Le juteux et peu regardant business des passeports vanuatais

Le Vanuatu a relancé en 2017 la vente de passeports. Un procédé légal, mais qui a profité à des hommes d’affaires en délicatesse avec la justice et des leaders politiques en disgrâce, selon les révélations du journal britannique The Guardian.

Il suffit de taper « passeport » et « Vanuatu » dans n’importe quel moteur de recherches pour tomber en quelques clics sur un site proposant d’obtenir en deux mois « le plus rapide et le plus simple deuxième passeport », dûment et légalement estampillé par les autorités vanuataises et donnant « accès sans visa à 130 pays, y compris l’Union européenne et le Royaume-Uni », précise le site.

Facturé 130 000 dollars (13,2 millions de francs) pièce, la vente de passeport a rapporté 132 millions de dollars (13,5 milliards de francs) l’an dernier au Vanuatu soit 42% du budget total du pays. Et la vente de passeport est en constante augmentation depuis 2017 (+25% entre 2019 et 2020, +20% entre 2018 et 2019).

Une pratique courante

La pratique des « passeports d’investissement » n’est pas illégale, elle est pratiquée par de nombreux pays qui souhaitent favoriser l’installation d’investisseurs sur leur territoire. La France propose pour sa part un titre de séjour baptisé « Passeport talent investissement » destiné aux porteurs de projets d’investissement direct.

Mais au Vanuatu, cette pratique est devenue quasi-industrielle – 2 000 passeports d’investissement délivrés l’an dernier – et surtout le pays semble bien peu regardant sur le passé de certains bénéficiaires, selon les révélations du Guardian.

 

Le journal britannique a eu accès à des documents officiels du gouvernement vanuatais détaillant les noms et nationalités de chaque personne ayant obtenu un passeport de ce type l’an dernier.

Des personnalités au passé trouble

Sur les 2 200 passeports délivrés, 1 200 l’ont été à des ressortissants chinois. Rien d’anormal à cela, la Chine investissant massivement dans l’archipel. Suivent ensuite le Moyen-Orient, l’Afrique l’Europe, l’Asie (hors Chine) et enfin l’Australie.

Un Italien accusé d’avoir extorqué le Vatican, un Australien au passé de membre de gang, et deux frères Sud-Africains auteurs d’un « braquage » de cryptomonnaie de plusieurs milliards de dollars ont obtenu un passeport.

 

Et parmi ces ressortissants, des personnalités loin d’afficher le casier vierge officiellement exigé par les autorités vanuataises. L’an dernier, un Syrien sous le coup de sanctions américaines contre ses intérêts économiques, un Italien accusé d’avoir extorqué le Vatican, un Australien au passé de membre de gang, et deux frères Sud-Africains auteurs d’un « braquage » de cryptomonnaie d’une valeur de plusieurs milliards de dollars ont obtenu un passeport.

L’archipel ne semble pas non plus très regardant sur le passé politique de certains demandeurs. Dans la liste communiquée par les autorités vanuataises, le Guardian a ainsi retrouvé un homme que le journal soupçonne d’être un haut responsable Nord-Coréen, ou encore un homme identifié comme le gouverneur de Damas sous le régime de Bachar al-Assad. Le général algérien Ghali Belkecir, en fuite depuis 2019 et son limeogage après la chute d'Abdelaziz Bouteflika, a également acheté sans difficulté son passeport vanuatais.

Inquiétude internationale

Une légèreté qui inquiète d’autant plus les experts en relation internationale, que rien n’empêche les propriétaires de ces passeports de procéder par la suite à un changement de nom. Et donc, de fait, d’obtenir une nouvelle identité.

Rien n’empêche les propriétaires de ces passeports de procéder par la suite à un changement de nom. Et donc, de fait, d’obtenir une nouvelle identité.

 

Contactées par le Guardian, les autorités vanuataises ont indiqué que les faits reprochés à certains bénéficiaires n’étaient pas connus au moment de l’attribution de leur passeport. Floyd Mera, directeur de l’unité Intelligence économique du Vanuatu a assuré que la liste fournie par le Guardian allait être étudiée et que si des faits graves étaient relevés, des signalements seraient faits, pouvant déboucher sur une révocation de la citoyenneté. Une mesure déjà prise en 2014 contre plusieurs bi-nationaux accusés d'avoir versé des pots-de-vin à la commission alors en charge de l'attribution de la citoyenneté.