Impossible de construire un destin commun sans être parvenu à réduire les inégalités entre les territoires et les communautés. Les signataires de l'Accord de Nouméa en étaient persuadés. Les mesures qu'ils ont élaborées ont-elles atteint leurs objectifs ? C'est la question à laquelle le bilan commandé par l'Etat tente de répondre. Zoom sur les constats en termes d'éducation, de santé et de niveau de vie.
Un meilleur niveau de formation, mais...
En assurant le co-financement de la construction et de l'entretien d'établissements scolaires, les contrats de développement prévus dans l'Accord de Nouméa ont clairement permis d'améliorer le taux de scolarisation, soulignent les rapporteurs. La part de bacheliers par génération est ainsi passée de 32,8% en 1998 à 73,5% en 2021. Celle des 15 ans et plus, diplômés du supérieur en Nouvelle-Calédonie, de 8% en 1996 à 20% en 2019. Le développement de programmes adaptés aux spécificités historiques et économiques calédoniennes, du primaire au supérieur, y a également contribué. Et l'ouverture d'un campus universitaire à Baco, en 2020, devrait renforcer la tendance, note le document.
Ces politiques n'ont cependant pas suffi à gommer les disparités entre zones géographiques (provinces mais aussi côte Est et côte Ouest) et entre communautés. Entre 1996 et 2019, la part des plus de 15 ans, ayant au minimum un niveau baccalauréat, a presque été multipliée par quatre pour les provinces des Îles et du Nord. Elle l'a été par deux en province Sud. Et les inegalités semblent s'intensifier à la fin du collège, remarquent les auteurs du bilan. Seules les communes de Nouméa, du Mont-Dore et Dumbéa enregistrent ainsi des taux de passage en seconde générale ou technologique supérieurs à 50%.
L'indice d'éducation de la population kanak reste par ailleurs inférieur à celui de la communauté dite européenne. Et si Cadres avenir a favorisé un rééquilibrage, la part de Kanak parmi les cadres n'était que de 11,6% en 2019 (pour 6,5% en 1989)...
Une espérance de vie en hausse
Fait notable en termes de santé : si elle reste inférieure de 3% à celle de la France, l'espérance de vie à la naissance a gagné neuf ans en trente ans en Nouvelle-Calédonie. Un rattrapage qui concerne aussi les provinces Nord et des Îles. Il s'explique par la mise en place d'un système "complet" de protection sociale, comme le prévoyait l'accord, avec notamment la création du RUAMM et de l'aide médicale gratuite.
Mais aussi par le financement, dans le cadre des contrats de développement, de l'aménagement, la rénovation et l'équipement de centres médico-sociaux dans la province des Îles, et la création d'un centre hospitalier à Koné. Depuis l'ouverture de ce dernier, la province Nord compte plus de 210 lits, rejoignant ainsi la province Sud avec ses 215 lits.
Entre 2010 et 2018, la province de Îles a perdu l'équivalent de 20 médecins pour 100 000 habitants.
Bien que faible par rapport à la moyenne française, le nombre de praticiens par habitant s'est lui aussi amélioré grâce à ces investissements. Mais, depuis 2011, il stagne, voire régresse. La province des Îles souffre de la plus grosse perte avec vingt médecins en moins pour 100 000 habitants entre 2010 et 2018. "À l'inverse, la densité médicale a augmenté de trente médecins pour 100 000 habitants", sur la même période, en province Sud. Malgré cela, les perspectives sur l'attractivité médicale sont jugées inquiétantes par le bilan, "notamment dans les zones rurales".
Une importante disparité des niveaux de vie
Le cabinet CMI, qui a remporté le marché d'analyse de l'Accord de Nouméa, s'est également penché sur l'évolution de l'accès à la culture, à l'eau, à l'energie, à Internet ou encore au logement. Et les conclusions sont similaires : il y a du mieux. Le confort de vie s'est globalement amélioré mais les actions mises en place n'ont pas eu d'effet profond sur la réduction des inégalités.
En 2019, le niveau de vie médian des habitants de la province des Îles (97 200 F) était ainsi deux fois moins important que celui de la province Sud. Il était du simple au double entre Kanak et non-Kanak. 32,5 % des Kanak vivent par ailleurs en dessous du seuil de pauvreté alors que le taux est de 9% pour le reste de la population.
En résumé l'Accord de Nouméa a amorcé des processus d'émancipation et de rééquilibrage indispensables à la construction du destin commun. Mais le chemin semble encore long.
Retrouvez le dernier volet de ce dossier consacré au bilan de l'Accord de Nouméa jeudi matin.
A lire aussi :
Bilan de l'Accord de Nouméa : le clivage politique était inscrit dans le texte [1/4]
Bilan de l'Accord de Nouméa : une économie toujours dépendante [2/4]