Une loi qualifiée d’"historique" par le président du Congrès, Roch Wamytan, avec des conséquences concrètes pour les entreprises calédoniennes. Ce travail a été porté pendant deux ans par Henriette Tidjine-Hmae, du groupe UC-FLNKS et nationalistes. "Les objectifs affichés par le projet de texte sont la lutte contre les stéréotypes de genre dans le milieu professionnel et la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes."
Et pour atteindre ces objectifs, plusieurs mesures très différentes ont été adoptées au Congrès jeudi 4 mai 2023. "C’est important d’utiliser le mot 'réelle', parce que les dispositions législatives existaient déjà sur la discrimination des genres. Par exemple, dans le cas d’une embauche d’une personne en voie de maternité. Là, on a renforcé les lois et on ne peut que s’en satisfaire", assure Guilaine Lombardet, secrétaire du bureau de l’UFFO, l’Union des femmes francophones d’Océanie.
Un vote à l’unanimité pour finir, mais non sans discussions, en particulier autour des modalités concrètes de leur mise en application dans le monde de l’entreprise.
Un délégué formé par l’entreprise
Parmi les avancées présentées et adoptées, la création de délégués à la lutte contre le sexisme (DLS). Aujourd’hui, le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est déjà compétent en la matière, mais ces questions ne sont que trop rarement traitées. "La présence d’un DLS répond à la nécessité de prévenir en interne les agissements sexistes, détaille le texte. Le délégué à la lutte contre le sexisme au travail met en place au sein de l’entreprise des actions de sensibilisation, d’information et de prévention à destination des salariés et dès lors qu’un besoin s’en fait ressentir. Ces actions doivent être réalisées au minimum deux fois par an."
Car c’est une réalité. Selon l’Isee, chez les salariés, une Calédonienne gagnait en 2021 en moyenne 8 % de moins qu’un homme. Un chiffre égal à celui de 2020. Cet écart étant plus important dans le secteur public que dans le privé.
Afin de pouvoir exercer ses missions, ce délégué bénéficiera d’une formation financée par l’employeur. Toujours selon le texte, "il produit des observations sur toutes les questions de lutte contre le sexisme et d’égalité professionnelle réelle, au cours de la négociation annuelle obligatoire, et réalise une enquête anonyme destinée à identifier les éventuels agissements sexistes au travail. Un arrêté du gouvernement déterminera les questions obligatoires."
Généraliser cet élan à la majorité des entreprises
Si, sur le papier, tous les groupes représentés au Congrès saluent l’initiative, certains d’entre eux ont questionné la taille des entreprises concernées par cette mesure.
Dans un premier temps, il était proposé que cette loi ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 50 salariés. Mais un amendement a été déposé pour l’étendre aussi aux structures de 11 à 49 employés. "En Nouvelle-Calédonie, une partie des entreprises, très majoritairement, ont moins de 50 employés. Donc l’idée, c’est de faire qu’une majorité des entreprises comprenne ce délégué, explique Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance. Et que cet élan sur la lutte contre le sexisme au sein de l’entreprise se généralise vraiment à la majorité des entreprises du territoire."
Thierry Santa, membre du gouvernement chargé du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, a précisé que l’avant-projet de loi du pays ne prévoyait même pas de seuil. La mise en place d’un seuil de cinquante salariés a fait suite à un souhait des employeurs émis lors des réunions de travail, notamment lors du conseil du dialogue social.
Selon les éléments transmis ce jour-là au Congrès, environ 150 entreprises comptent plus de 50 employés en Nouvelle-Calédonie et plus de 1000 sociétés emploient plus de 10 personnes.
On conçoit bien que plus l’entreprise est petite, plus c’est difficile de mettre en place ce type de délégué, mais ça nous semble vraiment une nécessité.
Virginie Ruffenach, présidente du groupe Avenir en confiance
"Des coûts financiers et en matière de ressources humaines"
De son côté, Françoise Suvé répond qu’elle comprend bien l’objectif visé par cet amendement, parlant elle aussi d’une "avancée historique". Mais la présidente du groupe les Loyalistes regrette les conséquences financières, et en matière de ressources humaines, "dans un contexte qui expose déjà nos entreprises à de nouvelles charges".
Le groupe s’est donc déclaré pour le maintien de cette loi dans les structures de plus de 50 salariés uniquement. Françoise Suvé a rappelé que certains patrons consultés lors des échanges préalables s’étaient même positionnés pour un seuil à 200 salariés.
Même inquiétude pour l’Uni, avec un avis mitigé sur ce seuil de 11 employés. Selon Ithupane Tieoue, de l’Union nationale pour l’indépendance, "cela viendrait alourdir les tâches des petites entreprises."
A noter que Milakulo Tukumuli, pour l'Eveil océanien, a également interrogé le gouvernement, sur les sanctions en cas de non respect de la mise en œuvre de ces délégués. Il lui a été répondu qu’il y aura bien un contrôle de la part de la direction du Travail, avec l’inspection du travail.
Pour cet amendement précisément, sur la taille de l'entreprise, les Loyalistes ont finalement voté contre et l’Uni s’est abstenue. Mais l’article dans son ensemble a bien été adopté.
Un salarié qui n’est pas protégé comme les délégués syndicaux
Dans les faits, ce délégué sera désigné par l’employeur. A noter, cependant, que "le DLS n’est pas un salarié protégé, à l’inverse des délégués syndicaux ou des délégués du personnel. Toutefois, le texte prévoit qu’il ne pourrait lui être reproché un fait en lien avec l’activité de délégué à la lutte contre le sexisme et de l’exercice de ses missions de prévention. En revanche, l’employeur garde son pouvoir de sanction en cas de fautes professionnelles."
"Tout savoir sur la loi du pays favorisant l’égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes", NC la 1ère vous propose une série de cinq décryptages :
- Bientôt des délégués à la lutte contre le sexisme dans les entreprises calédoniennes [1/5]
- Un plan d’action pour l’égalité professionnelle et une nouvelle mesure pour protéger les victimes de faits sexistes [2/5]
- Vers un assouplissement du congé maternité pour plus d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes [3/5]
- Enfin un congé paternité pour les pères calédoniens [4/5]
- Accompagner, au sein de l'entreprise, les victimes de violences intrafamiliales [5/5]