Jusqu'alors suspendu par Emmanuel Macron, mais jamais formellement abandonné, "le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires ne sera pas soumis au Congrès", a assuré le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale. Il a précisé qu'Emmanuel Macron "confirmera" cet abandon aux élus de Nouvelle-Calédonie quand il les réunira, "comme il a l'intention de le faire", au mois de novembre.
Ce projet de réforme, porté par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, a déclenché à partir de mai les pires émeutes depuis 40 ans dans l'archipel, faisant 13 morts dont deux gendarmes. Un important déploiement de forces de l'ordre a permis un progressif retour au calme, mais l'archipel vit toujours au rythme des couvre-feu depuis quatre mois.
Il visait à élargir le corps électoral - gelé depuis 2007 - pour les élections provinciales, cruciales sur l'archipel, aux résidents de l'archipel depuis 10 ans, au risque selon les indépendantistes de marginaliser le peuple autochtone kanak.
Des élections provinciales reportées à fin 2025
Ces élections provinciales, justement, devaient se tenir d'ici au 15 décembre prochain après avoir été une première fois reportées, en l'absence de consensus sur le corps électoral. Le chef du gouvernement a annoncé leur report "jusque fin 2025", la date maximale fixée par le Conseil d'Etat pour leur tenue étant fin novembre 2025.
"Les assemblées auront prochainement à se prononcer sur ce report par une loi organique" qui doit intervenir rapidement, a-t-il précisé. Les élections provinciales sont cruciales en Nouvelle-Calédonie pour renouveler les assemblées des trois provinces de l'archipel, dont dépend ensuite la composition du gouvernement local.
Dans une lettre envoyée avant son discours aux parlementaires calédoniens, Michel Barnier a affirmé que "cette période de quelques mois permettra de mener la concertation sur l'avenir institutionnel et le développement de la Nouvelle-Calédonie".
"Reconstruction économique et sociale"
Accordant une place substantielle à la Nouvelle-Calédonie dans son discours, Michel Barnier s'est dit désireux de s'impliquer "personnellement" dans ce dossier, reprenant des prérogatives qui sont traditionnellement celles de Matignon depuis les années 1980.
En témoigne la "mission de concertation et de dialogue" conduite par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, qui se rendra sur place "prochainement".
"Les discussions seront soutenues par une délégation interministérielle placée auprès du Premier ministre et du ministre des Outre-mer", a affirmé le Premier ministre: "Une nouvelle période doit maintenant s'ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d'un consensus politique sur son avenir institutionnel".
Les élus calédoniens réagissent
Avant le discours de Michel Barnier, une délégation d'élus locaux et de figures institutionnelles de Nouvelle-Calédonie, en déplacement à Paris pour sensibiliser les groupes parlementaires à la gravité de la situation, avait été applaudie par l'Assemblée.
L'adresse du Premier ministre est "exactement ce que nous demandions", a réagi auprès de l'AFP Philippe Gomès, chef du groupe Calédonie ensemble (loyalistes modérés) et membre de cette délégation, saluant l'abandon de la loi sur le dégel du corps électoral.
"Cette épée de Damoclès qui empêchait le dialogue politique, la recherche du consensus de reprendre, est levée", a-t-il dit: "On a donc le temps pour aller chercher ce consensus qui permettra de donner de l'espoir aux Calédoniens, et commencer la reconstruction du pays".
A la sortie de l'hémicycle, le député loyaliste de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (EPR) a lui critiqué un "discours déconnecté", estimant que le "Premier ministre n'a pas saisi la gravité de la situation sur place" et regrettant l'absence d'annonce financière.