Entre la Chine et les Etats-Unis, un climat de guerre froide nuisible au nickel calédonien

L'hôtel du Capitaine Cook à Anchorage en Alaska, où s'est déroulée une rencontre tendue entre délégations américaines et chinoises

La filière des batteries électriques, en Europe et aux Etats-Unis, est renforcée par la reprise de la production de l’Usine du Sud en Nouvelle-Calédonie. Mais le nickel illustre aussi les tensions entre chinois et occidentaux.

La ville d’Anchorage en Alaska, avec ses températures polaires, tournée vers le Pacifique, a servi de décor adapté au climat de guerre froide qui règne entre la Chine et les Etats-Unis. Les deux pays, ont conclu vendredi deux jours de discussions "dures" mais "constructives" qui ont donné lieu au déballage inédit de leurs profonds désaccords, à l'image des tensions militaires et de la confrontation commerciale sans merci entre les deux premières puissances mondiales.

Les délégations chinoises et américaines face à face à Anchorage en Alaska.

Symbole de ces tensions, la mer de Chine où s’observent désormais quotidiennement navires de guerre chinois et occidentaux. Cette route maritime, voit se croiser les exportations chinoises d’acier ou de batteries électriques, et les importations de matières premières venues d’Australie, d’Indonésie ou de Nouvelle-Calédonie pour le nickel. "Il y a une montée en puissance des tensions militaires dans la région qui s’ajoutent aux conflits commerciaux et ce sont les matières premières qui sont en première ligne" a estimé Philippe Chalmin, économiste et historien, fondateur du cercle Cyclope.

Chasseur F16 taïwanais escortant un bombardier à capacité nucléaire chinois H-6K dans le détroit de Formose.

Jeudi soir, après les durs échanges verbaux entre les délégations américaines et chinoises à Anchorage, les cours des matières premières avaient baissé par peur du risque ; ainsi pour le nickel qui était passé sous le seuil des 16.000 dollars la tonne.

Mais vendredi, oubliant le sommet américano-chinois de l’Alaska, les analystes londoniens prenaient connaissance, positivement, de l’information publiée par Nouvelle-Calédonie la 1ère annonçant la reprise progressive de l’activité de l’Usine du Sud (Goro Resources). Le nickel hydroxyde cake produit par le grand complexe industriel calédonien, l’un des plus importants au monde, est le principal composant utilisé dans l’industrie des batteries rechargeables, celle des véhicules électriques. La production serait principalement destinée aux constructeurs occidentaux. Elle n’irait pas en Chine…"L’Usine du Sud a produit 23.400 tonnes de nickel en 2019. Elle a la capacité de produire jusqu’à 60 000 tonnes par an de NHC" a rappelé Anna Stublum, stratégiste de Marex Spectron.

« Les opérations de lixiviation du nickel à l’acide, comme à Goro en Nouvelle-Calédonie, sont toujours bien meilleures pour l’environnement que la production de nickel par une filière de fonte ». 

Lyle Trytten, expert canadien du nickel (Trytten Consulting Services)


Faut-il y voir un signe ? Les tensions qui opposent d’un côté les Etats-Unis et leurs alliés, et de l’autre la Chine, ne sont pas absentes non plus de la bataille qui se livre autour du nickel de la transition énergétique. Comme en réponse à la participation de l’Américain Tesla au renouveau de l’usine calédonienne, le conglomérat chinois Tsingshan a annoncé qu’il disposait d’une alternative pour fournir du nickel au marché des voitures électriques. Du nickel de qualité batterie à partir de Nickel Pig Iron, un processus métallurgique qui est critiqué pour son impact environnemental. "C’est cette information qui a entraîné la baisse substantielle du prix du nickel", a rappelé le Metal Bulletin de Londres. Comme une illustration de la "compétition rude" qui oppose la Chine et les occidentaux, selon les termes utilisées par la délégation américaine à Anchorage.

Usine du Sud (nickel et cobalt) Vale Nouvelle-Calédonie

Cours du nickel au LME de Londres 16.262 dollars/tonne +1,56 % (-17,24 % sur un mois)