Il a beaucoup été question de motion préjudicielle, ce jeudi 8 décembre, au Congrès. En clair, cette notion veut dire qu'il y a encore des questions à régler avant de continuer le débat. Dans ce cas précis, les élus du boulevard Vauban sont tombés d'accord pour dire… qu'ils n'arriveraient pas à se mettre d'accord sur la taxe à l'exportation de produits miniers et la redevance sur les extractions. Ces projets de loi du pays ont été renvoyés à la case travail préalable en commission. Une conclusion consensuelle qui est arrivée après quelques rebondissements, pendant que dehors, l'USTKE était mobilisée au nom des filiales de la SMSP.
1 Pas d'élu Eveil océanien
Premier constat, la séance se déroule avec une trentaine de conseillers sur 54. La plupart des non présents ont donné procuration de leur vote. Mais ce n'est pas le cas des trois élus, sans étiquette, de l'Eveil océanien : attendus au tournant habituel, celui d'arbitre entre les blocs, ils brillent par leur absence. De même que Paul Néaoutyine, président de la province Nord et chef de file du Palika. Une séance pilotée par la première vice-présidente, Caroline Machoro-Reignier - le président du Congrès, Roch Wamytan, se trouve en déplacement dans le Pacifique, entre Vanuatu, Fidji, Salomon.
2 Calédonie ensemble, avant les Loyalistes
La veille, le groupe Loyalistes a annoncé la couleur, à savoir qu'il allait déposer une motion préjudicielle pour repousser les votes prévus. Mais le matin-même, c'est Calédonie ensemble qui dégaine. D’entrée, Philippe Michel lance sa motion "visant au renvoi des textes inscrits à l’ordre du jour". Le président du groupe CE dresse un tableau désastreux des finances calédoniennes : "Comme pour le budget 2021 (…), le Caillou risque d’être mis sous la tutelle de l’Etat (…) L’impasse budgétaire est estimée (…) entre quinze et dix-huit milliards", assène-t-il.
Si Calédonie ensemble dit se féliciter des textes sur la fiscalité minière, "notre euphorie n’a été que de courte durée parce qu’en réalité, ces taxes n’ont qu’un seul objet : surtout ne s’appliquer à personne. L’usine du Nord et l’usine du Sud, qui bénéficient du pacte de stabilité fiscale, n’ont pas vocation à les payer. Quant à la SLN et aux petits mineurs, le seuil de déclenchement de ces deux taxes a été mis à un niveau tel qu’(…)elles ne leur seront jamais applicables."
3 AEC veut dire son opposition
Discussion pour savoir s'il est possible de présenter plusieurs motions préjudicielles du même ordre, puisque c'était aussi l'intention des Loyalistes. L'Avenir en confiance fait part d'une autre position. "Plutôt que soutenir une motion préjudicielle qui ne fera que renvoyer le texte", sa présidente fait savoir que le groupe AEC veut maintenir l'examen des textes pour pouvoir voter contre. "Nous considérons que ce texte aujourd’hui arrivé sur le Congrès est complètement hors sol, indique Virginie Ruffenach. Il arrive dans un contexte de grande difficulté de nos deux usines SLN et usine du Nord. Il arrive dans un contexte où l’Etat met en place des discussions d’avenir, et notamment prioritaires sur le nickel, pour essayer de sortir nos usines de la difficulté dans laquelle elles sont."
4 L'Uni demande à suspendre la séance
Risque qu'en l'absence de majorité, les trois textes du jour soient retoqués. Ithupane Tieoue (Union nationale pour l'indépendance) prend alors la parole. Le groupe Uni sollicite une suspension de séance "pour pouvoir discuter avec les uns et les autres. L’idée étant que nous soyons au final tous d’accord pour sortir un texte qui puisse correspondre. Le gouvernement a indiqué qu’il nous manquait quelques dizaines de millards pour boucler le budget 2023. Si on n’y arrive pas, il faut que nous trouvions un chemin ensemble."
5 Les cinq groupes se concertent
Séance suspendue, les membres du bureau et les chefs de groupe sont appelés en salle de réunion. Un peu plus d'une heure s'écoule et retour dans l'hémicycle. "Suite à l’interruption de séance, qui a permis aux groupes d’échanger entre eux, et dans la perspective de trouver un consensus le plus large possible qui permette d’avancer sur ces sujets, le groupe Calédonie ensemble retire la motion préjudicielle qu’il avait déposée", déclare Philippe Michel. "On s’est mis d’accord pour déposer une motion commune cosignée par tous les groupes politiques, qui poursuit le même objet."
6 Une motion pour tous
Elle est lue par Virginie Ruffenach : "L'ensemble des groupes politiques du Congrès partage la nécessité de trouver un consensus le plus large possible sur la question du nickel en Nouvelle-Calédonie. Cet objectif passe nécessairement par la définition d'une stratégie commune, d'une analyse partagée des difficultés du secteur et la mise en place d'outils fiscaux adaptés à cette stratégie. Dans cette perspective, nous proposons solidairement le renvoi en commission du projet de loi du pays."
7 Le gouvernement salue l'unanimité
Un vote unanime, salué par le gouvernement à travers Adolphe Digoué (Uni), membre en charge de l'économie. Même scénario pour le projet de loi suivant, celui sur la redevance extractions. Au final, tous les textes du jour retournent sur le plan de travail, y compris celui qui devait modifier les statuts du fonds nickel.
8 Les textes seront retravaillés
Ce qui inspire cette réaction à Pierre-Chanel Tutugoro, UC-FLNKS et Nationalistes : "Un des textes, sur la redevance d'extraction qui serait dirigée vers des communes minières, (…) pose un problème de principe fondamental sur la solidarité en matière de fiscalité." Tandis que Gil Brial souligne, pour les Loyalistes : "Le fait qu'on ait pu avoir cette réunion de l'ensemble des groupes politiques, avoir une position commune, est quelque chose de très positif. Enfin, on va pouvoir travailler de manière commune pour l'intérêt du nickel et des Calédoniens en général."
9 Un enjeu important
L'enjeu est ancien, et d'importance. Pour faire simple, la taxe sur les exportations de produits miniers vise à générer de nouvelles recettes afin d'alimenter un fonds pour les générations futures. Comme celui-ci n'est pas encore défini, l'argent collecté serait dirigé, en attendant, vers le fonds nickel. Il est question de presque deux milliards de francs CFP sur une année faste.
La redevance sur les extractions de produits miniers, elle, doit compenser l’appauvrissement du sous-sol calédonien. 60 % des sommes seraient distribués à treize communes minières. Les 40% qui restent serviraient au budget de répartition de la Nouvelle-Calédonie, pour financer les provinces et les communes. Rendement estimé : plus d’un milliard avec des cours du nickel très hauts, comme en 2021, et cent millions pour une année basse, comme en 2016.
Résumé par Yvan Avril et Nicolas Fasquel :