“Rien n’est une fatalité”, c’est ce que le docteur Nathalie Deboucher et son équipe disent aux personnes obèses qui poussent la porte du centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR). Les risques de comorbidités peuvent être réduits en mangeant mieux et en fabriquant du muscle. Mais l’obésité étant une maladie de société, les pouvoirs publics ont aussi un rôle à jouer.
La prévention
Sylvester a trop de graisse et de sucre dans le corps. Elle est suivie depuis des années. Pourtant, jusqu’à cet atelier diététique à l’Agence sanitaire et sociale, "je ne connaissais pas les effets des aliments", réalise-t-elle, un peu effarée. Hypertension, goutte, fatigue... Elle est là parce que les complications se sont multipliées.
Quatre enfants sur dix sont en surpoids à 12 ans.
Baromètre santé 2021-2022
En Nouvelle-Calédonie, la prévention reste insuffisante, Sylvester en est la preuve. C’est pourtant l’une des clés, sinon la clé, de la lutte contre l’obésité, souligne Dominique Megraoua, responsable du centre d’éducation de l'Agence sanitaire et sociale. Elle peut permettre de changer peu à peu les comportements. Et empêcher une partie des jeunes de basculer alors que 4 enfants sur 10 sont en surcharge pondérale à 12 ans.
"Puisqu’il s’agit d’une maladie de société, cette prévention doit être menée par les acteurs de la santé mais aussi de l’éducation, de l’agriculture et de l’urbanisme”, poursuit le médecin. “Chez les gens”, ajoute Nathalie Deboucher.
Les programmes d'aide
S’ils restent eux aussi insuffisants face à l’ampleur de l’épidémie, plusieurs programmes d’aide aux personnes obèses existent sur le territoire. Ils fonctionnent à peu près tous sur le même principe : un accompagnement médical, nutritionnel, physique et psychologique sur plusieurs mois.
Des ateliers d’activité physique adaptée doivent redonner de l’agilité et de la tonicité aux corps. Des ateliers diététique et cuisine permettent de comprendre à quoi sert ce qu’on mange “parce que la plupart ne savent pas. Ils se disent que l’important est de remplir l’estomac”, souligne Nathalie Deboucher.
TÉMOIGNAGES. Obésité [3/3] : “Il ne faut pas rester seul, des gens sont là pour nous aider”
Des professionnels leur expliquent les mécanismes de l’obésité. Déconstruisent des idées reçues, sur l’intérêt de sauter des repas ou de se faire enlever un morceau d’estomac par exemple. Ils les incitent à parler de l’histoire de leur poids ou encore à jardiner, une manière de bien se nourrir sans se ruiner.
“On leur répète que plus que de perdre des kilos, ce qui compte, c’est de perdre de la graisse au profit des muscles”. Car c’est la graisse qui présente un danger.
Ils ne sont pas coupables mais une fois qu’ils savent qu’ils ont les moyens d’agir sur leur santé, c'est de leur responsabilité.
Docteur Nathalie Deboucher
“On veut qu’ils deviennent des acteurs de leur santé”, résument les responsables des différents programmes. Chez ceux qui y parviennent, les résultats sont là.
- Le centre d’éducation de l’Agence sanitaire et sociale, créé en 1999, est ouvert aux personnes qui souffrent d’obésité sans forcément être diabétiques depuis un an. Plus de renseignements au 26 90 61.
- La province Sud a lancé le programme obésité de proximité (POP) en janvier 2023. Un suivi de six mois proposé aux bénéficiaires de l’aide médicale dans les centres médico-sociaux de leur commune. Prochaines sessions à Boulari et au Mont-Dore Sud. Renseignements au 20 44 00.
- Au centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR), à Koutio, la prise en charge commence par une hospitalisation complète ou de jour pendant quatre semaines. Elle est remboursée aux personnes couvertes par la CAFAT et une mutuelle. Renseignements au 24 38 00.
- Le centre spécialisé de l'obésité et du surpoids, privé, propose des programmes d’accompagnement, sans hospitalisation. Renseignements au 28 46 46.
En province Nord et des Îles, les patients peuvent se tourner vers les diététiciens qui tiennent des permanences dans les dispensaires.
L'action publique
Pour Nathalie Deboucher et Dominique Megraoua, il est certain que les actions individuelles et du monde médical ne suffiront pas à faire reculer l’obésité en Nouvelle-Calédonie.
Une piste : “réguler le marché de l'alimentation, c'est-à-dire adosser les taxes à la qualité nutritionnelle de l'aliment. Tout le monde s'y retrouverait. Ça pousserait les industriels à fabriquer et à importer des aliments de meilleure qualité, et ça aiderait les consommateurs à faire des achats préférables pour leur santé”, propose le docteur Megraoua.
Obésité [1/3] : comment en est-on arrivé là ?
Autres propositions des professionnels : rendre possible les prescriptions d’activité physique adaptée, comme c’est le cas dans l’Hexagone ; ouvrir la prise en charge CAFAT aux consultations de diététique et de psychologie ; développer les programmes de soutien à l’activité physique, comme il en existe déjà avec Pass sports CAFAT. Les mairies et les provinces proposent aussi des actions et des aides mais pour Dominique Megraoua, les institutions pourraient aller encore plus loin via les politiques d’urbanisme. “En aménageant des pistes cyclables et des trottoirs, en ouvrant les stades et les gymnases, en développant les transports en commun... Des pistes, il y en a des milliers.”