Favoriser l'émancipation économique et financière de la Nouvelle-Calédonie était l'un des objectifs de l'Accord de Nouméa. Vingt-cinq ans après, au moment d'en sortir, "le souhait des signataires n'est pas totalement réalisé", constate le cabinet CMI, qui a remporté le marché public lancé par l'Etat pour réaliser un bilan de l'accord.
L'autonomie financière s'est renforcée mais...
Les données statistiques sur lesquelles il s'appuie le montrent : l'autonomie financière calédonienne s'est renforcée, en particulier entre 1998 et le début des années 2010, mais l'économie du territoire reste fortement dépendante de l'aide de l'Etat. Cette dernière était prévue dans le texte de 1998, pour permettre l'exercice des compétences transférées.
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Elle aurait également pu être un moteur de transformation économique. C'était un espoir. Mais pour l'instant ni le secteur marchand, ni le nickel n'ont réussi à devenir des relais de croissance, indispensables à la décolonisation économique. Ils restent en effet largement tributaires des transferts extérieurs.
Les effets pervers des transferts
Les auteurs du rapport indiquent par ailleurs que les transferts humains et financiers de la part de Paris ont eu certains effets pervers. La "surrémunération" des agents rattachés aux services d'Etat et mis à disposition gratuitement pour l'exercice de certaines compétences a, par exemple, participé "dans une large mesure" à la "vie chère".
En effet, "dans une économie fortement protégée et où la concurrence est souvent de nature oligopolistique, les entreprises ont la possibilité de fixer leur prix, non seulement en fonction de leur coût, mais aussi de la disposition à payer de leurs clients", rappellent-ils. C'est ainsi que les majorations de salaires accordées aux fonctionnaires d'Etat ont contribué à la hausse des prix. Et au renforcement "des inégalités sociales en réduisant le pouvoir d’achat des agents ne bénéficiant pas de telles majorations de rémunération."
Quant aux aides financières, elles pourraient, "au moins en partie, expliquer les réticences de certains responsables politiques d’accroître la pression fiscale". Et, par extension, avoir joué un rôle dans l'accroissement de l'endettement. Car "depuis 2008, le montant des transferts d'Etat s'est stabilisé sans que les recettes propres du territoire progressent", creusant la dette.
Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage par le rééquilibrage.
Accord de Nouméa
Autre mesure phare de l'Accord de Nouméa étudiée par le bilan : le rééquilibrage économique entre les trois provinces. Partant du principe que les inégalités dans la répartition spatiale de la richesse constituaient un frein à la construction d’un destin commun, les signataires ont décidé de prévoir un appui à la création d'une usine dans le Nord, d'attribuer davantage de financements au titre des contrats de développement aux provinces Nord (65 %) et des Iles (61 %) qu’à la province Sud (51 %), ou encore d'instaurer des clefs de répartition budgétaires déséquilibrées (par rapport à la démographie) en faveur, toujours, des provinces Nord et Iles.
Un rééquilibrage économique plutôt réussi
Résultats : entre 1996 et 2019, l'écart de PIB par habitant entre la province Nord et la Nouvelle-Calédonie s'est réduit de presque deux tiers, de 20 points entre la province des Îles et la Nouvelle-Calédonie.
Mais, "cette convergence est en partie en trompe-l’œil". Dans la province des Îles, c'est la faible démographie qui l'explique, plus qu'une dynamique économique favorable. Dans la province Nord, les disparités restent importantes entre la côte Est et la côte Ouest. Et dans la province Sud, qui supporte l'essentiel des prélèvements, "les clés de répartition ont eu un effet récessif", remarquent les rapporteurs.
Pour eux, le rééquilibrage économique n'étant pas tout à fait abouti, le maintien d'un système de péréquation pourrait cependant se justifier. Et s'il devait être modernisé, ils conseillent aux décideurs de ne pas accroître de manière trop brutale la contrainte budgétaire sur les provinces Nord et Îles. D'autant plus que les inégalités sociales restent importantes entre les trois territoires.
À retrouver, ce mercredi, les effets de l'Accord de Nouméa sur la société.