DOSSIER. Enfin un véritable congé paternité pour les pères calédoniens

"Tout savoir sur la loi du pays favorisant l’égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes" [4/5]. C'est une des mesures phares votées par cette loi, le 4 mai dernier au Congrès : la création d'un congé paternité de onze jours, à partir du 1er mars 2024. Objectif : permettre au père d'être davantage présent auprès de son enfant et de la mère.

C'est une mesure forte qui a été longuement discutée, le 4 mai, lors de cette séance au Congrès. Mais qui a finalement été votée. Onze jours de congé paternité pour les salariés du privé, et 14 jours en cas de naissance multiple, dès le 1er mars 2024, en plus des deux jours de congé de naissance déjà existant.

Au niveau local, jusqu'ici la réglementation ne prévoyait que deux jours de congés de naissance pour les pères ou les seconds parents légitimement reconnus. "La présence du père ou du second parent dès la naissance de l’enfant a un impact positif sur le quotidien de la mère et de l’enfant dès la sortie de la maternité. En outre, cette présence permet une implication précoce du père ou du second parent dans la parentalité, détaille le texte. Par ailleurs, l’allongement du congé de paternité favorise la répartition des tâches et le retour à l’emploi des mères."

Pour les femmes isolées ou sans famille sur le territoire

Une mesure attendue depuis longtemps par les professionnels. "C’est un grand pas pour la parité, même si on connait les difficultés des caisses. Avec seulement deux jours, les papas n’étaient même pas disponibles pour toute la durée du séjour en maternité, confirme Valérie Lescroart, la présidente du syndicat des sages-femmes. C’est un premier pas pour toutes les mères, notamment pour les femmes qui sont isolées, loin de chez elles, ou qui n’ont pas leur famille sur le territoire."

Bloc obstétrical et salles d'accouchements à la clinique Kuindo Magnin

28 jours en Métropole

Il faut bien dire que la Nouvelle-Calédonie accusait un net retard en la matière, comparé à d'autres pays. En Métropole, la durée du congé de paternité est de 25 jours calendaires, à quoi s'ajoute un congé de naissance de trois jours. "Au niveau international, les parents suédois se partagent environ 480 jours de congés indemnisés. Les pères sont autorisés à prendre 48 jours de congés payés à hauteur de 80 % du salaire", toujours selon les motifs exposés aux membres du Congrès ce jour-là. 

"Le temps de caler les choses"

Le bien fondé de cette mesure n'a été remis en cause par aucun des groupes politiques du Congrès. Pour Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance, "c'est un premier pas pour que cette parentalité en Nouvelle-Calédonie se fasse à deux. Et que nos enfants soient plus épanouis dans l'attention et le temps qu'on leur consacrera, notamment dans les fameux 1000 premiers jours."

Une mesure importante dont les modalités concrètes d'application doivent encore être affinées. "Il est prévu que l'entrée en vigueur du dispositif soit au 1er mars 2024 et non pas immédiatement (...). Evidemment, pour un tel dispositif, on ne va pas pouvoir demander à la Nouvelle-Calédonie de le mettre immédiatement en place. Cette période va permettre logistiquement de pouvoir caler les choses."

540 millions de francs par an

La mesure doit coûter 540 millions de francs par an. A savoir qu'il était initialement prévu que la création de ce congé se fasse de manière échelonnée, jusqu'en 2030. Car c'est bien la question du financement qui a été particulièrement discutée, ce jour-là. "Il n'y a pas de difficulté sur le fond du sujet, a rappelé Milakulo Tukumuli, pour l'Eveil océanien. Mais il faut qu'on arrive à sécuriser le financement, à partir de 2024 et sur les années qui vont arriver, pour ne pas se retrouver à un moment ou à un autre en difficulté." 

Quid du secteur public et des travailleurs indépendants ?

Ce congé paternité sera financé par le régime des prestations familliales, qui est aujourd'hui excédentaire, et non pas par le Ruamm qui, lui, prend en charge l'enveloppe du congé maternité. "Ce sont les organisations patronales qui financent le régime des prestations familliales, a rappelé Milakulo Tukumuli, qui s'est inquiété des discussions menées auprès de leurs représentants. Pour le public, ce sont les collectivités, qui prennent en charge les prestations familiales. Or, à ce stade, nous n'avons aucun élément qui nous permette d'apprécier les coûts que cela va engendrer pour les collectivités publiques, déjà en difficulté. Parce qu'il y a fort à parier que si ce texte passe aujourd'hui, le public va se diriger vers là. Sinon, il y aura une inéquité entre les salariés du privé et du public." 

A noter également qu'"une réflexion et une concertation vont être menées pour mettre en place un dispositif équivalent et un financement dédié et adapté à la situation spécifique des travailleurs indépendants", précise Henriette Tidjine-Hmae, rapporteur public. Ce qui n'a pas manqué d'inquiéter Ithupane Tieoue, de l'Uni, là encore pour des questions de financement. 

Le texte dans son ensemble a tout de même été adopté à l'unanimité, malgré les inquiétudes de certains groupes. 

Des jours pour assister aux séances de préparation à la naissance

Le texte prévoit également que le père salarié ou le second parent bénéficie, comme la mère, d’une autorisation d’absence afin d’assister aux séances de préparation à la naissance et à la parentalité. Notamment lorsque ces séances ne peuvent avoir lieu en dehors des temps de travail. "Le bénéficiaire justifie auprès de son employeur, dans un délai de 48 heures, son absence par la remise d’un justificatif médical attestant de sa présence aux séances de préparation à la naissance et à la parentalité."

Un aménagement présenté comme une nouvelle possibilité pour les pères qui souhaitent s'impliquer davantage. Mais sans aucune obligation. "L’angoisse que le père va développer au moment de l’entrée en salle d’accouchement, ou en tout cas, du début du travail et de l’accompagnement de sa femme, y compris pendant la grossesse, s’il n’a pas la physiologie ou la compréhension de la grossesse, il ne va pas être en capacité d’aider au mieux", détaille Nadine Jalabert, du groupe Avenir en confiance. 

On s’est aperçu que les jeunes hommes n’avaient pas la connaissance du corps de la femme.

Nadine Jalabert, du groupe Avenir en confiance

Une mesure qui a fait réagir Ithupane Tieoue, du groupe Uni. "Il ne faudrait pas que des mesures que l'on prend ici créent d'autres inégalités. Je suis d'accord pour que les pères assistent à une séance de préparation à la naissance. Mais le papa qui est à Belep, à Lifou, ou ailleurs, est-ce qu'il pourra participer à cela ? (...) Le Grand Nouméa dispose de structures, mais sur la côte Est ? On manque déjà de sage-femmes... "

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