Crise en Nouvelle-Calédonie : des foires, fêtes et salons remis en question

Une tête de bétail à la foire de Koumac et du Grand Nord.
Avec la situation encore instable en Nouvelle-Calédonie, mais aussi les contraintes économiques et budgétaires qui en découlent, rien n'est acquis, pour les foires, fêtes agricoles et salons professionnels qui rythment d'habitude la deuxième partie de l'année. Tour d'horizon.

La quatorzième foire du Pacifique se confirme pour les 4, 5 et 6 octobre, à Nouméa. Ça n'était pas garanti, vu le contexte actuel et le dimensionnement de l'événement, qui réunit sur les parkings de la Moselle environ 250 exposants et vingt mille visiteurs. "On a eu un avis favorable de la mairie de Nouméa", se réjouit donc Bruno Aurélio, en ce début août. Le gérant de la société Pacific fair peut se lancer dans l'organisation à proprement parler d'une foire qui va s'adapter à la situation.

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Une édition spéciale de la foire du Pacifique

"Ça se met en place", un peu plus tard que d'habitude. Au moins le rendez-vous est-il maintenu, avec la promesse d'animer le centre-ville, d'offrir une sortie au public et de générer des bénéfices bienvenus pour les participants. "On est obligé de baisser le tarif des emplacements", précise l'organisateur, afin de prendre en compte les difficultés financières des professionnels de toutes sortes. "J'ai pris la décision de ne pas avoir un invité d'honneur mais de mettre à l'honneur la Nouvelle-Calédonie", annonce-t-il aussi, tout en assurant que des délégations sont attendues de l'extérieur, de Vanuatu ou de Fidji.

La Foire du Pacifique 2023 mettait à l'honneur les Fidji.

Dans l'intervalle, la société avait lancé de nouveaux rendez-vous. Un marché solidaire au centre commercial Les Halles de Magenta - "ça a tellement bien fonctionné qu'on va le faire tous les mois" - et un "Art and food market" à l'Art factory. Ce marché décrit comme "haut de gamme" est prévu les 7 et 8 septembre, autour de "valeurs sures" telles que l'artisanat, la mode et l'épicerie fine. "Il faut se réinventer !", lance Bruno Aurélio. 

La maison des Artisans compense les salons annulés

C'est ce que fait la Chambre de métiers et de l'artisanat, avec sa maison des Artisans, pour continuer leur mission commune : mettre en valeur les savoir-faire de ces professionnels et défendre leurs intérêts. Le premier événement organisé depuis la mi-mai aura lieu du jeudi 15 au dimanche 18 août. Entre-temps, le Salon des artisans d'art qui coïncide avec la fête des mères a été annulé, il devait avoir lieu la semaine où les émeutes ont éclaté. Le trente-et-unième Salon du jardinage et de la motoculture ne s'est pas fait non plus, début juillet, au parc des expos voisin, qui a été utilisé dans le cadre du déblayage des routes. 

Un effort sur le prix des emplacements

Qu'à cela ne tienne, explique Bertrand Vanhalle, responsable de la maison : "Nous avons créé un salon qui s'appelle le Salon des artisans calédoniens. Il va regrouper des artisans d'art, des exposants qui ont l'habitude de faire le Salon du jardinage, un petit peu d'habitat et un peu d'alimentaire." Il évoque environ 80 exposants disséminés dans le bâtiment, sur ses pelouses et ses parkings. "On a tablé sur un salon assez générique qui permet d'exposer à ceux qui n’ont pas eu l'occasion d'avoir une manifestation." Avec un effort important pour diminuer le tarif des emplacements.

Charcuterie préparée par les apprentis de la Chambre de métiers, lors du Salon saveurs et traditions 2019.

Manque de visibilité

Ensuite, "on va reprogrammer le Salon saveurs et traditions" dont la sixième édition aurait dû se dérouler du 18 au 21 juillet. Ce sera du 29 août au 1er septembre. "Pour le reste du calendrier, on reste comme ça, ajoute Bertrand Vanhalle, sachant que Bât expo était annoncé du 25 au 27 octobre. "Mais nous n'avons pas vraiment de visibilité." Ni sur le contexte général, ni sur la disponibilité du terrain qui sert de parc des expos. À noter aussi, fin septembre, le salon organisé par l'Association des métiers d'art calédonien.

La fête agricole de Pouembout pensait déjà à changer de mois

Sur le terrain des foires agricoles, gros changement. La première de l'année, et a priori la seule du Nord, sera la fête agricole de Pouembout. Après les quelque quatre mille visiteurs de l'an dernier, sa dixième édition aura lieu le samedi 12 octobre, de 8 heures à 19 heures, sur le site de l'ancien hippodrome. Auparavant, elle avait lieu début septembre. "On avait déjà pris la décision d’échanger sur la date, pour ne pas tomber entre les deux grandes foires" de Bourail et de Koumac, précise Frédéric Bloc qui préside le Cofap, le comité organisateur de cette fête. "On a décalé au mois d’octobre pour avoir une foire par mois."

La fête agricole de Pouembout s'est faite une place entre la foire de Bourail et celle de Koumac.

"On sera pour une fois la première foire" agricole 

Sauf qu'avec la crise, la foire de Bourail qui se tient toujours à la mi-août a été reportée. Et l'édition 2024 de la foire de Koumac, prévue du 20 au 22 septembre, a été annulée. "Cette décision difficile a été prise en raison du contexte économique actuel", a expliqué un communiqué daté de juin et signé par le président du comité de foire, Christophe Chiara. "Nous avons longuement étudié toutes les possibilités avant d'arriver à cette conclusion, mais la sécurité et le bien-être de nos exposants, visiteurs et de toutes les personnes impliquées restent une priorité absolue." D'où cette observation de Frédéric Bloc, concernant la fête agricole de Pouembout : "On sera pour une fois la première foire…"

Des sponsors habituels en grande difficulté

Concernant les éventuelles incertitudes, une réunion s'est tenue avec la mairie. L'organisation de la fête agricole a été confirmée, pour changer les idées de la population comme pour écouler les produits des maraîchers et autres agriculteurs de la région. Mais elle aussi devra s'adapter. Surtout quand les principaux sponsors de cet événement à l'entrée gratuite sont d'ordinaire Koniambo Nickel, qui prépare un vaste plan social, et la Société Le Nickel, en très grande difficulté.

"On a été obligés, au niveau du budget, de réduire à droite à gauche", détaille le président du comité organisateur. Pour économiser sur l'éclairage, par exemple, "on a avancé le rodéo, il sera en journée, et la fête se finira à 19 heures au lieu de 23 heures." 

28 000 visiteurs se sont rendus à l'édition 2023 de la foire de Bourail.

La foire de Bourail vise les 9 et 10 novembre

Quant à la foire de Bourail, les membres de son conseil d'administration ont souhaité l'organiser les 9 et 10 novembre, comme ils l'ont confirmé fin juillet à Claudette Trupit sur NC la 1ère. "On met cette date avec quelques guillemets", modère toutefois Enzo Tavergeux, deuxième vice-président du comité. "Parce que même si on exprime cette volonté, on attend bien sûr de voir si le climat sécuritaire du territoire nous permet de la tenir. Si, malheureusement, il était impossible de circuler, ou autre, on prendrait une décision, sûrement, pour l'annuler." 

La première manifestation agricole et artisanale de Calédonie a décompté environ 28 000 visiteurs l'an dernier. Et au-delà de son côté populaire, rappelait le président du comité fin juin, elle génère "600 millions de retombées" pour le pays.

Il faut réduire la voilure

Trente millions de francs Pacifique sont dédiés au budget de cet événement annuel, porté par une vingtaine de bénévoles. Une somme qui sera revue à la baisse, après désistement de certains partenaires. La mairie de Bourail a par exemple annoncé qu'elle ne pourrait pas allouer les 800 000 F de subvention. Même si d'autres se maintiennent, le comité devra réduire la voilure. La foire se tiendrait sur deux jours au lieu de trois. Une quarante-septième édition placée sous le signe de la solidarité et de la résilience.