ENQUÊTE. Des élevages à l’assiette, la filière viande calédonienne dans la tourmente

Des bovins dans un élevage calédonien.
La consommation de viande a baissé de 30% depuis le début de la crise en Nouvelle-Calédonie, selon l'Interprofession viande. Et ce alors que les exploitants font face à d’importantes difficultés de transport et d’abattage, qui engendrent un important surcoût.

Le moral n’est pas au beau fixe dans les pâturages calédoniens. A la sécheresse qui s’installe, s’ajoutent les conséquences des émeutes et des barrages routiers de ces derniers mois qui ont totalement désorganisé la filière. 

La difficile reprise du transport d’animaux 

Si, sur le front du transport, les choses s’améliorent petit à petit, l’Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique (Ocef), en charge de l’abattage des animaux n’a pas encore pu se rendre sur la partie de la côte Est comprise entre Poindimié et Houaïlou. Mais le principal point noir demeure le Grand Sud. Or, c’est à Mouirange que se trouve l’un des principaux élevages calédoniens de porc. Une fois par semaine, la bétaillère de l’Ocef embarque donc sur une barge à destination de l’exploitation de Sylvie Birot-Di Falco. Le problème, c’est que "la barge embarque 70 porcs tous les quinze jours, alors qu’habituellement j’envoie 43 par semaine à l’Ocef”, raconte l’éleveuse qui fait face à un surcoût important. Une nouvelle rotation devrait toutefois être mise en place courant octobre, ce qui permettra, espère Sylvie Birot-Di Falco, “de maintenir l’entreprise à flot et de garder mes salariés.” 

Embouteillage pour l’abattage 

La production bovine n’est pas épargnée par les difficultés de transport, qui ont entraîné un retard d’abattage. “Tous les éleveurs ont besoin que l’on rattrape le retard pris en mai-juin, mais on a dû prioriser le porc, car c’est pour cette filière que la situation était la plus critique”, estime Adeline Cretin, directrice par intérim de l’Ocef, qui espère que le retard pris sera résorbé au plus tard d’ici au mois de janvier.  

En attendant, les animaux restent dans les prés, entraînant une perte de revenus pour les producteurs, qui en plus risquent de voir leurs bêtes maigrir et se déprécier du fait de la sécheresse et des incendies qui mettent à mal les réserves de fourrage. 

Moins de viande dans les assiettes 

Pour ne rien arranger aux affaires des éleveurs, la crise “a entraîné une baisse de la consommation d’environ 30%. Et il n’y a pas de rattrapage de la consommation”, note Guy Monvoisin, le président de l’Interprofession viande.  

Avec huit boucheries détruites ou fermées, le principal atelier de découpe incendié, “il y a eu un écroulement et une désorganisation totale du marché”, reconnaît Adeline Cretin. Et si la normalisation est en cours, le marché est toujours à la baisse, alors pour éviter un impact trop important sur les producteurs, “nous avons limité les importations et nous constituons des stocks de viande locale”, indique Adeline Cretin.  

il y a eu un écroulement et une désorganisation totale du marché

Adeline Cretin, directrice par interim de l'Ocef

L’abattage hors Ocef, une solution ?  

Pour pallier l’immobilisation forcée des camions de l’Ocef, certains éleveurs de brousse ont été autorisés temporairement à abattre eux-mêmes leurs animaux. Une option que certains voient comme la solution aux problèmes combinés d’approvisionnement et de vie chère. “Pour nous, c’est un avantage de passer directement par l’éleveur, assure Patrick Watanabe, boucher à Poindimié. Comme l’on est sur un circuit-court le prix est plus intéressant, ce que l’on peut répercuter sur le prix sur nos étals.” 

Mais pour Guy Monvoisin, président du Syndicat des éleveurs bovins et de l’interprofession viande, c’est une fausse bonne idée. “Ce n'est pas parce que l’on va mettre un petit abattoir quelque-part en Brousse, qu’au bout du compte on va vendre de la viande”, pointe Guy Monvoisin qui estime pour sa part que la priorité est de maintenir le volume et la qualité de la production pour ne pas affaiblir la filière.