Qu’est-ce qu’on entend par l’expression “économie résiliente” ? Eh bien, il s’agit de sa capacité à surmonter des chocs et des perturbations. Si l’expression est utilisée par l’IEOM pour décrire l’année 2022, c’est parce que la Calédonie semble avoir bien résisté, compte tenu des obstacles qui se présentaient l’an dernier. NC la 1ère s'est plongée dans l’analyse rendue publique par l’Institut d’émission d’Outre-mer.
1 Un contexte local favorable
La Nouvelle-Calédonie abordait 2022 de façon moins propice que diverses économies. Son produit intérieur brut était en contraction depuis 2018. En 2021, encore, il accusait un recul de 2,1%, alors que les PIB d’autres collectivités ultramarines rebondissaient. En revanche, début d’année 2022, l’économie calédonienne a bénéficié d’un environnement exceptionnel.
Avec un certain décalage comparé à la majeure partie du monde, le pays sort de la crise Covid et se rouvre au monde. Ensuite, le processus référendaire est abouti, dans le sens où le troisième a eu lieu le 12 décembre 2021. Les trois consultations inscrites dans l’Accord de Nouméa, porteuses de tensions et d’incertitudes, sont donc passées. Et troisième facteur, les cours du nickel s’avèrent particulièrement favorables sur les marchés internationaux, et plutôt porteurs.
2 Plusieurs indicateurs encourageants
Interviewé par Charlotte Mestre, le directeur de l’IEOM en Nouvelle-Calédonie énumère les différents signes de la fameuse résilience constatée en 2022. “La consommation des ménages s'est bien tenue, a repris”, décrit Yann Caron. Les montants des paiements par carte bancaire et des retraits de billets cumulés ont été en nette hausse par rapport à 2021 (+9,5 %). Pareil du côté des prêts pour un logement, des crédits à la consommation, des immatriculations de voitures neuves ou des ventes de véhicules d’occasion.
“L’emploi s'est beaucoup accru”, enchaîne le directeur de l’institut. L’emploi salarié privé a retrouvé, dès le second trimestre, son niveau d’avant crise, avant d’atteindre un plus haut historique en milieu d’année (+ 1,2% au premier trimestre, + 0,8% au 2e, + 0,9% au troisième). Le secteur de l’industrie a été celui qui a créé le plus d’emplois sur un an glissant, suivi des services et de la construction. On relèvera dans l’analyse annuelle que “les entreprises calédoniennes ont toutefois déclaré rencontrer des difficultés de recrutement, confirmant les craintes sur le manque d’attractivité du territoire”.
Yann Caron poursuit : “Le climat des affaires en général, pour parler des entreprises, s'est redressé à un niveau très supérieur à tout ce qu'on a pu observer ces dernières années, donc un vrai effet de rattrapage.” En effet, l’indicateur s’établit durablement au-delà de sa moyenne de longue période pour la première fois depuis 2012.
“Et enfin, l'investissement des entreprises a connu aussi un fort rebond en 2022. Ça peut s'expliquer par le fait que dans les deux années de crise Covid, les entreprises se sont mises en situation de repli. La priorité était de survivre, de prendre des crédits de trésorerie avec le PGE (le prêt garanti par l'Etat) pour tenir. Ça s'est fait au détriment de la phase d'investissement. Elles ont rattrapé leurs investissements au cours de l'année 2022.”
3 Une forte inflation
De bons signaux, mais sur un fonds anxiogène. En 2022, la Calédonie connaît un taux d’inflation à 3,7 % en moyenne annuelle, contre 0,6 % en 2021. “Le territoire n’échappe donc pas à la pression inflationniste mondiale, souligne la synthèse de l’IEOM : la forte croissance observée localement sur les prix de l’énergie (+ 11,3 %) et de l’alimentation (+ 10,9 %) tire l’indice général à la hausse. En glissement annuel, l’inflation dépasse ainsi les 5 % pour les mois d’août, septembre, octobre et décembre.”
“Ça a impacté la plupart des secteurs, rappelle Yann Caron. C’est une inflation qui porte plus particulièrement sur l'énergie, sur les produits alimentaires, également sur l'ensemble des importations et qui affecte notamment le BTP.” Le directeur de l’Institut d’émission modère quelque peu. “Des moyens ont permis d'en réduire l'impact.” Renouvellement et élargissement du bouclier qualité prix, diminution de la taxation sur les produits pétroliers…. “Néanmoins, ça pèse sur l'économie et les agents économiques.”
4 Un impact différent selon la filière
Si on observe la situation économique 2022 plus en détails, elle apparaît contrastée.
Les opérateurs métallurgiques ont accru leur production (+ 25,9 % en 2022). “Sans toutefois atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés” - météo défavorable, problème d’alimentation énergétique, blocages. Les exportations de métal ont fortement augmenté, en volume (+ 33,7 %) et encore plus en valeur (+ 71 %), vu le niveau des cours mondiaux.
Le monde agricole, en plus de subir la hausse des coûts, a connu une quantité de pluies exceptionnelle. Le bilan pluviométrique a été supérieur de 70 % à la moyenne annuelle enregistrée sur la période 1991-2000. Pour le dire autrement, 2022 a été l’année la plus pluvieuse jamais enregistrée ici. Cela a durement affecté la production maraîchère. D’ailleurs, les autorisations d’importer des légumes ont largement augmenté, sans empêcher les étals d’être souvent vides. Résultats, des prix tirés vers le haut.
Toujours selon cette analyse annuelle, l’activité du BTP a stagné. La baisse observée depuis plusieurs années a semblé s’infléchir. La consommation de ciment a un peu augmenté. Comme la commande privée pour de nouvelles constructions, grâce à quelques grands programmes à Nouméa. Mais le secteur a fait face à la forte hausse sur les prix des matériaux.
Réouverture progressive des frontières, reprise des croisières en fin d’année : l’activité touristique a nettement rebondi l’an dernier. Mais sans retrouver les niveaux d’avant crise sanitaire.
5 Des perspectives incertaines pour 2023
Résilience de l’économie calédonienne en 2022, mais gros nuages sur 2023. “On observe en fin 2022 et début 2023 un tassement, même un effet de repli, reprend Yann Caron. Et quand on fait l'enquête auprès des chefs d'entreprise, on voit qu'il y a plutôt de nombreuses inquiétudes, à nouveau, face à beaucoup d'incertitudes sur l'avenir, dans un environnement international défavorable.”
La pression de l’inflation persiste au niveau mondial, et ça continue par exemple d’avoir un effet sur le Caillou. “L’année 2023 se caractérise également par des défis majeurs à l’échelle du territoire, met en avant l’IEOM. Le premier concerne le secteur du nickel calédonien, qui ne parvient pas à être rentable alors même que les cours sont à des niveaux particulièrement favorables (…) Un autre défi concerne la situation des finances publiques. (…) Enfin, 2023 marque le retour des discussions politiques et institutionnelles portant sur le futur statut.”