Un mois, jour pour jour, après les éboulements qui ont causé la mort du 8 personnes à Houaïlou, certaines familles ont été relogées provisoirement; d’autres attendent de pouvoir reconstruire et certaines poursuivent les recherches des disparus.
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Ce bout de paysage, Eugénie Kananou le regarde sans cesse depuis sa sortie de l’hôpital. Le 22 novembre au petit matin, elle voit disparaître dans un amas de roches et un flot incessant d’eau boueuse, sa fille Olane, âgée de 5 ans. « J’ai encore dans la tête les images de ma fille », confie la jeune femme, « elle a été emportée par les flots avec la cuisine et la maison. C’est très dur psychologiquement de revenir ici et de voir tout ça ». Quelques jours après le désastre, le corps de la fillette a été enterré dans le cimetière familial.
Partir pour tout reconstruire
Située à deux kilomètres du village, la tribu de Gouareu garde les stigmates de ces éboulements. Deux immenses ravines pénètrent profondément dans les flancs des montagnes. Deux familles ont été relogées par la mairie. D’autres trouvent refuge de manière provisoire au sein du Eika de l’église. « Il est certain que partir d’ici c’est un peu dur », souligne Amina, l’aînée de la famille Kananou, « mais il le faut car ça nous rappelle trop de mauvais souvenirs ». Partir pour reconstruire une nouvelle habitation mais surtout se reconstruire mentalement, loin de cette montagne dévastatrice. La famille Kananou va s’installer à Néaoua sur un terrain à moisson déjà viabilisé. « Ici, c’était le seul endroit où on a vécu avec nos parents et où nos enfants ont tous grandi », confie Arsène Kananou, le père de famille, « alors devoir partir est important car il faut absolument reconstruire ailleurs ».
Continuer les recherches coûte que coûte
Un peu plus au nord de la tribu, une pelle hydraulique déplace des amas de roches et de terre sous le regard inquiet des passants. Malgré la fin des recherches, la famille Poédi ne perd pas espoir. Après avoir enterré ses parents, Dominique, l’aîné, souhaite retrouver les corps de son frère et sa sœur, âgés d’une trentaine d’années. « J’ai vraiment envie de les retrouver », regarde attristé le jeune homme, « je ne veux pas y croire et je ne veux pas lâcher. Je vais continuer les recherches jusqu’à que je sois épuisé », poursuit-il. La famille Poédi finance elle-même ses travaux. Chaque jour, elle fait appel à des privés pour retourner les milliers de mètres cubes de terre. « On a besoin de retrouver leurs corps afin de pouvoir faire notre deuil », renchérit ce père de quatre enfants.
Le maire porte plainte contre X
Malgré l’aide d’urgence du gouvernement, de l’Etat, des provinces et des communes, Houaïlou devra une fois de plus solliciter l’ensemble de ses partenaires. Elle se dit preneuse de moyens financiers ou de matériaux pour la reconstruction d’habitations à destination des familles sinistrées. Mais ces éboulements posent aujourd’hui la question de la responsabilité de ses acteurs. La mairie a déposé une plainte contre X quinze jours après le sinistre. L’objectif est de déterminer les différentes responsabilités dans ce drame. « Il faut mettre au jour ce qui s’est passé véritablement », indique Pascal Sawa, le premier magistrat de la commune. « Aujourd’hui, certains pointent du doigt les entreprises, ou encore, le barrage et même les pyromanes. Ce ne sont que des suppositions », poursuit l’édile; « il faut donc donner de la lisibilité dans ces propos et bien sûr aussi, éviter que ça se reproduise à l’avenir. Ainsi, il faut que chacun prenne ses responsabilités », rajoute-t-il. Un mois après ces éboulements, les habitants de Gouareu et de Wakaya restent profondément marqués par ces évènements. Et à la veille de Noël, le moral des familles se fragilise encore un peu plus.