INTERVIEW. Pour Karen Cazeau, ex-directrice de l'enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie, des "combats seront encore à mener"

Karen Cazeau, ex-directrice de la DDEC, au journal de midi le 10 décembre 2024 ©NC la 1ère
La quête sans fin de moyens financiers pour maintenir l'enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie, c'est l'une des choses que Karen Cazeau retient de sa mandature. Alors qu'elle vient de quitter ses fonctions à la tête de la DDEC, l'ancienne directrice diocésaine évoque aussi les ouvertures d'établissement, la crise qui a aggravé la situation ou les incertitudes qui pèsent sur la prochaine rentrée.

La Direction diocésaine de l’enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie a changé de tête. Manoël Van Aerschodt a pris ses fonctions lundi 9 décembre. Il succède à Karen Cazeau, qui occupait le poste depuis septembre 2012. Après presque trente-trois ans dans les rangs de la DDEC, elle était l'invitée du journal de midi, le mardi 10 décembre. Entretien avec Alix Madec.

NC la 1ère : Vous avez été la directrice de la DDEC pendant douze ans. Quel bilan dressez-vous ? 

Karen Cazeau : Un bilan difficile, nous avons eu des périodes assez compliquées. On ne peut pas retracer douze années en deux minutes mais en tout cas, cette année, ce qui s’est passé au sein du pays a aggravé la situation. Les combats seront encore à mener. Surtout essayer de trouver des moyens, encore et encore, pour essayer de pérenniser notre institution. 

En août, plus de 500 salariés ont été placés en chômage partiel. Qu’en est-il à ce jour ?

K.C. : Le chômage partiel a débuté en août et s’est terminé le 31 octobre. Je n’ai pas souhaité renouveler l’opération pour la fin d’année. Tout le monde est reparti dans ses bureaux et dans ses locaux.

Pourquoi ce recours au chômage partiel ? Le gouvernement calédonien assurait avoir versé 374 millions de francs CFP. La province Sud, 620 millions. C’était insuffisant ?

K.C.: Bien sûr, que c'était insuffisant. Même si la délibération avait été votée l’année dernière par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, j’ai sollicité un delta manquant de 350 millions dès l’arrêté du gouvernement sur les montants qui allaient être octroyés pour les enfants, les collégiens et les lycéens. Je les ai alertés dès le début d’année, voire fin d’année dernière, pour leur dire : "Attention, ça ne couvre pas les frais de la fonction accueil" - l’hébergement et la restauration scolaire.

Il y a eu vote d’une délibération qui pose le cadre juridique du financement de la DDEC. À quoi est-ce que ça a servi ?

K.C. : C’est un grand pas, déjà. On se bat depuis 2005 pour avoir un texte juridique; pour la première fois, on a abouti, suite à la marche du 12 mai [2023] dans les rues de Nouméa, à un texte qui nous permette de dire : "Il faut nous accompagner sur la fonction accueil." Nous scolarisons pratiquement 13 500 élèves. Il est important que ces élèves puissent obtenir le seul repas qu’ils auront peut-être dans la journée et avoir aussi un endroit pour dormir quand ils viennent de très loin. Je rappelle que la DDEC est positionnée sur toute la Grande terre et les îles Loyauté, sans oublier Belep ou l’île des Pins où seul l’enseignement catholique offre un service d’enseignement.

La crise survenue depuis la mi-mai a entraîné un coût d’une quarantaine de millions, sur les établissements scolaires catholiques…

K.C. : Oui, nous avons déboursé sur les fonds propres pour rouvrir rapidement. Le lycée Saint-Jean-XXIII a été impacté, le lycée Saint-Pierre-Chanel, l’école Luc-Amoura [à Païta et au Mont-Dore]. Nous avons monté quand même un dossier, sur demande du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du haussaire. Nous sommes en attente de voir si nous allons pouvoir être accompagnés sur ces montants.

Est-il prévu la fermeture d’établissement(s) en 2025 ?

K.C.: En 2025, comme c’était prévu depuis l’année dernière, seul le lycée Johanna-Vakié de Houaïlou fermera. Sinon, tous les établissements scolaires resteront ouverts. 

Quelles sont les perspectives, pour cette rentrée scolaire 2025 ?

K.C.: Il faudra demander à mon successeur ! Moi, je clos un chapitre. Bien sûr, un tuilage s’est fait : il a pris ses fonctions hier mais il est nommé depuis le 26 septembre par le conseil d’administration. Le travail va être surtout, en urgence, de voir avec le gouvernement de la Nouvelle-cédonie à quel moment cet arrêté va pouvoir être fixé pour connaître les montants de 2025.

Aujourd’hui, nous ne savons pas de quels montants nous bénéficierons pour cette prochaine rentrée. C'est une inquiétude. Mais ça se travaille, les rencontres vont se multiplier entre mon successeur et les institutions.

Karen Cazeau, ex-directrice de la DDEC

Y a-t-il des choses positives à garder de cette mandature 

K.C. : Plein de choses positives ! D’abord la construction de l’école de Dumbéa-sur-mer. Le collège de La Conception [au Mont-Dore], aussi. Également les cinquante ans du CAEC [le Conseil d’administration de l’enseignement catholique], nous avons fait une grande fête à Ko we Kara [à Nouméa]. Nous avons aussi monté en compétence l’ensemble de nos chefs d’établissement, et les formateurs de la DDEC, en leur permettant de suivre une formation avec l’école des cadres, missionnée de Paris, pour obtenir un titre professionnel délivré par le ministère du Travail. L’aboutissement des chantiers d’innovation pédagogique et éducative qui nous ont permis de ficeler notre arche nouvelle, qui est quand même le caractère propre de notre institution : notre pastorale…

Voilà, après avoir balayé comme ça douze années, je pense qu'il y a eu beaucoup de choses. On aime bien faire des focus sur ce qui va mal ou ce qui ne va pas. Mais croyez-moi, il y a une vraie dynamique dans l'ensemble de nos communautés éducatives. Je tiens à les remercier parce qu'être patronne de la DDEC, [ça ne se fait] pas seule, [mais] avec le soutien de l'ensemble de la communauté.

Voyez aussi la synthèse de Natacha Lassauce-Cognard et Cédric Michaut

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