Après les discussions bilatérales qui se sont tenues à Paris en avril, Gérald Darmanin doit se rendre en Nouvelle-Calédonie en juin prochain. Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer devrait à cette occasion entamer les fameuses discussions trilatérales avec tout le monde autour de la table. Mais rien n’est moins sûr. Pour l’UC notamment, les conditions ne sont pas réunies pour la tenue de ces discussions. Et les tensions entre indépendantistes et non-indépendantistes sont palpables. Une plainte a notamment été déposée contre Daniel Goa après son discours au dernier comité directeur de l’UC.
Un indispensable consensus
Pour Philippe Gomès, invité du journal télévisé du 30 avril avec Laurence Pourtau, le dialogue doit pourtant se poursuivre et un rapport de force qui se terminerait sans les indépendantistes constituerait "un grave échec aux conséquences incertaines".
Il faut passer par le consensus pour pouvoir avancer, estime le fondateur de Calédonie ensemble : "Le consensus, c’est le mode de fonctionnement de notre pays. […] Ça fait 35 années que c’est au travers de compromis politiques entre les uns et les autres, dans le respect des uns et des autres qu’on a avancé. Donc si on veut revenir dans les années 80, on n’a qu’à éviter le consensus. Mais le consensus, c’est la pierre angulaire de ce qui nous permettra de continuer à vivre ensemble et en paix."
Calédoniser les compétences régaliennes
Même si la Nouvelle-Calédonie est déjà souveraine dans presque tous les domaines, à part les compétences régaliennes qui restent à l’État, Philippe Gomès estime que l’on peut aller encore plus loin : "Être plus souverains, ça veut dire par exemple calédoniser les compétences régaliennes, faire en sorte que ces compétences, dans le domaine de la gendarmerie ou de la justice, ressemblent davantage au pays, qu’il y ait plus de Calédoniens qui les exercent. Et il y a bien sûr d’autres émancipations dans les compétences, notamment en matière de souveraineté internationale".
Poursuivre l’émancipation au sein de la République
Comment respecter les trois référendums et en même temps s’engager sur une complète émancipation ? Philippe Gomès rappelle que "l’Accord de Nouméa dit qu’il faut qu’au terme de l’accord, on aboutisse à une complète émancipation, pas indépendance, pas souveraineté pleine et entière, complète émancipation".
Il s’agit maintenant pour les partenaires de faire en sorte de respecter le choix des urnes (les trois Non aux référendums) tout en poursuivant la trajectoire d’émancipation du pays au sein de la République. "C’est tout l’enjeu des discussions qui doivent se dérouler demain, je l’espère, dans le cadre des trilatérales avec Gérald Darmanin au mois de juin".
Éviter un nouveau référendum binaire
Pour Philippe Gomès, le droit à l’autodétermination ne peut plus s’exercer via un référendum binaire, pour ou contre l’indépendance, qui laisserait, quel que soit le résultat, la moitié de la Nouvelle-Calédonie insatisfaite.
" On doit réinventer le droit à l’autodétermination, on ne peut plus avoir le luxe d’un pour ou contre sec contre l’indépendance." Selon lui, il devrait être exercé via une majorité qualifiée des deux-tiers du Congrès, soit au-delà des camps indépendantiste et non-indépendantiste, et sur un projet : "C’est ensemble qu’on exercerait le droit à l’autodétermination et il ne faut plus que ce soit un droit qu’on exerce pour ou contre l’indépendance, mais dans le cadre d’un référendum de projet qui nous rassemble. Plus un référendum qui nous divise mais un référendum qui nous rassemble."
Les propos de Daniel Goa
Revenant sur la polémique concernant le discours du président de l'union calédonienne au dernier comité directeur du parti, et la plainte déposée par les Loyalistes, Philippe Gomès relativise.
" C’est sûr que Daniel Goa n’aide pas à apaiser les relations entre les uns et les autres, ni à permettre l’organisation des trilatérales. Mais Daniel Goa, c’est son genre, ce n’est pas la première fois qu’il sort un brûlot contre la France". Et de rappeler les propos tenus lors du 52e congrès de l’Union calédonienne en avril 2022 où le président l'UC avait comparé l’État à l’Allemagne nazie et à Vladimir Poutine face à l’Ukraine.
Pour autant, Philippe Gomès estime qu’il "ne faut pas qu’on crée un environnement qui, à la sortie, donne un alibi aux indépendantistes, notamment aux plus extrémistes d’entre eux, pour boycotter les trilatérales. Parce que c’est le pays qui va en payer le prix."
Les trilatérales
Malgré un climat politique tendu, Philippe Gomès pense que des trilatérales peuvent se tenir en juin avec deux premiers sujets : l’audit de la décolonisation et le bilan de l’Accord de Nouméa. " On peut démarrer en jetant un regard sur le passé, quel est le chemin qu’on a parcouru, qu’est ce qui a marché et qu’est ce qui n’a pas marché. Ce serait un bon sujet pour des premières trilatérales. Et puis après, on va continuer, on va cheminer. On a devant nous six, douze mois pour faire en sorte d’aboutir à un nouveau grand accord qui serait porteur d’un consensus définitif pour notre pays".
"Il faut qu’on soit à l’heure de l’Histoire, au rendez-vous de l’Histoire" quitte à repousser la date des élections provinciales, prévues l’an prochain.
La situation de la DDEC
Concernant les difficultés auxquelles est confrontée la DDEC, Philippe Gomès se dit solidaire de l’enseignement catholique : "Il est indigne de laisser 15 000 enfants, 2 000 enseignants, les familles, dans l’incertitude la plus totale. C’est indigne de voir le gouvernement et la province Sud se renvoyer la balle sur le sujet avec une désinvolture invraisemblable".
Pour lui, l’école privée "ne mérite pas d’être l’otage de querelles politiques". Le leader de Calédonie ensemble annonce avoir, avec le sénateur Gérard Poadja et le député Philippe Dunoyer, saisi le haut-commissaire "de façon à ce qu’il puisse exercer dans le cadre de sa mission de contrôle de légalité à qui incombe la charge financière des missions de l’enseignement catholique. Et peut-être que cette première démarche vers le haut-commissaire serait le début d’une mission de médiation. On ne peut pas laisser les choses en l’état".
Pas candidat aux élections sénatoriales
Enfin en réponse à une question d’un téléspectateur, Philippe Gomès a confirmé qu’il ne serait pas candidat aux élections sénatoriales en septembre prochain. Selon lui, c’est "un ticket Sonia Backès et Pierre Frogier" qui devrait se présenter chez les non-indépendantistes. Affaire à suivre.