DOSSIER. Un plan d’action pour l’égalité professionnelle et une nouvelle mesure pour protéger les victimes de faits sexistes

Le sexisme au travail
"Tout savoir sur la loi du pays favorisant l’égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes" [2/5] . En plus de la création d'un délégué à la lutte contre le sexisme, deux autres nouvelles mesures font leur apparition au sein des entreprises calédoniennes : un plan d'action triennal pour les structures de plus de 50 salariés et la protection des salariés qui déposent plainte pour des faits de harcèlement ou de discrimination. Explications.

Après notre éclairage sur la création des délégués à la lutte contre le sexisme, voici deux autres mesures votées au Congrès le jeudi 4 mai 2023, dans le cadre de la loi du pays favorisant l’égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes. 

Un plan d’action pour l’égalité professionnelle dans les entreprises de plus de 50 salariés

C'est une tendance qui peine à s'infléchir : plus on monte dans l’échelle des postes, moins il y a de Calédoniennes. Selon la DTE, en 2020, seulement 42 % des cadres étaient des femmes. Elles s’effacent ensuite des postes de direction, où elles ne sont plus que 17 %. 

Parmi les mesures votées au Congrès, celle-ci concerne les entreprises de plus 50 salariés uniquement. L’employeur devra désormais procéder à une évaluation annuelle du respect de l’obligation d’égalité professionnelle dans son entreprise. "Dans l’hypothèse où cette obligation ne serait pas respectée, il est tenu d’établir un plan dédié à l’égalité professionnelle, tous les trois ans", prévoit le texte. 

Dans le détail, ce plan d’action pour l’égalité professionnelle vise :

  • à soutenir l’accès des femmes à l’emploi et aux postes à responsabilité notamment aux postes de direction,
  • à agir sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes à poste équivalent,
  • à sensibiliser et former les acteurs de l’égalité professionnelle sur la vie professionnelle des hommes et des femmes,
  • à lutter contre les stéréotypes de genre et promouvoir la mixité des emplois dans l’entreprise et à améliorer l’articulation de la vie privée avec la vie professionnelle.

A noter que le plan pour l’égalité professionnelle est déposé auprès de l’inspecteur du travail à des fins de contrôle et fait l’objet d’un affichage dans l’entreprise. "La méconnaissance de cette obligation d’établissement du plan est punie d’une amende administrative de 16 109 francs par salarié. En cas de récidive dans un délai de trois ans, le montant maximum de la pénalité est multiplié par deux", précise le texte.

"Beaucoup de souffrance"

S'il faut encore attendre qu'elle soit publiée au journal officiel, cette loi est d'ores et déjà bien accueillie par les associations. "Il faut vraiment faire un gros travail sur le harcèlement sexiste au travail. C’est indispensable. Parce qu'il y a beaucoup de souffrance. Ce n’est pas possible de laisser souffrir une femme parce que c’est une femme, réagit Guilaine Lombardet, secrétaire du bureau de l’UFFO, l’Union des femmes francophones d’Océanie. Il faut expliquer aux hommes, et pas forcément qu’aux hommes d’ailleurs, qu’une femme a toute sa place dans une entreprise et qu’elle peut apporter beaucoup, parce qu’elle a autant de savoir-faire qu’un homme."

Protéger les salariés d'éventuelles représailles

La seconde mesure a vocation à protéger la victime d’éventuelles représailles. Concrètement : le statut protecteur nécessite l’autorisation de l’inspecteur du travail pour procéder au licenciement de l'employé victime. Grâce à cette nouvelle loi, deux conditions peuvent déclencher la protection du salarié ou de la salariée.

La notion de salarié protégé s'applique au salarié ayant déposé plainte. Il faut qu’une plainte ait été enregistrée pour des faits de harcèlement, de discrimination liée au sexe, ou avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel. Deuxième possibilité, que le procureur décide d’engager des poursuites pénales ou de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites. 

A noter également qu'une condamnation pénale ou une mesure alternative aux poursuites prolonge le délai de protection de la victime d’un an. "Il a été également examiné avec attention les délais nécessaires pour les enquêtes lorsque les faits de harcèlement, de discrimination ou de sexisme au travail sont dénoncés, ajoute Henriette Tidjine-Hmae, du groupe UC-FLNKS et nationalistes, ainsi que les conditions dans lesquelles pouvait être assurée la protection des victimes salarié(e)s. Tout en veillant à [...] se prémunir de dérives éventuelles s’il devait être constaté de fausses plaintes."

Être vraiment du côté des victimes

Le sexisme et le harcèlement sont très peu dénoncés, selon Maud Le Bar, qui propose des sensibilisations à la lutte contre le sexisme aux entreprises calédoniennes. "Il n’y a que 4 % des femmes victimes de harcèlement sexuel qui vont porter plainte. C’est difficile parce qu’effectivement, il y a la peur des représailles. Mais il y a différentes sortes de représailles. Il y en a de très concrètes comme la peur de se faire licencier et il y a des représailles plus sociales."

Dénoncer, c’est toujours compliqué parce qu’on peut être pointée du doigt, être exclue socialement.

Maud Le Bar, formatrice contre le sexisme en entreprise

Mais pour cette professionnelle, il faut aller plus loin. "Je pense qu’il faut que ça s’accompagne d’une vraie réflexion sur le sexisme dans l’entreprise. Pour moi, c’est un point de départ, mais il faut réfléchir à comment on protège les victimes de sexisme dans l’entreprise en étant aussi vraiment de leur côté. Il faut qu’il y ait une vraie écoute. Mais au moins, ça met le doigt sur le fait que les victimes doivent être protégées. Symboliquement, c’est important."

"Harcèlement sexuel" et "agissements sexistes"

A noter également que cette nouvelle loi prévoit de compléter le code du travail par l’inscription de la définition de "l’agissement sexiste", alors que jusqu'ici seule la notion de "harcèlement" était prise en compte. "C’est une avancée, parce que ça permet de rendre compte de toutes ces petites choses qui semblent anodines ou banales dans le quotidien et qui en fait ont des répercussions sur un sexisme ambiant. Ce que ne permettait pas forcément la notion de 'harcèlement sexuel', analyse Maud Le Bar. La notion d’agissement sexiste est un peu plus large et elle permet de traiter le sexisme ordinaire. Et puis ça met le doigt sur la notion de sexisme qui est la base de tout un tas d’agissements problématiques."

 

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