L’obésité est la première cause de mauvaise santé des Calédoniens. Son poids est exorbitant. Sur les finances publiques comme sur la vie de ceux qui en souffrent, parfois sans le savoir. Deux médecins, Nathalie Deboucher, responsable du service de rééducation métabolique du centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR) de Koutio, et Dominique Megraoua, responsable du centre d’éducation de l'Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie, en expliquent les ressorts.
C’est quoi l’obésité ?
L'obésité se caractérise par une augmentation de la masse grasse dans le corps. Elle est due à un déséquilibre entre apports nutritionnels et dépenses énergétiques. “Quand il y a plus d’apports que de dépenses, on stocke. Et le seul moyen que le corps a de stocker, c’est sous forme de graisse”, explique Dominique Megraoua.
Cette graisse va d'abord se répartir sous la peau puis s’accumuler autour des organes, jusqu’à les comprimer, empêchant leur bon fonctionnement. Elle va également contribuer à la fabrication de substances inflammatoires, nocives pour notre santé.
Comment savoir si on en souffre ?
38 % des Calédoniens en souffrent, contre 17 % dans l’Hexagone. Des chiffres basés sur l’indice de masse corporelle (IMC). Il se calcule en rapportant le poids à la taille. L’Agence sanitaire et sociale a développé une plateforme où le mesurer : www.monpoids.nc. Au-delà de 25, on parle de surpoids. Au-delà de 30, d’obésité.
Le tour de taille va alors déterminer la gravité de la maladie. "On sait qu’il est lié aux complications, notamment cardiovasculaires”, précise Nathalie Deboucher.
Que risquent les personnes obèses ?
Accidents vasculaires cérébraux, hypertension, excès de cholestérol, apnée du sommeil, insuffisance respiratoire, infarctus, dégénérescences articulaires, œdèmes, goutte, cancer, diabète...
L’obésité provoque de nombreuses autres pathologies chroniques, causes de surmortalité. Elle augmente aussi le risque d’infections. “C’est toujours eux qui sont là, en réanimation, dans les infections graves. On l’a vu pendant le Covid”, observe Nathalie Deboucher. “Leurs corps se défendent beaucoup moins bien. Une autre complication, c'est cette fatigue, cette perte de l'élan vital, cette perte d'énergie souvent décrite par les patients. Ça peut être multifonctionnel, mais c'est quand même fatigant de tirer un camion trop lourd.”
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Au bout, il peut encore y avoir une perte de mobilité, la mésestime de soi, la dépression. “Même si en Océanie la fonctionnalité du corps importe plus que l'esthétique, il peut y avoir des moqueries, parfois des difficultés à trouver du travail et une tendance au repli sur soi parce que si mon corps ne fonctionne pas, je ne peux pas aller à l’église à pied, je ne peux pas aller aux champs, ça peut devenir vital”, décrit le docteur Deboucher.
Quelles sont les causes ?
Bien sûr, l’hérédité, autrement dit la génétique, peut jouer un rôle dans la survenue de l’obésité. Un traumatisme peut aussi déclencher l'engrenage. Mais, c’est avant tout une maladie de société, provoquée par une modification des modes de vie et de consommation.
En Nouvelle-Calédonie, "les changements ont peut-être été un peu plus rapides que dans les pays occidentaux”, avance Nathalie Deboucher. “On est passé d’une alimentation très naturelle à une alimentation industrielle”, qui continue d’attiser la curiosité et la convoitise “parce que quelque part, aller au magasin, c’est être quelqu’un”, parce qu’on a envie de tester les produits vus sur les publicités.
La cause principale de l'augmentation du nombre de malades, c'est l'environnement.
Docteur Dominique Megraoua
Cela dans un contexte d'éloignement de la tribu pour une vie en ville, avec des métiers sédentaires et des salaires souvent bien trop modestes par rapport aux prix de l'alimentation, poursuit le médecin.
“Les bons produits coûtent cher, donc ceux qui ont moins de moyens se tournent vers les mauvais produits”, résume le docteur Megraoua. La plupart du temps sans savoir qu'ils sont mauvais pour leur santé, par manque d’information. Les habitudes ayant tendance à se répéter de génération en génération et les pouvoirs publics tardant à réagir, le tableau n’a fait que se noircir.
Mais il est possible d’enrayer le phénomène. Les deux médecins l’expliquent dans un second volet, à paraître ce lundi 4 mars.