Démission, motion de censure : les Loyalistes et le Rassemblement ont les moyens de renverser le gouvernement mais...

Conférence de presse des membres Loyalistes et Rassemblement du gouvernement, le 20 mars 2024.
S’ils jugent l'exécutif illégitime, les élus Loyalistes et Rassemblement ont la possibilité de déposer une motion de censure au Congrès ou de démissionner du gouvernement pour le renverser. Le président Mapou l'a rappelé ce lundi matin en conférence de presse. Mais face à l'impossibilité de reprendre la majorité, ils ont choisi d’autres voies.

La tension s’accentue entre les indépendantistes d’un côté, les Loyalistes et le Rassemblement de l’autre. “Louis Mapou a pris la décision d’enterrer la collégialité”, écrivent Isabelle Champmoreau, Christopher Gygès, Thierry Santa et Yoann Lecourieux dans un mail envoyé ce lundi soir. Les quatre membres Loyalistes et Rassemblement du gouvernement reprochent au président Mapou de ne pas les avoir informés de la conférence de presse destinée à faire le point sur les échanges avec les opposants aux réformes fiscales.  

Le président du gouvernement a, de facto, annoncé la fin du gouvernement collégial, ne nous ayant ni informés ni consultés sur le contenu de cette conférence.

Isabelle Champmoreau, Christopher Gygès, Thierry Santa et Yoann Lecourieux

Il y aura donc désormais une majorité et une opposition au sein de l’exécutif. Nous nous opposerons de la manière la plus ferme possible à toutes les mesures confiscatoires qui seront proposées”, préviennent-ils. Mercredi 20 mars, ils ont quitté la séance collégiale.

Leurs explications recueillies par Julie Straboni et Christian Favennec :

©nouvellecaledonie

Le lendemain, les élus des groupes Loyalistes et Rassemblement claquaient la porte du Congrès. "Nous ne siégerons plus dans les institutions non-démocratiques. Nous serons désormais dehors pour les séances publiques, sur les marches du Congrès”, lâchait Sonia Backès, jugeant les indépendantistes illégitimes à gouverner. 

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Un procès en illégitimité dangereux, ont aussitôt réagi Louis Mapou, Philippe Gomès, chef de file Calédonie ensemble, et Roch Wamytan. Le président du Congrès les invitait aussi à ne pas rompre le dialogue : “Votre place est ici, pas dehors. Revenez, nous vous attendons.” Aloisio Sako, le doyen de l'institution, rappelait qu'après avoir gouverné pendant trente ans, ils manquaient de "culture d'opposition". “On peut être dans l’opposition de manière constructive pour enrichir les débats”, leur assurait-il. 

Démission et motion de censure

Ce lundi matin, Louis Mapou a été plus ferme, soulignant qu’il existe des moyens constitutionnels de contester la légitimité du pouvoir.  

Le système calédonien contient des dispositions reconnues par la Constitution et qui permettent à quiconque, qui contesterait la légitimité que nous avons, de faire état de sa position.

Louis Mapou

Si l’une des formations politiques du gouvernement décide par exemple de démissionner en bloc, sans laisser la possibilité de remplacer ceux qui siégeaient, le gouvernement est considéré comme démissionnaire. En février 2021, cinq membres, de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) et de l’UC-FLNKS et Nationalistes, avaient utilisé cette démission collective pour renverser le gouvernement Santa.

L’Avenir en confiance (AEC), ex-Rassemblement, avait alors fustigé “une décision incohérente, irresponsable et dangereuse”. Le pays traversait la crise sanitaire, un conflit autour de la vente de l’usine du Sud et déjà, d’importantes turbulences budgétaires. 

Sans Calédonie ensemble et l'Eveil océanien, impossible de reprendre la majorité

Aujourd’hui, les trois usines de nickel sont en difficulté, les caisses de la Nouvelle-Calédonie sont vides, les discussions sur l’avenir institutionnel patinent, la prochaine échéance électorale (les provinciales) approche, et les membres Loyalistes et Rassemblement ont décidé de rester au gouvernement, mais dans l’opposition donc. Ils n'ont de toute façon pas la possibilité de reconquérir le pouvoir car pour prendre le gouvernement, il faut une majorité au Congrès. Et sans une alliance avec Calédonie ensemble et l'Eveil océanien, ils ne l'ont pas. 

La loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit aussi la possibilité de déposer une motion de censure au Congrès. Pour être recevable, elle doit être signée par au moins un cinquième des membres du Congrès, soit 11 élus au total. Les Loyalistes sont 12, le Rassemblement 6.

Mais elle doit être votée à la majorité absolue, soit 28 voix, pour entraîner la chute du gouvernement. Là, ça coince. À moins d’obtenir, là encore, un soutien des 6 de Calédonie ensemble et des élus hors groupe, ce qui semble peine perdue. D’où la décision de boycotter l’institution ?