Pas de nickel calédonien dans le chargement d’acier qui a quitté Marioupol pour la Russie

Bobines d'acier sur un quai du port de Marioupol fin mai 2022. Image fournie par l'agence russe SPUTNIK.
Une des plus grandes usines métallurgiques d’Europe est en ruine mais ses stocks d'acier sont intacts. Le site industriel Azovstal, appartient au groupe Metinvest, contrôlé par l’entrepreneur et industriel le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov. L'Ukraine dénonce un vol de sa production désormais contrôlée par la République populaire autoproclamée de Donetsk (RPD) et la Russie.

Mardi, un premier navire commercial, de type "Slavutich" immatriculé en Ukraine, chargé de volumineuses bobines d’acier, a quitté le port de Marioupol, conquis par les forces russes, pour rejoindre la ville proche de Rostov-sur-le-Don en Russie, a annoncé le dirigeant séparatiste de la région de Donetsk Denis Pouchiline.

Le site Telegram Donbass Insider (pro-russe) a précisé, en français : "Ces rouleaux d'acier avaient été produits par l’usine Azovstal (…) et la commande venait d’une usine italienne qui avait déjà réglé la facture (…) la Russie semble vouloir honorer cette commande et l’envoyer à l’acheteur". Rien n'est moins sûr, en raison des sanctions qui interdisent les échanges et le transport maritime.

"Marioupol est très important pour le Donbass", souligne Denis Pouchiline. "C'est un port essentiel sur la mer d'Azov et le seul où l'on peut transborder tous types de marchandises y compris en hiver", explique-t-il.

L’Ukraine a déclaré que l’envoi de ce premier chargement d’acier en Russie, depuis Marioupol, constituait un pillage de ses ressources.

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Images sans commentaire: agence d'information russe Sputnik 

Forte valeur

Selon un métallurgiste européen, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, "il s’agit de bobines de 20-30 tonnes, essentiellement d’acier carbone, qui vaut 1000 euros la tonne", environ 2,5 millions d’euros pour la cargaison qui est estimée à 2500 tonnes par le dirigeant pro-russe de donetsk sur sa messagerie telegram.

Sur les quais de Marioupol sont présents d’autres stocks de différentes productions métallurgiques. La Russie a pris le contrôle du port stratégique au milieu du mois de mai, rappelle l'AFP. Situé sur la mer d'Azov, qui donne sur la mer Noire, le port de Marioupol était avant l'offensive en Ukraine du Kremlin, lancée le 24 février, le deuxième port civil le plus important d'Ukraine après celui d'Odessa.

Il permettait notamment d'exporter en masse, outre l’acier, la gigantesque production ukrainienne de céréales, désormais bloquée dans le pays à cause du conflit, ce qui fait craindre une crise alimentaire mondiale.

La Russie avait annoncé la conquête de Marioupol le 21 avril, après des combats qui ont laissé la ville largement détruite. Le 24 mai, l'armée russe a annoncé avoir déminé 1,5 million de mètres carrés de l'aire maritime du port, ainsi que 18 quais et 32 navires, permettant ainsi la reprise des activités portuaires et des exportations de ce que l’usine avait produite, avant sa destruction par les bombardements de l'artillerie russe..

Cargaison d'acier quittant le porte de Marioupol sous la surveillance des forces russes le 30 mai 2022. Image de l'agence d'information publique Sputnik

Inox et nickel

Dans sa production sidérurgique, le grand combinat industriel Azovstal de Marioupol fabriquait aussi de l’inox à partir de l’alliage de ferronickel que lui fournissait l’usine métallurgique de Popuzhsky dans l’ouest du pays.

Les livraisons ont été interrompues après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Pour cette production spécifique, le minerai de nickel était importé principalement du Guatemala.

Selon le site internet de l’usine de Popuzhsky, dans les années 2000, des cargaisons sont même venues de Nouvelle-Calédonie. Le groupe Solway, propriétaire du site indique qu’il ne dispose plus des documents concernant ces livraisons, qu’il confirme.

Du nickel calédonien a donc servi épisodiquement, il y a près de 20 ans, à enrichir le minerai ukrainien transformé sur place. L’alliage de ferronickel était livré à l'usine Azovstal de Marioupol pour faire de l’acier inoxydable.