La gestion du rapatriement des étudiants fait débat

Alors que les universités sont fermées dans l’Hexagone, plusieurs centaines d'étudiants calédoniens attendent de rentrer au pays. Selon l'Union des groupements de parents d'élèves et un collectif d'étudiants, les critères de ces rapatriements ne seraient pas respectés à la lettre. 
Depuis le début de la crise du Covid-19, le rapatriement des résidents calédoniens est un véritable casse-tête pour les autorités, et plus particulièrement le rapatriement des étudiants, qui sont pour certains dans des situations très délicates.
Plus de 700 d’entre eux ont exprimé leur souhait de rentrer en Calédonie, après l’allocution du chef de l’Etat, le 14 avril, annonçant que les cours de l’enseignement supérieur ne reprendraient « pas physiquement jusqu’à l’été ». Un « chiffre en constante évolution », selon le gouvernement calédonien.
 

Un rapatriement « nécessaire »

Dans un communiqué, le collectif des étudiants calédoniens hors territoire, leurs familles et l’UGPE (Union des groupements de parents d’élèves) dit avoir interpellé les autorités sur la « nécessité impérieuse de rapatrier les étudiants calédoniens qui sont hors du territoire ».

« Pour beaucoup de ces jeunes (..), la crise sanitaire mondiale est longue et difficile à vivre, loin des leurs. Pendant le confinement, seuls dans des logements étriqués, ils ont été abreuvés d’informations négatives et effrayantes, diffusées en boucle. »

Or, nombre d’entre eux ne pourront vraisemblablement pas rentrer au pays. « Il nous est annoncé que (..) seuls 220 étudiants répondent aux critères de priorité », signale le collectif et l'UGPE, à partir des informations communiquées par le gouvernement. Un chiffre en décalage, selon eux, avec celui donné par le vice-président du gouvernement chargé du transport. « M. Tyuienon nous répond que tout est mis en oeuvre pour rapatrier ces étudiants et que pour lui, plus de 400 étudiants sont attendus et que même des avions supplémentaires pourraient être affrétés entre mi-mai et début juin », expliquent-ils dans le communiqué ci-dessous.

Un dossier « polémique »

Interpellé en conférence de presse ce jeudi, Thierry Santa, le président du gouvernement, a qualifié ce sujet de « polémique ». « Depuis le début, le gouvernement a été clair dans son propos en parlant de ces étudiants qu’on allait faire revenir pour faire des stages ou en fin de cursus. Par contre, ceux qui souhaitaient revenir pour des vacances, on leur a conseillé depuis le début de rester où ils se trouvaient. »
Selon les règles édictées par le gouvernement en matière de rapatriement, les étudiants bénéficient d’un quota de vingt places par vol, selon les critères de priorité suivants : 

Des critères « non respectés »

Mais pour le collectif d’étudiants et l’UGPE, ces critères de priorités ne sont « pas respectés ». Plusieurs cas de rapatriements de personnes non-résidentes ont ainsi été relevés sur les réseaux sociaux. Des critiques auxquelles les autorités répondent par la nécessité de faire venir du personnel prioritaire (écucatif, médical…).
Le communiqué dénonce par ailleurs une organisation « chaotique », « où les étudiants sont parmi les moins considérés ».

« La stratégie (est) de convoquer plus de personnes que de places disponibles dans les avions et après de « jouer aux dés » les places restantes, souvent au détriment des étudiants qui sont les plus dans le besoin et de faire s’envoler d’autres personnes bénéficiant de passe-droit. »


Certains étudiants, désemparés, et leur soutien, témoignent de leur situation, sur les réseaux sociauxUne pétition demandant le rapatriement des étudiants calédoniens circule depuis plusieurs semaines sur Internet. Elle a déjà recueilli plus de 2 800 signatures en ligne. Une cagnotte de financement participatif est également ouverte. 
 

Pas de rapatriement pour cause de vacances

Face à la détresse de certains jeunes, Thierry Santa a rappelé le rôle joué par la Maison de la Nouvelle-Calédonie et salué son « extrême réactivité ». « Elle a déjà aidé plusieurs de ces étudiants qui malgré tout se sont retrouvés dans des situations compliquées. La Maison de la Nouvelle-Calédonie est à la disposition des étudiants de la Nouvelle-Calédonie pour faire face à ce genre de situation ». 
Mais le président est resté ferme sur la stratégie sanitaire de la Nouvelle-Calédonie face au coronavirus. « L’objectif est de limiter, encore aujourd’hui, l’arrivée de gens qui peuvent se gérer autrement ». L’idée étant de « limiter l’entrée des personnes venant de pays contaminés pour éviter le risque d’entrée sur le territoire du virus du Covid-19 ». « Si ça doit obliger quelques jeunes Calédoniens à passer les deux mois là où ils se trouvent plutôt qu’au sein de leur famille, il y a des cellules psychologiques qui sont à leur disposition. La Maison de la Nouvelle-Calédonie peut apporter des aides. Mais il faut qu’ils restent là où ils se trouvent. »

Des rapatriements coûteux 

Outre l’aspect sanitaire, le rapatriement des Calédoniens représente un coût considérable pour la collectivité. Entre la réquisition de la compagnie Aircalin, les hôtels, les frais de restauration et de nettoyage ou encore le transport sanitaire, la Nouvelle-Calédonie estime à environ 1,5 milliard de francs par mois le coût du dispositif, et à 2,4 milliards de francs le budget déjà engagé depuis le début de la crise
Or, cette prise en charge de la quatorzaine dans les hôtels pourrait bien évoluer dans les semaines à venir, une fois les derniers Calédoniens rapatriés selon les règles fixées par le gouvernement. A l'avenir, les deux semaines de confinement obligatoires à l’hôtel seront-elles à la charge des confinés ? Le gouvernement ne s’est pas encore prononcé. « Différentes propositions seront examinées par les membres du gouvernement la semaine du 1er juin », a déclaré Thierry Santa. 
Rappelons que les vols internationaux, au départ et à destination de la Nouvelle-Calédonie, sont suspendus jusqu’au 31 juillet, à l'exception des rapatriements, du fret et des vols de continuité territoriale vers la Métropole. Une suspension qui pourrait être prolongée selon l’évolution de la situation sanitaire dans le reste du monde.