadre d'un accord d'approvisionnement à long terme de sa chaîne de production (à lire ici). Tesla devrait également explorer les opportunités de génération et de stockage d'énergies renouvelables. «D'autres partenariats industriels pourront être recherchés», a-t-il été précisé, «notamment sur le plan de l'expertise hydrométallurgique».
Pour la première fois, les titres miniers vont être loués.
Titres miniers
Concernant la maîtrise de la ressource, il est prévu que Vale NC cède ses titres miniers «à une nouvelle structure représentant les intérêts calédoniens et leur amodiation à Prony Resources dans des conditions acceptables par le consortium de rachat». Une cession «effectuée avec les différentes parties prenantes». Quant à la structure, il pourrait s'agir de Promosud, l'outil économique de la province Sud. Pour précision, l'amodiation est une convention par laquelle le titulaire du droit d'exploitation procède à la location de la mine contre versement d'une redevance.
Populations locales
Il est également envisagé de permettre aux populations locales d'entrer au capital de cette nouvelle structure à hauteur de 10 %. Le pacte de développement durable du Grand Sud, mis en place sur trente ans avec Vale en 2011, va être maintenu. La réalisation du projet Lucy «devra être confiée prioritairement aux entreprises locales». Et «les stations solaires autonomes pourront être proposées aux tribus avoisinantes».
Si en 2024 les résultats ne sont pas bons, on reverra la participation de Trafigura, on reverra l'actionnariat.
Apports
«Vale Canada laisse 500 millions d'euros [près de 60 milliards de francs CFP] à Prony Resources». Et «l'Etat, au-delà de la défiscalisation, apporte son soutien avec un prêt de 200 millions d'euros [presque 24 milliards CFP] ainsi qu'une garantie à hauteur de 180 millions d'euros» (environ 21,55 milliards CFP).
Engagements et expertises
En matière d'environnement, la province Sud s'est engagée «à imposer les plus hauts standards internationaux en matière de protection de l'environnement et de maîtrise des risques, en doublant les garanties environnementales imposées à l'industriel». Et des sept expertises complémentaires, il est attendu «un état des lieux exhaustif garantissant les conditions de sécurité du barrage KO2 et de non toxicité des résidus».
«Observation», «concertation» et ONG
«Des mécanismes efficaces et neutres d'observation et des espaces de concertation» sont annoncés «afin de garantir la transparence de l'activité et d'associer les populations intéressées». Comme un comité provincial de suivi des expertises, «associant le [comité consultatif coutumier environnemental] et l'Œil». Autre annonce : l'organisation non gouvernementale Greencross «se verra confier le soin de rendre compte des avis et préoccupations des populations locales».
«Comité des risques» et projet Lucy
La création d'un «comité des risques» est prévue, «intégrant un représentant des associations environnementales» et présidé par un représentant de la SPMSC. Le projet Lucy doit être lancé dès la réouverture du site, en vue d'une réalisation pour 2024. Avec revégétalisation de la zone de stockage des résidus.
Suivi de l'accord
Autre aspect de cet accord, un comité de suivi doit se réunir toutes les deux semaines durant les trois premiers mois, «puis autant que de besoin pour veiller à la mise en œuvre concrète des termes de l'accord». Il devrait veiller notamment «aux solutions qui pourront être apportées aux difficultés individuelles nées du conflit». Et quel conflit ! Des mois de mobilisation et d'actions ponctuées d'exactions et de contre-réactions, qui ont lourdement pesé sur l'activité du site industriel et de ses travailleurs, salariés comme sous-traitants.
Des performances à évaluer
Et puis les performances du complexe industriel doivent être évaluées chaque année, sur le plan industriel et financier. «A partir de septembre 2024», a-t-il été expliqué aujourd'hui, «il sera possible de faire évoluer tant l'actionnariat que le partenariat industriel».