Mort de l’anthropologue Alban Bensa, expert de la Nouvelle-Calédonie et de la culture kanak

Alban Bensa, à droite, en 2019, avec des habitants de Poyes, sur la cote Est, lors d'un travail de traduction de documents sonores et écrits en langue cèmuhî.
Spécialiste de la Calédonie depuis les années 1970, le chercheur a réalisé un travail anthropologique considérable, notamment sur le monde kanak. L’intellectuel parisien s'est éteint à l’âge de 73 ans.

Plus qu’un objet d’études, le Caillou est devenu une histoire de cœur pour Alban Bensa. La première fois que l’anthropologue pose les pieds en Nouvelle-Calédonie, c’est en 1973, alors que les revendications identitaires et politiques kanak sont en pleine émergence. 

Installé à Paris, il fera de nombreux allers-retours sur le Caillou, et "consacr(era) toute sa vie à la culture kanak et la cause indépendantiste", rappelle Paul Néaoutyine, le président de la province Nord, dans un communiqué envoyé ce lundi matin.

Une vision anthropologique moderne

Le chercheur a écrit plusieurs ouvrages sur le pays. En 1982, il publie Les Chemins de l’alliance, l’organisation sociale et ses représentations en Nouvelle-Calédonie, avec le linguiste Jean-Claude Rivierre. Puis en 1995, il interroge la pratique de l’anthropologie de terrain, en marge du combat politique, dans Chroniques kanak-l’ethnologie en marche. 

"Il a marqué l’anthropologie de son empreinte en sortant la discipline d’une vision mythique, exotique, historique du peuple, kanak au profit d’un regard contemporain sur notre culture en perpétuelle évolution", estime Paul Néaoutyine.

Un compagnon de route fidèle, amical et fraternel.

Paul Néaoutyine, le président de la province Nord, au sujet d'Alban Bensa

 

En octobre 2019, il signe une tribune en faveur de l'indépendance dans le quotidien Libération, avec d'autres personnalités comme le journaliste Edwy Plenel, le philosophe Edgard Morin ou encore l'historien Benjamin Stora.

 

Une œuvre polyphonique sur la "guerre kanak de 1917"

Directeur d’études à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), il fut sollicité par l’architecte Renzo Piano pour la conception du centre culturel Tjibaou. Plus récemment, on retiendra  son ouvrage Les Sanglots de l’aigle pêcheur, la guerre kanak de 1917, écrit à plusieurs mains avec l’historien néo-zélandais Adrien Muckle et le professeur kanak de Paicï Kacué Yvon Goromoedo. Une œuvre phare, mêlant histoire et anthropologie, et fondamentale, qui figure parmi les ouvrages de référence sur la Nouvelle-Calédonie. 

Sa dernière visite remonte à 2019, dans le cadre de la préparation de plusieurs ouvrages réalisés à partir de documents écrits et sonores en langue cèmuhî, avec le conseil coutumier de l’aire Païci Cemuki, dont le vice président n’est autre que Richard Poarairiwa. Le coutumier se dit très affecté par la disparition d’Alban Bensa. 

Interview de Richard Poarairiwa

 

A revoir, ce témoignage d'Alban Bensa dans la série "Il y a 30 ans" de la 1ère, consacrée aux Evénements de 1988 en Nouvelle-Calédonie.