INFOGRAPHIES. En l'absence de visibilité, les chefs d'entreprise peinent à croire en une reprise selon l'IEOM

A Ducos, il ne reste rien de cette entreprise de vente automobile. Nouméa. Septembre 2024
L'économie calédonienne continue de se dégrader selon le dernier rapport de l'IEOM (Institut d'émission d'outre mer), publié le 6 décembre. Perte de confiance des entreprises, consommation des ménages en berne, marché du travail qui s'effondre... Tour d'horizon des tendances conjoncturelles marquantes du troisième trimestre.

Les voyants économiques continuent de virer au rouge. Une pléthore d'indicateurs montre une dégradation continue de la conjoncture calédonienne au troisième trimestre. 

"Net repli de la consommation des ménages, forte contraction de la production de crédits bancaires, effondrement des ventes de ciment, dégradation de la balance commerciale avec la chute des exportations de produits du nickel...", énumère l'IEOM, dans son dernier rapport conjoncture du 6 décembre. 

L'établissement public, qui assure le rôle de banque centrale en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, dresse un constat peu encourageant à l'issue du troisième trimestre 2024, en lien avec l'Institut de la statistique et des études économiques (Isee). 

Au-delà du lourd bilan humain et matériel des émeutes, les destructions ont entraîné une hausse substantielle du nombre de chômeurs alors que la situation financière des comptes sociaux était déjà critique. Le territoire demeure dépendant des aides en provenance de l’Hexagone.

Institut d'émission des Outre-mer

Toujours moins d'emplois

La conjugaison de la crise nickel et de la crise insurrectionnelle de mai a eu raison, en grande partie, de 9 000 emplois salariés du privé. Ils étaient plus de 66 000 en mars contre 57 000 aujourd'hui. Un nombre provisoire issu de l'Isee, relayé par l'IEOM. 

Une "dégradation du marché de l'emploi" amorcée fin 2023 et qui s'est amplifiée avec les évènements de ces derniers mois. Parmi eux, le licenciement des 1 200 salariés de l'usine du Nord (KNS) au 31 août et la fermeture du site minier de Thio, le 14 octobre, ainsi que les destructions d'entreprises consécutives aux évènements du 13 mai.

Une baisse sensible de la consommation 

"Il n’y a pas eu de rattrapage de la consommation après les émeutes contrairement à ce qui avait été observé après les confinements de 2020 et 2021", constate l'IEOM.

Sur de nombreux postes de dépenses, la consommation des ménages baisse. À commencer par les transactions courantes. En septembre, les Calédoniens utilisaient moins leur carte bancaire, en termes de paiements et de retraits (-8% par rapport à 2023).

Autre indicateur financier, davantage d'incidents sont répertoriés "au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)". Dans les faits, les banques du pays signalent de plus en plus de retards de remboursement des crédits ou de situations de surendettement (+12,6%). De quoi témoigner d'une vulnérabilité grandissante des ménages, souligne l'institut. 

Le total des transactions par carte bancaire a connu une chute vertigineuse en mai.

Les particuliers rangent plus facilement leur carte bleue et ils contractent moins de prêts. La production de crédits à la consommation continue de s'effondrer (-69,5% sur un an). Les crédits pour l'achat de biens immobiliers connaissent également un "fort repli" (-33,1% sur trois mois et -87,6% sur un an).

De même pour l'achat de véhicules neufs. Sur un an, le nombre de nouvelles immatriculations s'est effondré (-82%). En revanche, les particuliers se tournent volontiers vers le marché de l'occasion qui connaît une hausse de 70,4% au troisième trimestre. 

Des entreprises en difficulté

Nickel, BTP, tourisme sont les secteurs les plus affectés. Au total, le tissu économique a perdu 120 sociétés et 1 150 travailleurs indépendants depuis mai, selon l'Isee. 

"Malgré l’adoption au Congrès de la Nouvelle-Calédonie d’un plan de reconstruction et l’élaboration par le gouvernement d’un plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R), les entreprises interrogées décrivent une absence de visibilité." Ce sont 198 entreprises employant 15 916 salariés au total qui ont répondu à l'enquête de l'IEOM. 

Malgré une légère progression au troisième trimestre, l'indicateur du climat des affaires se maintient à un niveau très bas.

L'indicateur du climat des affaires résume l'opinion des entrepreneurs calédoniens sur la conjoncture locale. Leurs appréciations s'améliorent doucement depuis que la situation sécuritaire s'est apaisée. Certaines entreprises durement touchées par les évènements de mai ont pu partiellement relancer leur activité.

Néanmoins, 62 % des chefs d'entreprise anticipent une nouvelle baisse de leur activité au prochain trimestre. Des perspectives troubles qui affectent la confiance des entrepreneurs calédoniens. "45% des entreprises répondantes craignent une défaillance" d'ici douze mois. D'ordinaire, elles ne sont que 18% à imaginer ce scénario.

Une bouffée d'oxygène dans l'élevage

Totalement paralysé en mai, le secteur primaire connaît un léger rebond de ses activités. Après les émeutes et avec le déblocage des routes, les éleveurs ont relancé les abattages de bovins (+ 95,8%) et de porcins (+ 67,7%). 

Toutefois, le thon et la crevette restent les produits phares. La croissance à l'export est exponentielle : 305 tonnes de crevettes ont quitté la Calédonie ce seul trimestre. Les exportations de thon ont également augmenté de 111,5%. 

Fin 2024, la crevetticulture enregistre une hausse fulgurante de ses exportations.

Sur cette bonne nouvelle, les analyses de l'IEOM sont empreintes d'une certaine prudence. Les professionnels de toutes les filières demeurent inquiets. Les prévisions d'investissement sont en baisse. "Un pessimisme et un attentisme des professionnels" auxquels les autorités devront s'atteler pour espérer limiter les dégâts de la crise.