INTERVIEW. Pour Yves Dupas, "la problématique des violences, c’est une question de responsabilité collective"

Yves Dupas, procureur de la République, était l'invité de la matinale radio.
Un couple de personnes âgées a été la cible d’un agresseur le week-end dernier ; une altercation très violente à leur domicile de Rivière-Salée. Un fait divers qui a bouleversé la Toile et soulève de nombreuses questions. Yves Dupas, le procureur de la République, a répondu aux questions de Marguerite Poigoune dans le journal de ce vendredi 10 novembre.

La justice essaie toujours de faire toute la lumière sur l'agression d'un couple âgé survenue le samedi 4 novembre. Le procureur de la République était l’invité du journal radio de 7h30, ce vendredi. L'ocassion de faire le point sur les violences en Nouvelle-Calédonie.

NC La 1ère : Est-ce que l’enquête a pu avancer ? Avons-nous des nouveaux éléments ?

Yves Dupas : Je ne peux pas communiquer davantage sur cette affaire, l’enquête est toujours en cours. Je tiens cependant à dire toute notre détermination avec les services d’enquête, à élucider cette affaire grave, parce qu’il s’agit d’un vol, d’abord commis au domicile des victimes, au préjudice de personnes vulnérables, accompagné de violences graves qui ont généré un traumatisme physique et psychologique important. Bien évidemment, il nous revient de tout mettre en oeuvre pour identifier et interpeller cet auteur. 

Vous l’avez dit, ce sont des violences sur des personnes vulnérables. Y-a-t-il une recrudescence de ce genre de violences ?

Y.D: D’abord quelques chiffres. Les atteintes aux biens en 2022 sont plutôt en baisse par rapport à ce pic que l’on avait connu en 2019 en Nouvelle-Calédonie. Nous sommes en tout cas sur cette année-là, sur 33 faits d’atteintes aux biens, toutes catégories confondues pour 1000 habitants, par rapport à 28 faits au plan national. Nous sommes donc au-dessus en Calédonie mais ça reste effectivement limité.

Les vols avec violences représentent différentes formes d’agissement : le vol à l’arraché, on en a connu un certain nombre sur Dumbéa autour du MK2 et ailleurs; c’est parfois aussi le vol à la portière, lorsque la victime résiste et se fait arracher son sac. Il y a aussi ces vols au domicile avec violences et je tiens à être trés précis : sur 2023, nous en dénombrons 135 en zone police et gendarmerie avec une hausse par rapport à 2022, qui reste autour de 6 à 7% d’augmentation. 

Dans le bilan 2022 de la délinquance dévoilé en mars 2023, la Nouvelle-Calédonie bat certains records notamment sur les violences au sein de la famille; n’y a-t-il pas là la nécessécité d’une responsabilité collective pour combattre ces violences ?

Y.D: Sur la problématique générale des violences, et notamment des violences intra-familiales qui placent la Nouvelle-Calédonie sur ce triste podium au plan national, bien sûr, c’est une question de responsabilité collective. La justice ne peut pas solutionner seule cette problématique qui est majeure, c’est la responsabilité de l’ensemble des acteurs, c’est tout ce champ de la prévention de la délinquance, de la mise en place d’outils avec le partenariat avec la province Sud, les associations…. Ceci étant, aussi bien pour les faits de vols avec violence que pour les faits de violences graves, c’est d’abord le traitement répressif qui me semble important à soutenir et à souligner. S’agissant de ces réponses pénales fermes qui sont données, nous avons quand même en Nouvelle-Calédonie, un taux d’incarcération qui est très élevé, nous sommes quasiment à 240 détenus pour 100 000 habitants, comparé à 122 détenus pour 100 000 habitants au niveau national. 

Cela signifie que le travail de la justice est accompli, bien évidemment, avec un taux d’élucidation des affaires très très élevé en Nouvelle-Calédonie, s’agissant notamment des atteintes aux biens; nous sommes quasiment à 50% de taux d’élucidation sur les atteintes aux biens; pour la Métropole, on se situe plutôt autour de 18-19%. Ces réponses pénales répressives sont donc importantes, ce n’est pas le seul levier bien sûr et tout ce travail sur la prévention de la délinquance notamment en direction des jeunes est déterminant, en associant les communes et justement les conseils locaux de prévention de la délinquance. 

Dans certaines communes, il n’y a toujours pas la mise en place de ce conseil. Il y a 21 communes sans ces structures… est-ce-que ça peut aider à résoudre ces problèmes ?

Y.D: C’est un levier effectivement qui est intéressant parce que finalement, le maire est en première ligne par rapport à ces faits de délinquance vis-à-vis de ses administrés et donc ce sont des outils pertinents qui sont mis en place en accord avec le représentant de l’Etat mais également le procureur de la République. J’essaie au maximum de me déplacer, de participer à ces échanges, dans les communes à ces conseils locaux de la prévention de la délinquance; il s’y dit des choses intéressantes et je suis toujours attentif effectivement aux moyens qui sont développés sur ces communes.