Plusieurs centaines d’étudiants calédoniens vivent dans la précarité

Le campus de Nouville, université de la Nouvelle-Calédonie
Ils veulent étudier mais n’ont souvent pas de quoi s’acheter à manger. Les étudiants calédoniens se débrouillent comme ils peuvent et peuvent aussi compter sur la solidarité.

Régulièrement, on parle de la vie chère et du pouvoir d'achat des Calédoniens mais rarement on entend ces centaines d'étudiants qui ont de plus en plus de mal aussi à boucler les fins de mois et étudier en même temps.

Vivre avec 20 000 francs par mois

Rudy Tavita est maintenant soulagé. À 20 ans, étudiant en 2ème année de licence éco-gestion, il a enfin obtenu un logement à la résidence universitaire. Chaque année, ce sont plus de 1000 demandes pour 650 logements.
" Ma première année, je n’ai pas eu de bourse. Je n’avais pas de logement, je n’avais rien. Du coup, tous les matins, je faisais la route du Mont-Dore. Je prenais le car à 5 h du matin pour aller à l’université pour être sûr de ne pas être dans les bouchons, pas être en retard en cours" explique Rudy Tavita.
Boursier, comme 30% des étudiants, soit près d’un millier sur les 3700 inscrits à l’université de la Nouvelle-Calédonie, Rudy vit avec une allocation mensuelle de 20 000 francs CFP.
" 20 000 francs au mois, c’est très short pour moi. Le loyer est déjà vers 6, 7 000 francs, le car est à 4 500 par mois…"

Quelle égalité des chances ?

Une précarité financière mais pas seulement. La bonne douzaine de jeunes que nous avons rencontrés sur le campus partagent tous le même sentiment même s’ils sont rares, ceux qui acceptent d’évoquer la réussite et l’égalité des chances.
" Il y en a qui sont plus aisés que d’autres, il y en a qui sont vraiment dans le besoin. Dans ma vision des choses, j’aimerais que tous les étudiants réussissent et qu’il y ait la même égalité de chances".

Une épicerie solidaire

Pour venir en aide aux plus démunis, depuis 2013, des étudiants bénévoles se sont mobilisés pour ouvrir une épicerie solidaire sur le campus de l’université à Nouméa.
Chaque semaine, plus d’une centaine de jeunes vient s’y approvisionner comme Cécile Schilchter dont la famille est en province Nord.
" Mes parents m’aident financièrement, je vis avec 25 000 francs par mois tout au plus. Ils m’aident comme ils peuvent mais c’est pas toujours facile parce que j’utilise mon argent pour me nourrir. Mais à part les cours et la nourriture, du coup, je n’ai pas d’activités extérieures, j’ai pas forcément de quoi décompresser donc c’est pas toujours simple" explique cette étudiante de 19 ans en licence de lettres. " À un moment, au début de l’année, comme je n’avais pas encore conscience du peu d’argent que j’avais, je voulais faire du loisir à côté, et je me suis retrouvée à la fin d’un mois à ne pas pouvoir manger parce que j’avais préféré faire des activités plutôt que de me nourrir. Donc après, à la fin du mois, c’est manger chez des amis qui sont d’accord pour nous aider parce que sinon, je ne mange pas. Maintenant que j’en ai pris conscience, j’ai appris à gérer mon argent et c’est un peu plus simple. Et grâce à l’épicerie aussi. Mais sinon, je n’aurais pas réussi sans eux".
Produits alimentaires et d’hygiène à prix cassés, l’université soutient aussi l’épicerie avec un constat : de plus en plus de jeunes n’y arrivent pas.
" Il y a des centaines d’étudiants qui ne mangent pas le midi par exemple, ou qui viennent chercher une soupe, c’est la seule chose qu’ils se permettent d’avaler. Quand on peut leur donner, parce que même acheter, même à 130 francs, c’est hors budget pour eux" explique Brigitte Gustin, chargée de mission vie étudiante à l’UNC.

La Maison de l’étudiant

Quelles solutions apporter ? Sans réel statut de l’étudiant, les autorités du pays ont créé en 2012 une Maison de l’étudiant. Indépendante et dotée d’un budget annuel de 250 millions de francs CFP, elle accompagne tous les jeunes qui le souhaitent, avec une équipe pluridisciplinaire : assistante sociale, psychologues, médecins. 500 étudiants y viennent chaque année.
" Ça n’est pas une population oubliée. La jeunesse calédonienne est une des priorités, elle faisait partie du discours de politique générale du président du gouvernement, donc, non, ce n’est pas une population oubliée. Par contre, il y a encore beaucoup de choses à faire. Ce GIP [groupement d’intérêt public] est constitué du gouvernement, de l’État, avant des trois provinces mais malheureusement la province Nord a quitté le GIP et je le regrette fortement. Il y a vraiment une prise de conscience de nos institutions pour aider cette jeunesse calédonienne et je pense qu’on va y arriver. Il y a une certaine urgence" souligne Yannick Lerrant, la directrice de la Maison de l’étudiant.
Et aujourd’hui, les deux urgences sont de construire plus de logements et surtout de maintenir, voire d’augmenter les subventions pour améliorer le quotidien des étudiants.
Le reportage de Thierry Rigoureau et Laura Schintu

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