L'économie calédonienne n'en a pas fini avec les effets de la crise sanitaire

Vue aérienne de Ducos, à Nouméa.
Entre 52 et 62 milliards de francs CFP : ce serait l’impact de la crise Covid sur l'économie de la Nouvelle-Calédonie cette année, selon les études menées par l'IEOM, l’Isee et l’AFD. Un effet en partie amorti, mais le futur demeure incertain.
«La crise sanitaire de la Covid-19 contamine l'économie calédonienne en 2020 et surtout au-delà». Eloquente, cette phrase introduit le rapport sur les impacts de la pandémie présenté ce jeudi par le Cerom - alias les «Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer» (à retrouver ci-dessous). 

Retour sur le confinement

Le mois de confinement et d’activité au point mort, entre le 24 mars et le 20 avril, a fait du mal à notre économie. Fort heureusement, estiment les experts, les mesures de soutien décidées par le gouvernement local ont permis d’éviter le pire.
 

Pour la plupart des entreprises, l’impact est fort mais il n’est pas dramatique. Elles ont pu reporter des dettes bancaires, des dettes fiscales, des dettes sociales. S’endetter, en complément, avec le prêt garanti par l’Etat qui leur a apporté une trésorerie additionnelle. Et éviter d’avoir également à supporter des frais de personnel excessifs à un moment où elles ne pouvaient pas le faire - c’est tout l’effet bénéfique du chômage partiel. 

- Yann Caron, directeur de l’Institut d'émission d'outre-mer

 
Yann Caron, directeur de l'IEOM.
 

Enormes conséquences

Pour l’année 2020, le coût total de cette crise pour l’économie calédonienne s’élèverait à une somme comprise entre 52 et 62 milliards de francs CFP ! Cela représente 5.6 à 6.7 % du produit intérieur brut. Les conséquences sur les recettes publiques sont énormes : TGC, impôt sur les sociétés, reports de cotisations iront de pair avec des dépenses, elles, à la hausse.
 
 

Ça peut engendrer des difficultés budgétaires, qui vont rendre absolument nécessaires une maîtrise plus forte encore des dépenses de fonctionnement. D’aller chercher autant que possible des recettes nouvelles. Peut-être de travailler sur un certain nombre de réformes de structures, de réformes fiscales, de réformes peut-être sociale. Et puis de modération des dépenses d’investissement.

- Philippe Renaud, directeur de l’Agence française de développement

 
Philippe Renaud, directeur de l'AFD.
 

Rebond par endroits

Mais la Nouvelle-Calédonie s’en tire plutôt bien. Le confinement relativement court et une bonne tenue du prix du nickel ont même permis un rebond économique dans certains secteurs. 
 

On voit que le tourisme intérieur a pris des couleurs, s’est même renforcé. La plupart des structures hôtelières sont presque saturées. On voit aussi que des activités comme l’automobile [ont] repris de la vigueur. 

- Yann Caron, directeur de l’IEOM

 
Lors de la présentation de ce rapport, jeudi matin à Nouméa.
 

Pas sortis d'affaire

Pour autant, la sortie de crise n’est pas pour demain. Au prolongement du confinement externe, à la situation internationale, pourrait s’ajouter l’incertitude institutionnelle. Autant d’éléments à même de créer une crise économique plus profonde.

Un compte-rendu de Bernard Lassauce et Michel Marin :
 

Les ménages à la rescousse

Autre leçon soulignée par le Cerom : les ménages, sur lesquels on comptait beaucoup pour atténuer la crise, ont répondu présents. Les Calédoniens avaient économisé dix milliards de francs CFP pendant la période de confinement. Une épargne forcée qui a été largement dépensée depuis.
  

Vacances locales

Les vacances à l’étranger n’étant plus à l’ordre du jour, en raison de la limitation des transports aériens, ces dépenses ont notamment bénéficié au secteur du tourisme. Principalement aux structures situées hors de Nouméa.
 
Camping à Ouano.
 

Achat de véhicule et rénovation

L’autre filière à tirer son épingle du jeu est celle de l’automobile : la vente de véhicules neufs a augmenté de 15% entre janvier et septembre. Les Calédoniens ont également dépensé leur pécule pour améliorer leur logement et procéder à des travaux de rénovation.
 

Bémol dans les foyers les plus fragiles

Ce dynamisme de la consommation ne doit pas cacher une autre réalité : celle des difficultés rencontrées par les foyers les plus fragiles. Au premier trimestre, l’emploi salarié a reculé. Ce sont les contrats d’intérim et les CDD qui ont fait office de variable d’ajustement. S’est ajoutée une hausse de plus de 3 % des prix de l’alimentaire. Résultat : l’Institut d’émission d’Outre-mer a noté une augmentation, légère certes, mais une augmentation tout de même, des dossiers de surendettement.

Une analyse de Charlotte Mannevy :

Covid-19 et ménages calédoniens

 

Le Cerom conclut à plusieurs scenarii possibles

  • Un retour à la situation d'avant Covid: «une croissance molle, hétérogène (inégalitaire) avec une forte dépendance au nickel, ou même une fragilisation selon la réussite des plans de reprise et de sauvetage des industries métallurgiques».
  • «Un risque systémique si la fermeture des frontières du territoire devait se prolonger et que de nouvelles mesures de sauvegarde ne pouvaient pas être mises en place ou devenaient inefficaces, et si les réformes nécessaires ne pouvaient pas être menées, provoquant des réactions en chaîne».
  • «Une sortie par le haut avec une évolution du modèle de développement de la Nouvelle-Calédonie vers une économie plus diversifiée et équilibrée, reposant sur des activités soutenables et inclusives».
Un sujet développé ce vendredi dans l'invité de la matinale radio, avec Yann Caron.