Crise en Nouvelle-Calédonie. Carnaval annulé, Salon du livre repensé… Le point sur le calendrier culturel et festif pour ces prochains mois

Carnaval de Nouméa 2023, des méduses comme échappées d'Avatar se sont glissées dans la troupe de l'association afro-caraïbe.
La situation encore instable en Nouvelle-Calédonie, mais aussi les contraintes économiques et budgétaires qui en découlent, contraignent les organisateurs à changer leurs plans. Carnaval, festivals, Salon du livre… Alors que des événements culturels et festifs se succèdent à nouveau, d'autres ont été annulés ou doivent se transformer. Tour d'horizon.

Avec ses milliers de chineurs, le rendez-vous est d'envergure. Trois mois après, le vide-greniers du centre-ville réinvestit la place des Cocotiers, ce dimanche, de 7h30 à 12h30. "On attendait d'avoir les indicateurs au vert", indique Marc-Olivier Vergé, secrétaire général adjoint à la mairie de Nouméa, en charge du pôle vie locale. Il recommencera ensuite à avoir lieu chaque premier dimanche du mois.

Pas de carnaval cette année

Le carnaval, lui, ne se fera pas. Les troupes ont été prévenues fin juillet. La trente-sixième édition de ce grand événement populaire, qui rassemble "près de 25 000 spectateurs" selon les organisateurs, devait se dérouler le samedi 7 septembre. Il était annoncé sur le thème de la créativité, avec cette année un défilé entre le rond-point de N'Géa et le parc urbain de Sainte-Marie. Mais ça, c'était avant les émeutes et la grave crise calédonienne. 

Dans le sillage des troubles qui ont éclaté à la mi-mai, il n'y a pas eu de fête des quartiers le 25 mai. Pas de défilé aux flambeaux autour de la place des Cocotiers à la veille du 14-Juillet. Ni de deuxième festival de Nouméa, ce rendez-vous biennal dédié aux arts de la rue, qui était programmé du 26 au 28 juillet. Et le bouleversement du calendrier culturel et festif va s'inscrire dans la durée. 

À l'intérieur de la médiathèque de Kaméré

À Nouméa, "toute la saison événementielle est annulée"

"Concrètement, toute la saison événementielle est annulée, résume le secrétaire général adjoint. Au début, c'était lié aux conditions sécuritaires." Dans une ville longuement secouée par les violences, les exactions et les entraves à la circulation, comment envisager, par exemple, de maintenir le 170e anniversaire de la commune le 25 juin à Magenta ? Avec le couvre-feu, qui plus est. Un trait est aussi tiré sur les animations qui étaient organisées dans les équipements aujourd’hui ravagés - médiathèque de Rivière-Salée, maison de la famille juste à côté, médiathèque de la Presqu’île à Kaméré.

"On a passé un autre cap", celui de la situation budgétaire

"Là, on a passé un autre cap, continue Marc-Olivier Vergé, qui est la situation budgétaire que nous traversons." Fin juin, la maire, Sonia Lagarde, estimait à huit milliards de francs Pacifique "au bas mot" le montant des dommages subis par Nouméa. Elle annonçait aussi que dans l'état des caisses communales, le paiement des salaires n'offrait pas de visibilité au-delà de juillet. Avec une trésorerie limitée, l'argent est d'autant plus compté. La Féérie de Noël tant appréciée, avec ses spectacles gratuits d'artistes internationaux et locaux, sa fête de la lumière et son grand feu d'artifice, ne se fera pas en l'état. Seules des "poches de budget" ont été maintenues pour ces festivités de fin d'année.

Les arbres de la place des Cocotiers parés de lumière, durant la Féérie 2023, à Nouméa.

Quid des spectacles en salle ?

Les actions en régie, avec les moyens humains et matériels dont dispose la ville, sont privilégiées aux prestations extérieures. De ce fait, le centre d’Art, qui a sa billetterie et ses agents, pourrait reprendre une programmation au théâtre de Poche. "Nous sommes en train d'étudier le fait de pouvoir la remettre en place", signale le secrétaire général adjoint. "Peut-être en septembre, tout dépend des compagnies."

Au Mont-Dore aussi, le centre culturel de la ville est susceptible de reprendre des spectacles d’ici quelques semaines, rien de garanti à ce stade.

La volonté de maintenir Noël

Pour le reste, tous les événements mondoriens ont été annulés jusqu’à la fin de l’année, dit la mairie, "à l’exception des festivités de Noël, qui seront redéfinies". L’exécutif devrait prendre une décision d’ici septembre. Il n’y a pas eu la fête de la musique le 21 juin, ni la grande fête du sport et des associations les 13 et 14 juillet. Pour 2024, on oublie la fête du ukulele en septembre, la fête des animaux en octobre et la soirée d’Halloween qui devenait un incontournable, au parc de Plum.

À Dumbéa, "pour l’instant, toutes nos opérations majeures sont annulées (Big up day, festival en quartier), à l’exception des festivités de Noël…", indique la mairie.

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Celle de Païta a de la visibilité… pour le mois d'août. Un "marché solidaire" a été lancé et s'il se passe quelque chose à l'Arène du Sud, il s'agit de la braderie mensuelle. Elle reprend le dimanche 25 août, de 9 heures à 13 heures. 

En revanche, l’Arène n’accueillera pas le nouveau spectacle de l'hypnotiseur Messmer le 27 septembre (il est reporté), ni "The Dire straits expérience" le 25 octobre (il est annulé)…

Annulation des "Francos"

Comme vient d'être annulé l’un des grands événements musicaux de l’année : les Francofolies de Nouvelle-Calédonie, programmées les 20 et 21 septembre au centre Tjibaou. L’organisateur invoque les questions de sécurité. "C’est la principale raison. Sécurité pour le public et pour les artistes. Quand on organise un événement comme celui-là, on a besoin de certitudes", a expliqué le directeur du festival, Chris Tateossian, à NC la 1ère. "Même s'il y a des améliorations, on n'est pas certains que tout soit réglé d'ici le mois de septembre."

Retrouvez son entretien avec Medriko Peteisi, le 30 juillet

Le Silo prendra une autre forme

Grand rendez-vous culturel calédonien, le Salon international du livre océanien se maintient. Mais sa quinzième édition ne se déroulera pas telle qu'elle était prévue, fin octobre, sur les installations du Creipac à Nouméa. "Il y aura un Silo, sous une autre forme, plutôt de proximité, avec un budget réduit", avance Alice Pierre, directrice de la maison du Livre qui l'organise. "Nous sommes en train de réfléchir à une édition plutôt hors les murs et plutôt en décentralisation." Un aspect qui était déjà décliné, mais serait poussé à fond. Et a priori sans invités extérieurs.

"Nous avons envisagé de l'annuler. Mais dans le livre calédonien, on a énormément de réponses et de questionnements. Le livre est un moyen de se parler, de connaître son histoire, de partager. Il semblait que c’était, non pas la réponse, mais une réponse, à la crise qu'on traverse."

Le festival de La Foa a changé de format

Le vingt-sixième festival du cinéma de La Foa devait, lui, se dérouler du 28 juin au 7 juillet. Il prend une toute autre forme, étalée sur plusieurs semaines. Une partie de ce qui devait être la sélection internationale est ainsi programmée au Cinécity de Nouméa, depuis juillet, dans le cadre du "cinéma d'ici et d'ailleurs". Les concours destinés à valoriser les réalisations calédoniennes se joueront début septembre : jeunes talents, courts-métrages, très courts et clips. Sans oublier les aides à de futurs projets (Courts contre la montre et aide à la création de musique de film).

 

La Première séance tient bon la toile

Le festival La Première séance vient pour sa part d'annoncer sa tenue. Dédié au cinéma jeunesse, il est porté par l’association Jeunes & toiles avec la ville de Nouméa. Rendez-vous du 4 au 12 octobre, toujours pendant la première semaine de vacances, toujours au Rex, pour des projections adaptées à l’âge des petits spectateurs et toujours proposées à 200 F. "On a eu le feu vert de la mairie la semaine dernière", précise Hélène Singer, coordinatrice de Jeunes & toiles. "C'est une prise de risque. Mais on est très contents et très soulagés de pouvoir maintenir le festival."

La question des subventions

Cette édition va être organisée sur fonds propres, en attendant que la ville de Nouméa puisse lui verser un financement. "Nous avons la garantie que nous aurons nos subventions", cela a été conventionné avant la crise, "mais on ne sait pas à quel moment de l'année". Il a donc fallu réduire le budget 2024. Moins de projections, moins de films pour les adolescents dans une programmation recentrée sur les plus jeunes, et pas de séance le soir - pas si sûr, d'ailleurs, que les familles soient prêtes à se déplacer de nuit. L'association a également cherché à mutualiser avec d'autres acteurs de la culture. En intégrant des créations qui étaient prévues pour le festival de Nouméa, par exemple. 

Une saison à "repenser"

Du côté de Nouville, le théâtre de l'Île a annoncé fin juin l'annulation complète de sa saison telle qu'elle était programmée avant la crise. En ouvrant une porte sur l'après. "Toute l'équipe a besoin de repenser l'activité et de vous laisser le temps de l'envie. Nous travaillons sur d'autres propositions afin de soutenir la création locale", a fait savoir son directeur, Dominique Clément-Larosière. "Il n'y aura donc pas de spectacles avant la fin du mois de septembre, au mieux." Dans l'intervalle, la structure accueille des artistes locaux en résidence.

Au château Hagen, site de la province Sud à Nouméa, la partie exposition est maintenue mais pas de spectacle en extérieur pour l'instant. Illustration d'une saison encore existante, mais en mode dégradé.

Le Conservatoire s'est adapté

Le Conservatoire de musique et de danse a quant à lui recommencé à proposer des dates. Les spectacles internationaux tels que Les Fables de La Fontaine (le 13 juillet) ou le récital Piano et violon (fin août) ont été annulés, à la fois pour préserver les artistes de la crise calédonienne et pour réaliser des économies. Mais plusieurs événements restent à venir. Comme les concerts Piano, cordes et chausson (le 24 août) ; Lied, mélodie et romantisme (le 7 septembre) ; et Australiana (le 26 octobre). Ou encore le spectacle de danse Le Fil rouge, déplacé du centre Tjibaou à l'auditorium du Conservatoire, les 16 et 27 novembre.

"Nous avons dû tout réadapter, certaines dates, les horaires, les budgets", souligne Linda Kurtovitch, coordinatrice des actions culturelles et pédagogiques. "Mais nous tenons bon, grâce à l’énergie des artistes et de nos équipes."

>> Retrouvez ici le second volet, consacré aux foires et autres salons