Le bagne calédonien : « On n’est plus dans le pays du non-dit » selon Louis-José Barbançon (podcast)

Louis-José Barbançon sur le plateau de 7 jours le 5 juillet 2014
Samedi 7 novembre, Gloria recevait Louis-José Barbançon, auteur du « Mémorial du bagne calédonien ». L’historien est revenu sur la construction de ce projet inédit. Pourquoi s’être lancé dans une telle aventure ? Comment le chercheur a pensé ce mémorial ?
 
1100 pages, 1740 photographies, de nombreux dessins, poèmes et archives… Avec son « Mémorial du bagne calédonien », Louis-José Barbançon a compilé cinquante ans de travaux sur le bagne. Pourquoi s’être lancé dans un tel projet ? « La Nouvelle-Calédonie, surtout en cette période, pouvait avoir un certain nombre de pages consacré à une partie de son histoire. Pour montrer combien cette histoire avait été douloureuse. C’est l’un des grands problèmes de l’histoire dans un contexte colonial. Dans ce contexte, la violence est consubstantielle à l’histoire », indique-t-il.

 

« La notion de devoir de mémoire est devenue populaire »


« C’était aussi pour prendre en compte le fait qu’aujourd’hui la notion de devoir de mémoire est devenue populaire. Cela met fin à une période, à des décennies durant lesquelles les gens ont réclamé le droit à l’oubli », explique le chercheur.  « Ce n’est pas quelque chose qui est spécifique aux descendants de condamnés. (…) En même temps, il y avait toute une tradition kanak qui n’en parlait pas publiquement mais qui en parlait dans les cases et cela ne s’est pas perdu. (…) Tout ceci a explosé à la fin des années 80, dans ce qu’on appelle pudiquement, dans ce qu’on baptise mal « Les Evènements » », ajoute Louis-José Barbançon.
 

Un mémorial construit et tourné autour de photos


Un mémorial pensé différemment. « Ce projet n’a pas été pensé comme une histoire du bagne qui aurait été illustré avec des photos. Ce n’est pas ça du tout. Ce n’est pas une histoire linéaire, chronologique, universitaire… Il a été conçu autrement, partant du principe qu’il y avait aux archives de Nouvelle-Calédonie un nombre conséquent de photos et qu’il était possible de concevoir un livre où les illustrations pouvaient être premières. Mais accompagné d’un commentaire le plus solide possible et quand cela été possible de témoignages de contemporains. C’est une démarche d’écriture différente qui impose un plan d’écriture thématique », développe Louis-José Barbançon.
 

Une histoire commune à partager


Quant à la libéralisation de la parole, l’historien estime « qu’en ce qui concerne le bagne, on n’est plus dans le pays du non-dit ». « Pour le reste, peut-être qu’on est dans le pays du ‘mal-trop- dit’ ou du ‘trop-mal-dit’. Du ‘mal-trop-dit’ parce que je pense que l’arrivée des réseaux sociaux fait que l’on ne peut plus être dans le pays du non-dit. Mais ce qui me gêne énormément, c’est qu’il y a trop d’accents sur ce qui ne va pas (…) alors que ce pays a beaucoup d’atouts et de qualités. Après, le ‘trop-mal-dit’, je ne suis pas persuadé que certains tweets ou certains posts montrent l’exemple d’une grande qualité littéraire », confie le chercheur.

Avec ce mémorial, Louis-José Barbançon a voulu partagé toute la connaissance qu’il avait sur ce sujet. Ce livre est pour lui un bon vecteur d’appropriation de cette période de l’histoire pour tous les Calédoniens. L’historien, invité le 19 novembre par la mairie de Canala à remettre des exemplaires de son mémorial à des collégiens, s’interroge :  « Est-ce que oui ou non on va accepter que dans ce pays, on ait une histoire commune ? Est-ce que oui ou non, on va accepter que notre histoire, ce n’est pas un simple épisode de l’histoire de France mais bien une histoire commune ? »

L'intégralité de l'émission à écouter ci-après 

Louis-José Barbançon invité de "C'est notre histoire"