"Femme d'esprit et d'histoire", "féministe kanak", "pionnière de la littérature" : réactions après le décès de Déwé Gorodey

Institutions de la Nouvelle-Calédonie, partis, députés, enseignement, monde littéraire... Les paroles s'enchaînent, après la mort, ce week-end, de l'auteure et femme politique Déwé Gorodey au terme d'une longue maladie.

Avec Déwé Gorodey, une femme connue pour ses engagements, ses textes et son parcours politique s'est éteinte dimanche 14 août. Tour d'horizon des réactions suscitées par cette disparition (mise à jour au fur et à mesure).

Louis-José Barbançon, historien : "elle a été un phare"

L'historien se souvient de "la militante anticolonialiste, également "amoureuse de la littérature française et des grands écrivains. C’est cette image que je voudrais garder parce que, pour nous, elle a été un phare."

La réaction de Louis-José Barbançon au micro de Marguerite Poigoune

Rima Abdu Malak, ministre de la Culture : "Une femme-monde"

La membre du gouvernement Borne II décrit entre autre "une femme-monde qui dans L'Epave, premier roman kanak publié en 2005, dira sans fard, courageusement, le désarroi des femmes, abusées, brisant le silence autour des violences sexuelles. Une femme fière et généreuse à qui rendre hommage aujourd'hui est un devoir et un honneur."

Daniel Goa, président de l'UC : "Elle laisse un héritage commun"

"Elle laisse derrière elle un héritage commun à tous les enfants de ce pays, car en tant qu’écrivaine, elle a surmonté les barrières de l’écriture. En tant que femme, elle bravé les préjugés. En tant que politique, elle a imposé ses convictions pour voir naître l’indépendance de son pays", réagit l'Union calédonienne par communiqué. "Elle a milité pour l’entrée des femmes en politique. Avec son franc-parler et sa force de caractère, elle s’est frayée le chemin d’une femme de poigne au sein d’un monde pourtant, encore hostile, à l’arrivé des femmes dans le débat public. Au sein de la grande famille indépendantiste, Déwé savait se faire entendre et se faire respecter."

Palika : "Un parcours de vie marqué par la volonté d’égalité et de liberté"

Dans un communiqué, le bureau politique de son parti, le Palika, salue et remercie une "militante féministe engagée dès la première heure pour l’accession de Kanaky-Nouvelle-Calédonie à l’indépendance". Une "figure du combat politique pour l’indépendance, qui aura consacré sa vie à la cause des femmes kanak et calédoniennes. Elle a participé à l’avènement de la culture kanak et Océanienne comme socle du destin commun pour un pays indépendant et souverain. Son parcours de vie a été marqué par la volonté d’égalité et de liberté qu’elle a toujours fait transparaître dans ses écrits, dans sa vie d’enseignante et de femme engagée politiquement."

Gilbert Bladinières, éditions Madrépores : "respectée, célébrée, étudiée"

"La Nouvelle-Calédonie perd sa plus grande figure culturelle. Respectée sur le plan local pour ce qu’elle a accompli et son chemin militant ; célébrée sur le plan régional et international pour sa personnalité et son travail ; étudiée à travers le monde pour son écriture singulière dans les sections littéraires de grandes universités (…) En 2008, Jean-Marie Gustave Le Clézio, recevant le prix Nobel de littérature, l’associait à d’illustres auteurs français, ultramarins ou internationaux qui l’ont accompagné dans son chemin d’écriture."

Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie : "Respect et merci"

"Respect pour ton combat politique et ton engagement pour ton peuple, merci pour ton engagement en faveur de l'égalité des femmes kanak et de toutes les femmes dans la société, merci pour tes ouvrages courageux et sensibles sur ce pays que tu nous a appris à connaître, merci pour la culture avec le Silo que tu as créé et qui est aujourd'hui menacé sur l'autel de l'argent", écrit Alexandre Rosada, président de l'Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie.

Louis Mapou, président du gouvernement : "C’est un long parcours"

"Je suis très affecté parce que c’est un long parcours. C’était quelqu’un qui était, dans son engagement, animé par une fidélité à deux choses : la liberté, la liberté de choisir, la construction de toutes les conditions pour que chaque individu puisse avoir le choix de ce qu’il a envie, de ce qu’il peut faire, et c’est aussi un esprit de liberté qui était au cœur-même  de son engagement pour l’émancipation de la culture kanak."

Recueilli par Thierry Rigoureau et Sylvie Hmeun :

©nouvellecaledonie

En tant que membre du gouvernement, cette femme de lettres a permis la création de la Maison du livre, le Pôle d’export de la musique et des arts de Nouvelle-Calédonie, la Case des artistes, la structuration du réseau de lecture publique, la création des maisons de la femme, du salon du livre océanien (Silo), le projet artistique et culturel du médipôle, pour ne citer que quelques exemples.

Communiqué du gouvernement

Roch Wamytan, président du Congrès : "Un parcours exceptionnel"

"Déwé était son deuxième prénom, Gorodey (ou Gorodé) son nom de jeune fille, qu’elle avait choisi de porter dans sa vie publique. (…) Tout au long de sa vie, ses engagements politique et culturel seront menés de front avec force, détermination et cohérence pour signer un parcours exceptionnel."

Aloisio Sako, bureau politique du FLNKS : une "vie de luttes"

"Elle nous quitte mais nous lègue un héritage conséquent, celui de la valorisation des langues kanak et des signes identitaires, la reconnaissance de la culture kanak et la lutte pour l’indépendance de notre pays (…). Que cette vie de luttes reste dans les mémoires et que chacun puisse s’en imprégner. (…) Le FLNKS rend hommage à cette femme de convictions, cette femme d’esprit et d’histoire, cette femme d’engagement et de rêve mais surtout le FLNKS  honore la mémoire de cette dame qui aura marqué de son passage fugace sur Terre, l’histoire de notre Kanaky Nouvelle-Calédonie." 

Exécutif provincial Sud : "Elle s’attacha à faire bouger les choses et les lignes"

"Déwé Gorodey aura mené tous ses combats avec dignité et sincérité tout en respectant les convictions des autres. A ce titre, elle fut un modèle. Dès la création du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par l’Accord de Nouméa, elle en fut un membre actif et d’une longévité inégalée. Ça n’est que la maladie qui en 2019 la contraignit à se retirer de la vie politique publique. Dans les fonctions qu’elle occupa, comme vice-présidente ou comme membre du gouvernement en charge des femmes, des affaires coutumières et de la culture, elle s’attacha à faire bouger les choses et les lignes."

Philippe Dunoyer, député de la première circonscription : "Une rare personnalité"

"Admirable par son engagement infatigable tant dans son combat politique que pour les causes qu’elle a défendues toute sa vie, Déwé incarnait pour moi la droiture, la simplicité, la fidélité à ses convictions et le courage (notamment dans son combat contre la maladie). Elle était une femme d’esprit et une femme forte, à la personnalité attachante et au caractère bien trempé, dévouée à l’intérêt général et à la défense sans faiblesse de la condition des femmes calédoniennes. Toujours avec ce sourire inimitable et ses yeux malicieux. Une rare personnalité."

Propos recueillis par Caroline Antic-Martin et Claude Lindor :

©nouvellecaledonie

Nicolas Metzdorf, député de la seconde circonscription : "Un bon souvenir"

"Nous nous étions rencontrés à mes débuts en politique, elle m'avait reçu avec le collectif pour un drapeau commun. Elle n'avait pas forcément la même vision des choses mais elle avait tenu à nous rencontrer afin d'échanger sur le sujet. Je l'ai retrouvée bien plus tard lorsque nous avons siégé ensemble au gouvernement. Avec toujours beaucoup de bienveillance à mon égard alors que j'étais benjamin du gouvernement, je garde un bon souvenir de ma relation avec elle."

Jean-Louis d’Anglebermes, président du Cese-NC : un "soutien sans faille"

"Elle a travaillé sur deux dossiers particulièrement importants : l’enseignement des langues kanak et les signes identitaires dont elle présidait la commission, et qui a notamment permis l’adoption par le Congrès d’un hymne et d’une devise, 'Terre de parole, terre de partage'. Elle est à l’origine de la création de l’ALK (Académie des langues kanak), du lancement de la Fête de la citoyenneté chaque 24 septembre et de l’installation d’une Maison de la condition féminine à Ponérihouen. Le Césé a pu compter sur [son] soutien sans faille lors des autosaisines sur la condition féminine, notamment sur celle intitulée  'gouvernance des femmes calédoniennes : le pouvoir décisionnel'."

Alcide Ponga, Rassemblement-LR : "Ces anciens qui ont fait les choses après les Signataires"

"Les figures politiques d’un côté comme de l’autre [nous ont inculqué] la façon de faire de la politique. (…) On n’a peut-être pas les mêmes points de vue, mais on se respecte et on se dit les choses s’il faut. Pour ma part qui est issue de la jeune génération, on rend hommage à ces anciens-là qui ont fait les choses après les Signataires, et qui nous ont amenés jusque-là où est aujourd’hui , la fin des accords." 

MOI : une "féministe kanak"

"Le Mouvement des océaniens indépendantistes rend hommage « au travail de Déwé Gorodey pour la condition féminine et la culture en Kanaky. Cette féministe kanak, femme politique et femme de lettres, restera, à notre sens, une référence pour les générations futures."

Virginie Soula, maître de conférences en lettres à l’UNC : "La première écrivaine kanak francophone". 

"Sous les cendres des conques, dans les années quatre-vingts, [est] le premier recueil poétique écrit par un Kanak. C’est un acte fondateur. Déwé Gorodey est une des pionnières de la littérature écrite francophone kanak. Son message est difficile à résumer parce qu’il a traversé les époques. Il était extrêmement militant dans les années quatre-vingts et puis il a suivi un petit peu l’évolution politique, comme sa carrière, vers le destin commun, le vivre-ensemble, réfléchir au statut de la femme kanak, à sa place dans la société. Tout ça transparaît dans sa littérature. 
Au micro de Thierry Rigoureau et Sylvie Hmeun : 

©nouvellecaledonie

Asee : "Un impérissable souvenir parmi ses collègues et ses élèves"

"C’est avec tristesse que nous apprenons la disparition de cette grande dame dont l’œuvre au sein de l’Alliance scolaire en tant que professeur de français à Do Neva avant sa prise de fonction au gouvernement de Nouvelle-Calédonie en 1999, demeure estimée. Dévouée à l’émancipation des femmes comme à l’amélioration des conditions d’apprentissage linguistique des enfants, elle laisse un impérissable souvenir parmi ses collègues et ses élèves comme dans tout le pays qu’elle a contribué à bâtir à la force de son cœur, de sa culture et de sa plume"

Tavini Huiraatira (Polynésie) : "un exemple pour les femmes et les hommes épris de justice et de liberté"

Dans un communiqué de presse daté du 18 août, le Tavini Huiraatira d'Oscar Temaru rend hommage à une "écrivaine engagée politiquement, elle fut membre de plusieurs gouvernements de Nouvelle-Calédonie Kanaky, chargée successivement de la culture, de la condition féminine, des sports et de la citoyenneté, et Vice-présidente pour deux mandatures. Nous présentons nos condoléances à la famille et aux proches de Déwé et au peuple Kanak qui perd une combattante qui, sa vie durant, a lutté pour la libération et la souveraineté de la Kanaky. Nous rendons aussi un hommage particulier à son engagement pour la cause des femmes kanaks au côté de Marie-Claude Tjibaou. Reconnue internationalement, Déwé restera un exemple pour les femmes et les hommes épris de justice et de liberté."